Métrique en Ligne
ROL_3/ROL309
Maurice ROLLINAT
Paysages et Paysans
1899
La petite Sœur
En gardant ses douze cochons 8 a
Ainsi que leur mère qui grogne, 8 b
Et du groin laboure, cogne, 8 b
Derrière ses fils folichons, 8 a
5 La sœurette, bonne d'enfant, 8 a
Porte à deux bras son petit frère 8 b
Qu'elle s'ingénie à distraire, 8 b
Tendre, avec un soin émouvant. 8 a
C'est l'automne : le ciel reluit. 8 a
10 Au long des marais de la brande 8 b
Elle va, pas beaucoup plus grande, 8 b
Ni guère plus grosse que lui. 8 a
Ne s'arrêtant pas de baiser 8 a
La petite tête chenue, 8 b
15 Sa bouche grimace, menue, 8 b
Rit à l'enfant pour l'amuser. 8 a
Elle lui montre le bouleau ; 8 a
Et lui dit : « Tiens ! la belle glace ! » 8 b
Et le tenant bien, le déplace 8 b
20 Pour le pencher un peu sur l'eau. 8 a
Et puis, par elle sont épiés 8 a
Tous les désirs de ses menottes ; 8 b
Elle chatouille ses quenottes, 8 b
Elle palpe ses petits pieds. 8 a
25 Sa chevelure jaune blé 8 a
Gazant son œil bleu qui l'étoile, 8 b
Contre le soleil fait un voile, 8 b
Au baby frais et potelé. 8 a
Ils sont là, parmi les roseaux, 8 a
30 Dans la Nature verte et rousse, 8 b
Au même titre que la mousse, 8 b
Les insectes et les oiseaux : 8 a
Aussi poétiques à l'œil, 8 a
Vénérables à la pensée ! 8 b
35 Double âme autant qu'eux dispensée 8 b
De l'ennui, du mal et du deuil ! 8 a
Par instants, un petit cochon, 8 a
Sous son poil dur et blanc qui brille, 8 b
Tout rosâtre, la queue en vrille, 8 b
40 Vient vers eux d'un air drôlichon. 8 a
Il s'en approche, curieux, 8 a
Les lorgne comme deux merveilles, 8 b
Et repart, ses longues oreilles 8 b
Tapotant sur ses petits yeux. 8 a
45 Et puis, c'est un lézard glissant, 8 a
Ou leur chienne désaccroupie, 8 b
Éternuant, tout ébaubie, 8 b
Pendant son grattage plaisant. 8 a
Alors la sœur dit au petiot 8 a
50 Dont l'œil suivait un vol de mouche : 8 b
« Regarde-la donc qui se mouche 8 b
« Et qui s'épuce — la Margot ! » 8 a
Au souffle du vent caresseur 8 a
Chacun fait son bruit monotone : 8 b
55 Ce qu'elle dit — ce qu'il chantonne : 8 b
Même vague et même douceur ! 8 a
Entre des vols de papillons 8 a
Leur murmure plein d'indolence 8 b
S'harmonise dans le silence 8 b
60 Avec la chanson des grillons. 8 a
Mais le marmot que le besoin 8 a
Gouverne encore à son caprice 8 b
Crie et réclame sa nourrice 8 b
En agitant son petit poing. 8 a
65 Ses pleurs sont à peine séchés 8 a
Qu'il en reperle sur sa joue 8 b
La sœurette lutine et joue 8 b
Avec ces chagrins si légers. 8 a
À mesure qu'il geint plus fort, 8 a
70 Que davantage il se désole, 8 b
Sa patience le console 8 b
Avec plus de sourire encor. 8 a
Le tourment de l'enfant navré 8 a
A grossi les larmes qu'il verse 8 b
75 Elle le berce — elle le berce, 8 b
Le pauvre tout petit sevré ! 8 a
Elle l'appelle « son Jésus ! » 8 a
Le berce encore et lui reparle, 8 b
Tant qu'elle endort le petit Charle, 8 b
80 Mais l'âge reprend le dessus. 8 a
Elle est fatiguée, elle a faim. 8 a
Elle va comme une machine, 8 b
Renversant un peu son échine 8 b
Sous ce poids trop lourd à la fin. 8 a
85 L'enfant recommence à crier : 8 a
Sa sœur met sa force dernière 8 b
À le porter — taille en arrière 8 b
Que toujours plus on voit plier. 8 a
C'est temps qu'il ne dise plus rien ! 8 a
90 Sur sa capote elle le pose, 8 b
Et pendant qu'il sommeille, rose, 8 b
Elle mange auprès, va, revient, 8 a
D'un pied mutin, vif et danseur. 8 a
Et quand le petiot se réveille, 8 b
95 Il retrouve toujours pareille 8 b
La Maternité de sa sœur. 8 a
mètre profil métrique : 8
forme globale type : suite périodique
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