Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
ROL_2/ROL166
Maurice ROLLINAT
Les Névroses
1883
LES LUXURES
Le Chat
À Léon Cladel.
Je comprends que le chat | ait frappé Baudelaire 6+6 a
Par son être magique | où s'incarne le sphinx ; 6+6 b
Par le charme câlin | de la lueur si claire 6+6 a
Qui s'échappe à longs jets | de ses deux yeux de lynx, 6+6 b
5 Je comprends que le chat | ait frappé Baudelaire. 6+6 a
Femme, serpent, colombe | et singe par la grâce, 6+6 a
Il ondule, se cambre | et regimbe aux doigts lourds ; 6+6 b
Et lorsque sa fourrure | abrite une chair grasse, 6+6 a
C'est la beauté plastique | en robe de velours : 6+6 b
10 Femme, serpent, colombe | et singe par la grâce, 6+6 a
Vivant dans la pénombre | et le silence austère 6+6 a
Où ronfle son ennui | comme un poêle enchanté, 6+6 b
Sa compagnie apporte | à l'homme solitaire 6+6 a
Le baume consolant | de la mysticité 6+6 b
15 Vivant dans la pénombre | et le silence austère. 6+6 a
Tour à tour triste et gai, | somnolent et folâtre, 6+6 a
C'est bien l'âme du gîte | où je me tiens sous clé ; 6+6 b
De la table à l'armoire | et du fauteuil à l'âtre, 6+6 a
Il vague, sans salir | l'objet qu'il a frôlé, 6+6 b
20 Tour à tour triste et gai, | somnolent et folâtre. 6+6 a
Sur le bureau couvert | de taches d'encre bleue 6+6 a
Où livres et cahiers | gisent ouverts ou clos, 6+6 b
Il passe comme un souffle, | effleurant de sa queue 6+6 a
La feuille où ma pensée | allume ses falots, 6+6 b
25 Sur le bureau couvert | de taches d'encre bleue. 6+6 a
Quand il mouille sa patte | avec sa langue rose 6+6 a
Pour lustrer son poitrail | et son minois si doux, 6+6 b
Il me cligne de l'œil | en faisant une pause, 6+6 a
Et je voudrais toujours | l'avoir sur mes genoux 6+6 b
30 Quand il mouille sa patte | avec sa langue rose. 6+6 a
Accroupi chaudement | aux temps noirs de décembre 6+6 a
Devant le feu qui flambe, | ardent comme un enfer, 6+6 b
Pense-t-il aux souris | dont il purge ma chambre 6+6 a
Avec ses crocs de nacre | et ses ongles de fer ? 6+6 b
35 Non ! assis devant l'âtre | aux temps noirs de décembre, 6+6 a
Entre les vieux chenets | qui figurent deux nonnes 6+6 a
À la face bizarre, | aux tétons monstrueux, 6+6 b
Il songe à l'angora, | mignonne des mignonnes, 6+6 a
Qu'il voudrait bien avoir, | le beau voluptueux, 6+6 b
40 Entre les vieux chenets | qui figurent deux nonnes. 6+6 a
Il se dit que l'été, | par les bons clairs de lune, 6+6 a
Il possédait sa chatte | aux membres si velus ; 6+6 b
Et qu'aujourd'hui, pendant | la saison froide et brune, 6+6 a
Il doit pleurer l'amour | qui ne renaîtra plus 6+6 b
45 Que le prochain été, | par les bons clairs de lune. 6+6 a
Sa luxure s'aiguise | aux râles de l'alcôve, 6+6 a
Et quand nous en sortons | encor pleins de désir, 6+6 b
Il nous jette un regard | jaloux et presque fauve, 6+6 a
Car tandis que nos corps | s'enivrent de plaisir, 6+6 b
50 Sa luxure s'aiguise | aux râles de l'alcôve. 6+6 a
Quand il bondit enfin | sur la couche entr'ouverte, 6+6 a
Comme pour y cueillir | un brin de volupté, 6+6 b
La passion reluit | dans sa prunelle verte : 6+6 a
Il est beau de mollesse | et de lubricité 6+6 b
55 Quand il bondit enfin | sur la couche entr'ouverte. 6+6 a
Pour humer les parfums | qu'y laisse mon amante, 6+6 a
Dans le creux où son corps | a frémi dans mes bras, 6+6 b
Il se roule en pelote, | et sa tête charmante 6+6 a
Tourne de droite à gauche | en flairant les deux draps, 6+6 b
60 Pour humer les parfums | qu'y laisse mon amante. 6+6 a
Alors il se pourlèche, | il ronronne et miaule, 6+6 a
Et quand il s'est grisé | de la senteur d'amour, 6+6 b
Il s'étire en bâillant | avec un air si drôle, 6+6 a
Que l'on dirait qu'il va | se pâmer à son tour ; 6+6 b
65 Alors il se pourlèche, | il ronronne et miaule. 6+6 a
Son passé ressuscite, | il revoit ses gouttières 6+6 a
Où, matou lovelace | et toujours triomphant, 6+6 b
Il s'amuse à courir | pendant des nuits entières 6+6 a
Les chattes qu'il enjôle | avec ses cris d'enfant : 6+6 b
70 Son passé ressuscite, | il revoit ses gouttières. 6+6 a
Panthère du foyer, | tigre en miniature, 6+6 a
Tu me plais par ton vague | et ton aménité, 6+6 b
Et je suis ton ami, | car nulle créature 6+6 a
N'a compris mieux que toi | ma sombre étrangeté, 6+6 b
75 Panthère du foyer, | tigre en miniature. 6+6 a
mètre profil métrique : 6+6
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