Métrique en Ligne
ROL_2/ROL225
Maurice ROLLINAT
Les Névroses
1883
LES REFUGES
Les petits Fauteuils
À Albert Delpit.
Assis le long du mur dans leurs petits fauteuils, 6+6 a
Les deux babys chaussés de bottinettes bleues, 6+6 b
Regardent moutonner des bois de plusieurs lieues 6+6 b
Où l'automne a déjà tendu ses demi-deuils. 6+6 a
5 Auprès du minet grave et doux comme un apôtre, 6+6 a
Côte à côte ils sont là, les jumeaux ébaubis, 6+6 b
Tous deux si ressemblants de visage et d'habits 6+6 b
Que leur mère s'y trompe et les prend l'un pour l'autre. 6+6 a
Aussi, sur le chemin, la bergère en sabots 6+6 a
10 S'arrête pour mieux voir leurs ivresses gentilles 6+6 b
Qu'un barrage exigu, fixé par deux chevilles, 6+6 b
Emprisonne si peu dans ces fauteuils nabots. 6+6 a
Avec l'humidité de la fleur qu'on arrose, 6+6 a
Leur bouche de vingt mois montre ses dents de lait, 6+6 b
15 Ou se ferme en traçant sur leur minois follet 6+6 b
Un accent circonflexe adorablement rose. 6+6 a
Leurs cheveux frisottés où la lumière dort 6+6 a
Ont la suavité vaporeuse des nimbes, 6+6 b
Et, sur leurs fronts bénis par les anges des limbes, 6+6 b
20 S'emmêlent, tortillés en menus crochets d'or. 6+6 a
Parfois, en tapotant de leurs frêles menottes 6+6 a
La planchette à rebords où dorment leurs pantins, 6+6 b
Ils poussent des cris vifs, triomphants et mutins, 6+6 b
Avec l'inconscience exquise des linottes. 6+6 a
25 Tout ravis quand leurs yeux rencontrent par hasard 6+6 a
La mouche qui bourdonne et qui fait la navette, 6+6 b
On les voit se pâmer, rire, et sur leur bavette 6+6 b
Saliver de bonheur à l'aspect d'un lézard. 6+6 a
En inclinant vers eux ses clochettes jaspées, 6+6 a
30 Le liseron grimpeur du vieux mur sans enduit 6+6 b
Forme un cadre odorant qui bouge et qui bruit 6+6 b
Autour de ces lutins en robes de poupées. 6+6 a
Et tandis que venu des horizons chagrins, 6+6 a
Le zéphyr lèche à nu leurs coudes à fossettes, 6+6 b
35 L'un s'amuse à pincer ses petites chaussettes, 6+6 b
Et l'autre, son collier d'ivoire aux larges grains. 6+6 a
La poule, sans jeter un gloussement d'alarme, 6+6 a
Regarde ses poussins se risquer autour d'eux, 6+6 b
Et le chien accroupi les surveille tous deux 6+6 b
40 D'un œil mélancolique où tremblote une larme. 6+6 a
La campagne qui meurt paraît vouloir mêler 6+6 a
Son râle d'agonie à leurs frais babillages ; 6+6 b
Maint oiselet pour eux retarde ses voyages, 6+6 b
Et dans un gazouillis semble les appeler. 6+6 a
45 Le feuillage muet qui perd ses découpures, 6+6 a
En les voyant, se croit à la saison des nids ; 6+6 b
Et la flore des bois et des étangs jaunis 6+6 b
Souffle son dernier baume à leurs narines pures. 6+6 a
Mais voilà que chacun, penchant son joli cou, 6+6 a
50 Ferme à demi ses yeux dont la paupière tremble ; 6+6 b
Une même langueur les fait bâiller ensemble 6+6 b
Et tous deux à la fois s'endorment tout à coup : 6+6 a
Cependant qu'au-dessus de la terre anxieuse 6+6 a
Le soleil se dérobe au fond des cieux plombés 6+6 b
55 Et que le crépuscule, embrumant les bébés, 6+6 b
Verse à leur doux sommeil sa paix silencieuse. 6+6 a
mètre profil métrique : 6+6
forme globale type : suite périodique
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