Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
ROL_2/ROL223
Maurice ROLLINAT
Les Névroses
1883
LES REFUGES
Les vieilles Haies
À Edmond Haraucourt.
Fauves, couvrant l'horreur, | le mystère et l'ennui, 6+6 a
Tantôt pleines de jour, | tantôt pleines de nuit, 6+6 a
De murmures et de silences ; 8 b
Hostiles au toucher | comme des hérissons, 6+6 c
5 Elles sont là, mêlant | à d'éternels frissons 6+6 c
D'interminables somnolences. 8 b
Elles ont l'attitude | et la couleur des bois : 6+6 a
Aubépines, genêts, | fougères, et parfois 6+6 a
Un panache de chèvrefeuille 8 b
10 Leur donnent une odeur | suave à respirer ; 6+6 c
Leurs fruits ? c'est le hasard | qui les fait prospérer, 6+6 c
Et c'est le merle qui les cueille. 8 b
Elles sont un écran | pour le sentier poudreux, 6+6 a
Un abri pour le pâtre, | et pour les amoureux 6+6 a
15 Le lieu des rendez-vous fidèles ; 8 b
Et quand l'ombre noircit | la plaine et le ravin, 6+6 c
La nonne lavandière | et le mauvais devin 6+6 c
Dialoguent à côté d'elles. 8 b
Tous les anciens buissons | poussent dru, haut et droit, 6+6 a
20 Comme aussi, bien souvent, | ils penchent, et l'on voit 6+6 a
Sous l'azur clair ou qui se fronce, 8 b
Au-dessus du ruisseau | chuchoteur ou dormant, 6+6 c
La courbure agressive | et l'échevèlement 6+6 c
Épouvantable de la ronce. 8 b
25 Rarement effleurés | par les beaux papillons, 6+6 a
Ils sont le labyrinthe | aimé des vieux grillons ; 6+6 a
Plus d'une cigale en tristesse 8 b
Y hasarde un son maigre | et que l'âge a faussé ; 6+6 c
Grenouilles et crapauds | visitent leur fossé, 6+6 c
30 Et la couleuvre est leur hôtesse. 8 b
Hélas ! dans ces fouillis | qu'elle connaît si bien 6+6 a
Cette sournoise ourdit | son muet va-et-vient 6+6 a
Que maint sifflement entrecoupe ; 8 b
Malheur au nid d'oiseau ! | L'ogresse à pas tordus 6+6 c
35 Se hisse pour biber | les œufs tout frais pondus 6+6 c
Dans la pauvre petite coupe. 8 b
À la longue, parfois, | ces grands buissons affreux 6+6 a
Ont bu tous les venins | que vont baver sur eux 6+6 a
L'aspic et la vipère noire : 8 b
40 Aussi, lorsque l'été | réchauffeur des déserts 6+6 c
Promène au fond des trous, | sur l'onde et dans les airs 6+6 c
Son invisible bassinoire, 8 b
La haie empoisonnée, | après son long sommeil, 6+6 a
Étire ses rameaux | qui s'enflent au soleil 6+6 a
45 Comme autant de bêtes squammeuses ; 8 b
Et contre les troupeaux | sveltes et capricants 6+6 c
Elle se dresse, armée, | avec tous ses piquants, 6+6 c
D'innombrables dents venimeuses. 8 b
Dans la pourpre de l'aube | ou des soleils couchants, 6+6 a
50 Au bord des bois, des lacs, | des vignes et des champs, 6+6 a
Des prés ou des châtaigneraies, 8 b
L'habitant du ravin, | du val et des plateaux 6+6 c
Vénère à son insu | ces sombres végétaux : 6+6 c
Car, à la fin, les vieilles haies, 8 b
55 À force d'avoir vu | tant de piétons bourbeux, 6+6 a
D'ânes et de moutons, | de vaches et de bœufs, 6+6 a
Ont, comme les très vieux visages, 8 b
Pris un air fantomal, | prophétique, assoupi, 6+6 c
Qui sur le chemin neuf | et le mur recrépi 6+6 c
60 Jette un reflet des anciens âges 8 b
mètre profils métriques : 8, 6+6
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