Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
ROL_2/ROL181
Maurice ROLLINAT
Les Névroses
1883
LES REFUGES
La Rivière dormante
À Jean-Charles Cazin.
Au plus creux du ravin où l'ombre et le soleil 6+6 a
Alternent leurs baisers sur la roche et sur l'arbre, 6+6 b
La rivière immobile et nette comme un marbre 6+6 b
S'enivre de stupeur, de rêve et de sommeil. 6+6 a
5 Plus d'un oiseau, dardant l'éclair de son plumage, 6+6 a
La brûle dans son vol, ami des nénuphars ; 6+6 b
Et le monde muet des papillons blafards 6+6 b
Y vient mirer sa frêle et vacillante image. 6+6 a
Descendu des sentiers tout sablés de mica, 6+6 a
10 Le lézard inquiet cherche la paix qu'il goûte 6+6 b
Sur ses rocs fendillés d'où filtrent goutte à goutte 6+6 b
Des filets d'eau qui font un bruit d'harmonica. 6+6 a
La lumière est partout si bien distribuée 6+6 a
Qu'on distingue aisément les plus petits objets ; 6+6 b
15 Des mouches de saphir, d'émeraude et de jais 6+6 b
Au milieu d'un rayon vibrent dans la buée. 6+6 a
Sa mousse qui ressemble aux grands varechs des mers 6+6 a
Éponge tendrement les larmes de ses saules, 6+6 b
Et ses longs coudriers, souples comme des gaules, 6+6 b
20 Se penchent pour la voir avec les buis amers. 6+6 a
Ni courant limoneux, ni coup de vent profane : 6+6 a
Rien n'altère son calme et sa limpidité ; 6+6 b
Elle dort, exhalant sa tiède humidité, 6+6 b
Comme un grand velours vert qui serait diaphane. 6+6 a
25 Pourtant cette liquide et vitreuse torpeur 6+6 a
Qui n'a pas un frisson de remous ni de vague, 6+6 b
Murmure un son lointain, triste, infiniment vague, 6+6 b
Qui flotte et se dissipe ainsi qu'une vapeur. 6+6 a
Du fond de ce grand puits qui la tient sous sa garde, 6+6 a
30 Avec ses blocs de pierre et ses fouillis de joncs, 6+6 b
Elle écoute chanter les hiboux des donjons 6+6 b
Et réfléchit l'azur étroit qui la regarde. 6+6 a
Des galets mordorés et d'un aspect changeant 6+6 a
Font à la sommeilleuse un lit de mosaïque 6+6 b
35 Où, dans un va-et-vient béat et mécanique. 6+6 b
Glissent des poissons bleus lamés d'or et d'argent. 6+6 a
Leurs nageoires qui sont rouges et dentelées 6+6 a
Dodelinent avec leur queue en éventail : 6+6 b
Si transparente est l'eau, qu'on peut voir en détail 6+6 b
40 Tout ce fourmillement d'ombres bariolées. 6+6 a
Comme dans les ruisseaux clairs et torrentueux 6+6 a
Qui battent les vieux ponts aux arches mal construites, 6+6 b
L'écrevisse boiteuse y chemine, et les truites 6+6 b
Aiment l'escarpement de ses bords tortueux. 6+6 a
45 L'âme du paysage à toute heure voltige 6+6 a
Sur ce lac engourdi par un sommeil fatal, 6+6 b
Dallé de cailloux plats et dont le fin cristal 6+6 b
A les miroitements du songe et du vertige. 6+6 a
Et, sans qu'elle ait besoin des plissements furtifs 6+6 a
50 Que les doigts du zéphyr forment sur les eaux mates, 6+6 b
Pour prix de leur ombrage et de leurs aromates 6+6 b
La rivière sourit aux végétaux plaintifs ; 6+6 a
Et quand tombe la nuit spectrale et chuchoteuse, 6+6 a
Elle sourit encore aux parois du ravin : 6+6 b
55 Car la lune, au milieu d'un silence divin, 6+6 b
Y baigne les reflets de sa lueur laiteuse. 6+6 a
mètre profil métrique : 6+6
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