Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
ROL_2/ROL113
Maurice ROLLINAT
Les Névroses
1883
LES ÂMES
Les Plaintes
À Charles Keller.
Venus des quatre coinsde l'horizon farouche, 6+6 a
De la cime des picset du fond des remous, 6+6 b
Les aquilons rageurssont d'invisibles fous 6+6 b
Qui fouettent sans lanièreet qui hurlent sans bouche. 6+6 a
5 Les ruisseaux n'ont jamaisque des bruits susurreurs 6+6 a
Dans leur tout petit litqui serpente et qui vague, 6+6 b
Et l'on n'entend sortirqu'un murmure très vague 6+6 b
Des étangs recueillissous les saules pleureurs. 6+6 a
Mais la mer qui gémitcomme une âme qui souffre, 6+6 a
10 Tord sous les cieux muetsses éternels sanglots 6+6 b
viennent se mêlerdans l'écume des flots 6+6 b
Les suffocationsdes noyés qu'elle engouffre. 6+6 a
Quand s'exhalent, aprèsque l'orage a cessé, 6+6 a
Les souffles de la nuitplus légers que des bulles, 6+6 b
15 La plainte en la mineurdes crapauds noctambules 6+6 b
Fait gémir le sillon,l'ornière et le fossé. 6+6 a
Jérémie aux cent brassur qui le vent halète, 6+6 a
L'arbre a tous les sanglotsdans ses bruissements, 6+6 b
Et l'écho des forêtsredit les grincements 6+6 b
20 Du loup, trotteur affreuxque la faim rend squelette. 6+6 a
Quand je passe, le soir,dans un val écarté, 6+6 a
Je frissonne au cri rauqueet strident de l'orfraie, 6+6 b
Car, pour moi, cette plainteerrante qui m'effraie, 6+6 b
C'est le gémissementde la fatalité. 6+6 a
25 Sous l'archet sensitif passent nos alarmes 6+6 a
L'âme des violonssanglote, et sous nos doigts, 6+6 b
La harpe, avec un bruitde source dans les bois, 6+6 b
Égrène, à sons mouillés,la musique des larmes. 6+6 a
Le soupir clandestindes vierges de beauté 6+6 a
30 Semble remercierl'amour qui les effleure, 6+6 b
Mais la plainte amoureuseest un regret qui pleure 6+6 b
Le plaisir déjà mortavant d'avoir été. 6+6 a
En vain l'on se défend,en vain l'on fait mystère 6+6 a
Des maux que la clartédu jour semble assoupir, 6+6 b
35 Tout l'homme intérieur,dans un affreux soupir, 6+6 b
Raconte son angoisseà la nuit solitaire. 6+6 a
Et le tas vagabonddes parias craintifs, 6+6 a
Noirs pèlerins geigneurs,sans gourde, ni sandales, 6+6 b
Partout, sur les planchers,les cailloux et les dalles, 6+6 b
40 Passent comme un troupeaude fantômes plaintifs. 6+6 a
Dans la forêt des croix,tombes vieilles et neuves, 6+6 a
Combien vous entendezde femmes à genoux 6+6 b
Gémir avec des sonsplus tristes et plus doux 6+6 b
Que les roucoulementsdes tourterelles veuves ! 6+6 a
45 Tandis que, dans un criforcené qui le tord, 6+6 a
L'enfant part déjàse plaindre de la vie, 6+6 b
L'aïeul qui le regardeavec un œil d'envie 6+6 b
Grommelle d'épouvanteen songeant à la mort. 6+6 a
L'agonisant croasseun lamento qui navre ; 6+6 a
50 Et quand les morts sont closdans leur coffre obsédant, 6+6 b
Le hoquet gargouilleurqu'ils ont en se vidant 6+6 b
Filtre comme la plainteinfecte du cadavre. 6+6 a
Elles ont des échosvibrant comme des glas 6+6 a
Et s'enfonçant avecune horrible vitesse 6+6 b
55 Dans mon funèbre cœurplein d'ombre et de tristesse 6+6 b
se sont installésles hiboux des Hélas ; 6+6 a
Oui ! dans le grondementformidable des nues 6+6 a
Mon âme entend parfoisl'Infini sangloter, 6+6 b
Mon âme ! vont s'uniret se répercuter 6+6 b
60 Tous les frissons éparsdes douleurs inconnues ! 6+6 a
mètre profil métrique : 6+6
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