Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
ROL_2/ROL137
Maurice ROLLINAT
Les Névroses
1883
LES ÂMES
Chopin
À Paul Viardot.
Chopin, frère du gouffre, | amant des nuits tragiques, 6+6 a
Âme qui fus si grande | en un si frêle corps, 6+6 b
Le piano muet | songe à tes doigts magiques 6+6 a
Et la musique en deuil | pleure tes noirs accords. 6+6 b
5 L'harmonie a perdu | son Edgar Poe farouche 6+6 a
Et la mer mélodique | un de ses plus grands flots. 6+6 b
C'est fini ! le soleil | des sons tristes se couche, 6+6 a
Le Monde pour gémir | n'aura plus de sanglots ! 6+6 b
Ta musique est toujours — | douloureuse ou macabre — 6+6 a
10 L'hymne de la révolte | et de la liberté, 6+6 b
Et le hennissement | du cheval qui se cabre 6+6 a
Est moins fier que le cri | de ton cœur indompté. 6+6 b
Les délires sans nom, | les baisers frénétiques 6+6 a
Faisant dans l'ombre tiède | un cliquetis de chairs, 6+6 b
15 Le vertige infernal | des valses fantastiques, 6+6 a
Les apparitions | vagues des défunts chers ; 6+6 b
La morbide lourdeur | des blancs soleils d'automne ; 6+6 a
Le froid humide et gras | des funèbres caveaux ; 6+6 b
Les bizarres frissons | dont la vierge s'étonne 6+6 a
20 Quand l'été fait flamber | les cœurs et les cerveaux ; 6+6 b
L'abominable toux | du poitrinaire mince 6+6 a
Le harcelant alors | qu'il songe à l'avenir ; 6+6 b
L'ineffable douleur | du paria qui grince 6+6 a
En maudissant l'amour | qu'il eût voulu bénir ; 6+6 b
25 L'âcre senteur du sol | quand tombent des averses ; 6+6 a
Le mystère des soirs | où gémissent les cors ; 6+6 b
Le parfum dangereux | et doux des fleurs perverses ; 6+6 a
Les angoisses de l'âme | en lutte avec le corps ; 6+6 b
Tout cela, torsions | de l'esprit, mal physique, 6+6 a
30 Ces peintures, ces bruits, | cette immense terreur, 6+6 b
Tout cela, je le trouve | au fond de ta musique 6+6 a
Qui ruisselle d'amour, | de souffrance et d'horreur. 6+6 b
Vierges tristes malgré | leurs lèvres incarnates, 6+6 a
Tes blondes mazurkas | sanglotent par moments, 6+6 b
35 Et la poignante humour | de tes sombres sonates 6+6 a
M'hallucine et m'emplit | de longs frissonnements. 6+6 b
Au fond de tes Scherzos | et de tes Polonaises, 6+6 a
Épanchements d'un cœur | mortellement navré, 6+6 b
J'entends chanter des lacs | et rugir des fournaises 6+6 a
40 Et j'y plonge avec calme | et j'en sors effaré. 6+6 b
Sur la croupe onduleuse | et rebelle des gammes 6+6 a
Tu fais bondir des airs | fauves et tourmentés, 6+6 b
Et l'âpre et le touchant, | quand tu les amalgames, 6+6 a
Raffinent la saveur | de tes étrangetés. 6+6 b
45 Ta musique a rendu | les souffles et les râles, 6+6 a
Les grincements du spleen, | du doute et du remords, 6+6 b
Et toi seul as trouvé | les notes sépulcrales 6+6 a
Dignes d'accompagner | les hoquets sourds des morts. 6+6 b
Triste ou gai, calme ou plein | d'une angoisse infinie, 6+6 a
50 J'ai toujours l'âme ouverte | à tes airs solennels, 6+6 b
Parce que j'y retrouve | à travers l'harmonie, 6+6 a
Des rires, des sanglots | et des cris fraternels. 6+6 b
Hélas ! toi mort, qui donc | peut jouer ta musique ? 6+6 a
Artistes fabriqués, | sans nerf et sans chaleur, 6+6 b
55 Vous ne comprenez pas | ce que le grand Phtisique 6+6 a
A versé de génie | au fond de sa douleur ! 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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