Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
ROS_1/ROS1
Edmond ROSTAND
LES MUSARDISES
1887-1893
I
LA CHAMBRE D'ÉTUDIANT
I
DÉDICACE
Je vous aime et veux qu'on le sache, 8 a
O raillés, ô déshérités, 8 b
Vous qu'insulte le public lâche, 8 a
Vous qu'on appelle des ratés ! 8 b
5 Donc, à cette heure où je me lance 8 a
En pleine mêlée, où je vais 8 b
Cogner, rompre plus d'une lance, 8 a
Recevoir plus d'un coup mauvais, 8 b
Où l'ardent désir me dévore 8 a
10 D'attaquer de front mes rivaux, 8 b
Sans savoir seulement encore 8 a
Ce que je suis, ce que je vaux, 8 b
Si je suis seulement de taille 8 a
A me mêler aux combattants ; 8 b
15 — Dans ce matin de la bataille 8 a
Où vont se ruer mes vingt ans, 8 b
Je pense à vous, ô pauvres hères ! 8 a
A vous dont peut-être, ce soir, 8 b
Je partagerai les misères, 8 a
20 Parmi lesquels j'irai m'asseoir ; 8 b
Et très longuement j'envisage, 8 a
Pour bien voir si j'ai le cœur fort. 8 b
Pour m'assurer de mon courage, 8 a
La tristesse de votre sort. 8 b
25 Si j'étais, par le ridicule 8 a
Qu'on vous jette, mis en émoi, 8 b
Il est toujours temps qu'on recule : 8 a
Mieux me vaudrait rentrer chez moi. 8 b
Mais non pas ! car je veux la lutte. 8 a
30 Et votre fortune n'a rien 8 b
Qui me répugne ou me rebute. 8 a
Même je la préfère bien 8 b
A celles, qu'on dit plus heureuses, 8 a
De ceux qu'on nommait « philistins » ; 8 b
35 Je préfère les viandes creuses 8 a
De vos songes à leurs festins ! 8 b
Si je tombe comme vous autres, 8 a
S'il me faut vider les arçons, 8 b
Eh bien, quoi ! je serai des vôtres, 8 a
40 N'est-il pas vrai, les bons garçons ? 8 b
A vous donc qu'on raille et qu'on hue 8 a
Et qu'on accable de mépris, 8 b
O foule innombrable, cohue 8 a
Des déclassés, des incompris ! 8 b
45 A vous que hanta la chimère 8 a
Du définitif, du parfait, 8 b
Et qui, pour vouloir trop bien faire, 8 a
Finalement n'avez rien fait ; 8 b
A vous qui portiez dans vos têtes 8 a
50 De trop beaux idéals rêvés, 8 b
À vous tous, à vous grands poètes 8 a
Aux poèmes inachevés ; 8 b
A vous dont les fainéantises 8 a
Sont pleines de si fiers projets, 8 b
55 Et que poursuivent les hantises 8 a
De trop magnifiques sujets ; 8 b
A vous dont la pensée énorme, 8 a
Trop large, ne pouvait entrer 8 b
Sans la briser dans une forme, 8 a
60 Dans un moule sans l'éventrer ; 8 b
A vous, peintres, que désespère 8 a
La toujours fuyante couleur, 8 b
Qui devant un jeu de lumière 8 a
Jetez vos pinceaux de douleur ; 8 b
65 Musiciens, pâles d'entendre 8 a
En vous des accords merveilleux, 8 b
Et qui, de ne pouvoir les rendre, 8 a
Avez des larmes dans les yeux ; 8 b
A vous qui, ne pouvant traduire 8 a
70 Les finesses que vous sentez, 8 b
Préférez ne jamais produire, 8 a
O délicats, exquis ratés ! 8 b
A vous, paresseux égoïstes, 8 a
Qui gardez vos œuvres en vous ; 8 b
75 A vous les vrais, les grands artistes, 8 a
A vous les emballés, les fous, 8 b
Qui, sans entendre les sarcasmes, 8 a
Triomphez dans de pauvres soirs ; 8 b
A vous dont les enthousiasmes 8 a
80 Gesticulent sur des trottoirs, 8 b
Personnages funambulesques, 8 a
Laids, chevelus et grimaçants, 8 b
Pauvres dons Quichottes grotesques, 8 a
Et d'autant plus attendrissants, 8 b
85 Dont la Muse est la Dulcinée, 8 a
— O chevaliers errants de l'art, 8 b
A qui la gloire destinée 8 a
Manqua peut-être par hasard ! 8 b
Étant votre ami, votre frère, 8 a
90 Un rêveur, un hurluberlu 8 b
Qui connaîtra votre misère 8 a
Peut-être demain, — j'ai voulu 8 b
Vous dédier par ce poème 8 a
Les premiers vers que j'ai tentés, 8 b
95 Enfants perdus de la bohème, 8 a
O mes bons amis les Ratés ! 8 b
mètre profil métrique : 8
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