Métrique en Ligne
ROS_1/ROS2
Edmond ROSTAND
LES MUSARDISES
1887-1893
I
LA CHAMBRE D'ÉTUDIANT
II
LA CHAMBRE
Au son d'un vieux Pleyel qu'un voisin pauvre oblige 6+6 a
A moudre des galops, 6 b
Chaque jour je m'éveille en murmurant : « Où suis-je ? » 6+6 a
Comme dans les mélos. 6 b
5 Je sors de la féerie en mon rêve apparue, 6+6 a
Je sors d'une forêt 6 b
Et j'habite un hôtel situé dans la rue 6+6 a
De Bourgogne, il paraît ! 6 b
C'est une rue étroite, avec peu de silence 6+6 a
10 >Et beaucoup de maisons, 6 b
Dont les cris les plus gais sont : « La belle Valence ! » 6+6 a
Et : « Les quatre saisons ! » 6 b
L'acajou de ma chambre est, ce matin, d'un style 6+6 a
Si Louis-Philippart, 6 b
15 Que de cette atmosphère ingénument hostile 6+6 a
Toute espérance part ! 6 b
Quelles traces, fauteuils, sur votre velours chauve 6+6 a
Laissèrent d'humbles dos ! 6 b
O fentes du plafond ! ô papier de l'alcôve ! 6+6 a
20 O couleur des rideaux ! 6 b
C'est aujourd'hui jeudi. C'est le jour où Marseille 6+6 a
Tient ses marchés de fleurs. 6 b
C'est là que je serais, dans la tiédeur vermeille, 6+6 a
Au milieu des flâneurs, 6 b
25 Si je n'avais voulu, pour être ce poète 6+6 a
Que nul ne demandait, 6 b
Risquer d'être à Paris un Daniel Eyssette 6+6 a
Sans Alphonse Daudet ; 6 b
Si je n'avais rêvé le vieux rêve inutile, 6+6 a
30 A tant d'autres pareil, 6 b
De me faire une place au soleil d'une ville 6+6 a
Qui n'a pas de soleil ! 6 b
Je n'ai pas de soleil, et j'ai toujours décembre, 6+6 a
Et pas encor d'amour : 6 b
35 Toute mon existence est comme cette chambre 6+6 a
Qui donne sur la cour ! 6 b
L'ami qui vient me voir, joyeux quand il arrive, 6+6 a
Est triste en s'en allant ; 6 b
Et la foi chaque jour me semble être moins vive 6+6 a
40 Qu'il eut dans mon talent. 6 b
Sauf qu'il y a toujours sur ma table une rose, 6+6 a
Dans l'âtre une souris 6 b
Qui s'occupe toujours à ronger quelque chose, 6+6 a
Je suis seul à Paris. 6 b
45 Mais, furtif rongement, mystérieux cinname, 6+6 a
L'animal et la fleur 6 b
Mettent autour de moi, l'une l'odeur d'une âme, 6+6 a
L'autre le bruit d'un cœur. 6 b
Je n'ose plus penser que jamais à ma tempe 6+6 a
50 Verdisse aucun laurier, 6 b
Et crois me satisfaire en trouvant sous ma lampe 6+6 a
Un bonheur d'ouvrier. 6 b
Mais je vois sur la table une grande corolle, 6+6 a
Dans l'âtre un petit œil ; 6 b
55 L'un me dit : « Patience ! » — et j'entends sa parole ; 6+6 a
L'autre me dit : « Orgueil ! » 6 b
Ce sont les deux conseils dont j'ai besoin pour vivre, 6+6 a
L'un gris, l'autre vermeil : 6 b
Mais le second conseil est moins facile à suivre 6+6 a
60 Que le premier conseil. 6 b
Pourtant, le bruit qui ronge et le parfum qui rêve 6+6 a
Me rendent quelque espoir, 6 b
Et je me sens moins seul dans l'ombre, et je me lève, 6+6 a
Et je ris dans le soir, 6 b
65 Sûr de pouvoir toujours, malgré l'heure grisâtre, 6+6 a
Rire comme je ris, 6 b
Tant qu'il me restera, sur ma table et dans l'âtre, 6+6 a
Ma rose et ma souris. 6 b
mètre profils métriques : 6, 6+6
forme globale type : suite périodique
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