Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
ROL_2/ROL107
Maurice ROLLINAT
Les Névroses
1883
LES ÂMES
Les Parfums
À Georges Lorin.
Un parfum chante en moi comme un air obsédant : 6+6 a
Tout mon corps se repaît de sa moindre bouffée, 6+6 b
Et je crois que j'aspire une haleine dee, 6+6 b
Qu'il soit proche ou lointain, qu'il soit vague ou strident. 6+6 a
5 Fils de l'air qui les cueille ou bien qui les déterre, 6+6 a
Ils sont humides, mous, froids ou chauds comme lui, 6+6 b
Et, comme l'air encor, dès que la lune a lui, 6+6 b
Ils ont plus de saveur ayant plus de mystère. 6+6 a
Oh oui ! dans l'ombre épaisse ou dans le demi-jour, 6+6 a
10 Se gorger de parfums comme d'une pâture, 6+6 b
C'est bien subodorer l'urne de la Nature, 6+6 b
Humer le souvenir, et respirer l'amour ! 6+6 a
Ces doux asphyxieurs aussi lents qu'impalpables 6+6 a
Divinisent l'extase au milieu des sophas, 6+6 b
15 Et les folles Iñès et les pâles Raphas 6+6 b
En pimentent l'odeur de leurs baisers coupables. 6+6 a
Ils font pour me bercer d'innombrables trajets 6+6 a
Dans l'air silencieux des solitudes mornes, 6+6 b
Et là, se mariant à mes rêves sans bornes, 6+6 b
20 Savent donner du charme aux plus hideux objets. 6+6 a
Toute la femme aimée est dans le parfum tiède 6+6 a
Qui sort comme un soupir des flacons ou des fleurs, 6+6 b
Et l'on endort l'ennui, le vieux Roi des douleurs, 6+6 b
Avec cet invisible et délicat remède. 6+6 a
25 Sois béni, vert printemps, si cher aux cœurs blessés, 6+6 a
Puisqu'en ressuscitant la flore ensevelie 6+6 b
Tu parfumes de grâce et de mélancolie 6+6 b
Les paysages morts que l'hiver a laissés. 6+6 a
Tous les cœurs désolés, toutes les urnes veuves 6+6 a
30 Leur conservent un flair pieux, et l'on a beau 6+6 b
Vivre ainsi qu'un cadavre au fond de son tombeau, 6+6 b
Les parfums sont toujours des illusions neuves. 6+6 a
S'ils errent, dégagés de tout mélange impur, 6+6 a
Rampant sur la couleur, chevauchant la musique, 6+6 b
35 On est comme emporté loin du monde physique 6+6 b
Dans un paradis bleu chaste comme l'azur ! 6+6 a
Mais lorsque se mêlant aux senteurs de la femme 6+6 a
Dont la seule âcre débauche la raison, 6+6 b
Ils en font un subtil et capiteux poison 6+6 b
40 Qu'aspirent à longs traits les narines en flamme, 6+6 a
C'est le Vertige aux flux et reflux scélérats 6+6 a
Qui monte à la cervelle et perd la conscience, 6+6 b
Et l'on mourrait alors avec insouciance 6+6 b
Si la Dame aux parfums disait : « Meurs dans mes bras ! » 6+6 a
45 Complices familiers des lustres et des cierges, 6+6 a
Ils sont tristes ou gais, chastes ou corrupteurs ; 6+6 b
Et plus d'un sanctuaire a d'impures senteurs 6+6 b
Qui vont parler d'amour aux muqueuses des vierges. 6+6 a
Par eux, l'esprit s'aiguise et la chair s'ennoblit ; 6+6 a
50 Ils chargent de langueur un mouchoir de batiste, 6+6 b
Et pour le sensuel et fastueux artiste, 6+6 b
Ils sont les receleurs du songe et de l'oubli : 6+6 a
— Jusqu'à ce que l'infecte et mordante mixture 6+6 a
De sciure de bois, de son et de phénol 6+6 b
55 Saupoudre son corps froid, couleur de vitriol, 6+6 b
Dans le coffre du ver et de la pourriture. 6+6 a
mètre profil métrique : 6+6
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