Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
ROL_2/ROL284
Maurice ROLLINAT
Les Névroses
1883
LES TÉNÈBRES
Le Gouffre
À Léon Bloy.
L'homme est un farfadet | qui tombe dans la mort, 6+6 a
Grand puits toujours béant | sans corde ni margelle 6+6 b
Et dont l'eau taciturne | éternellement dort 6+6 a
Sous l'horreur qui la plombe | et l'oubli qui la gèle. 6+6 b
5 Cet ange féminin | qui marchait sans effroi, 6+6 a
Au bord des lacs chanteurs | où les zéphyrs se trempent, 6+6 b
Voyez comme il est blanc ! | Touchez comme il est froid ! 6+6 a
Voilà déjà qu'il pue | et que les vers y rampent. 6+6 b
L'espoir ? Dérision ! | l'Amour ? Insanité ! 6+6 a
10 La gloire ? Triste fleur | morte en crevant la terre ! 6+6 b
L'illusion se heurte | à la réalité 6+6 a
Et notre certitude | équivaut au mystère. 6+6 b
La volupté nous use | et racle nos cheveux ; 6+6 a
Nous ne brillons si bien | que pour mieux disparaître, 6+6 b
15 Et quand l'homme insensé | vocifère : « Je veux ! » 6+6 a
La maladie arrive | et lui répond : « Peut-être ! » 6+6 b
Oh ! c'est grande pitié | de voir l'atome fier 6+6 a
Montrer le poing au ciel | en bavant de rancune ! 6+6 b
Ils sont morts aujourd'hui | ceux qui régnaient hier : 6+6 a
20 Pas de grâces ! La mort | n'en peut donner aucune. 6+6 b
Et tandis que sa faux | reluit à l'horizon, 6+6 a
La vie est un cloaque | où tout être patauge ; 6+6 b
La femme avec son cœur, | l'homme avec sa raison, 6+6 a
Se vautrent dans le mal | comme un porc dans son auge. 6+6 b
25 Le philosophe dit : | « La Vie est un combat ! 6+6 a
Souffrir, c'est mériter ; | jouir, c'est être lâche ! » 6+6 b
Mais le voilà qui geint, | frissonne et se débat 6+6 a
Sous l'invisible main | qui jamais ne nous lâche. 6+6 b
Le poète, oubliant | qu'il est de chair et d'os, 6+6 a
30 Déprave son esprit | dans un rêve impossible ; 6+6 b
Et l'extase dans l'œil, | et la chimère au dos 6+6 a
Vole au gouffre final | comme un plomb vers la cible. 6+6 b
Quand notre heure est marquée | au cadran clandestin, 6+6 a
Adieu parents, amis ! | Croulons dans les ténèbres ! 6+6 b
35 C'est le dernier impôt | que l'on doit au Destin 6+6 a
Qui tasse notre cendre | avec ses pieds funèbres. 6+6 b
Nous passons fugitifs | comme un flot sur la mer ; 6+6 a
Nous sortons du néant | pour y tomber encore, 6+6 b
Et l'infini nous lorgne | avec un rire amer 6+6 a
40 En songeant au fini | que sans cesse il dévore. 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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