Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
ROL_2/ROL205
Maurice ROLLINAT
Les Névroses
1883
LES REFUGES
Le Val des marguerites
À Sarah Bernhardt.
C'est au fond d'un ravinfantastique et superbe 6+6 a
maint rocher lépreuxpenche et dresse le front : 6+6 b
Une espèce de puitsgigantesquement rond 6+6 b
Dont l'eau n'aurait serviqu'à faire pousser l'herbe. 6+6 a
5 Là, le mystère émudéployant ses deux ailes 6+6 a
Fantomatise l'air,les pas et les reflets : 6+6 b
Il semble, à cet endroit,que des lutins follets 6+6 b
Accrochent leurs zigzagsà ceux des demoiselles. 6+6 a
L'horreur des alentoursen ferme les approches ; 6+6 a
10 L'écho n'y porte pasle sifflet des convois ; 6+6 b
Ses murmures voilésont le filet de voix 6+6 b
Des gouttelettes d'eauqui filtrent sous les roches. 6+6 a
C'est si mort et si frais,il y flotte, il y vague 6+6 a
Tant de silence neuf,de bruit inentendu, 6+6 b
15 Que l'on pressent toujoursen ce vallon perdu 6+6 b
Quelque apparitionindéfiniment vague ! 6+6 a
Il n'a jamais connuni moutons, ni chevrettes, 6+6 a
Ni bergère qui chanteen tenant ses tricots ; 6+6 b
Les tiges de bluetset de coquelicots 6+6 b
20 N'y font jamais hocherleurs petites aigrettes : 6+6 a
Mais, entre ses grands houxdroits comme des guérites, 6+6 a
Ce val, si loin des champs,des prés et des manoirs, 6+6 b
Cache, tous les étés,ses gazons drus et noirs 6+6 b
Sous un fourmillementde hautes marguerites. 6+6 a
25 Chœur vibrant et muet,innocent et paisible, 6+6 a
chaque pâquerette,à côté de sa sœur, 6+6 b
A des mouvements blancsd'une extrême douceur, 6+6 b
Dans la foule compacteet cependant flexible. 6+6 a
L'oiseau, pour les frôler,quitte l'orme et l'érable ; 6+6 a
30 Et le papillon gris,dans un mol unisson, 6+6 b
Y confond sa couleur,sa grâce et son frisson 6+6 b
Quand il vient y poserson corps impondérable. 6+6 a
Le Gnome en phaétonvoit dans chacune d'elles 6+6 a
Une petite roueau moyeu d'or bombé, 6+6 b
35 Et le Sylphe y glissantpense qu'il est tombé 6+6 b
Sur un nuage amide ses battements d'ailes. 6+6 a
La Nature contempleavec sollicitude 6+6 a
Ce petit peuple frêle,onduleux et tremblant 6+6 b
Qu'elle a fait tout exprèspour mettre un manteau blanc 6+6 b
40 À la virginitéde cette solitude. 6+6 a
On dirait que le ventqui jamais ne les froisse 6+6 a
Veut épargner iciles fleurs des grands chemins, 6+6 b
Qui plaisent aux yeux purs,tentent les tristes mains, 6+6 b
Et que l'Amour peureuxconsulte en son angoisse. 6+6 a
45 Nul arôme ne sortde leur corolle blême ; 6+6 a
Mais au lieu d'un parfummortel ou corrupteur, 6+6 b
Elles soufflent aux cieuxla mystique senteur 6+6 b
De la simplicitédont elles sont l'emblème. 6+6 a
Et toutes, chuchotantd'imperceptibles phrases, 6+6 a
50 Semblent remercierl'azur qui, tant de fois, 6+6 b
Malgré le mur des rocset le rideau des bois, 6+6 b
Leur verse de si prèsses lointaines extases. 6+6 a
Avant que le matin,avec ses doigts d'opale, 6+6 a
N'ait encore essuyéleurs larmes de la nuit, 6+6 b
55 Elles feraient songeraux vierges de l'ennui 6+6 b
Qui s'éveillent en pleurs,et la face plus pâle. 6+6 a
Le soleil les bénitde ses yeux sans paupières, 6+6 a
Et, fraternellement,ce Gouffre-Paradis 6+6 b
Reçoit, comme un baiserdes alentours maudits, 6+6 b
60 L'âme des végétauxet le soupir des pierres. 6+6 a
Puis, la chère tribu,quand le soir se termine, 6+6 a
Sous la lune d'argentqui se joue au travers, 6+6 b
Devient, entre ses houxlumineusement verts, 6+6 b
Une vapeur de lait,de cristal et d'hermine. 6+6 a
65 Et c'est alors qu'on voitdes formes long-voilées, 6+6 a
Deux spectres du silenceet de l'isolement, 6+6 b
Se mouvoir côte à côte,harmonieusement, 6+6 b
Sur ce lac endormide blancheurs étoilées. 6+6 a
mètre profil métrique : 6+6
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