Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
ROL_1/ROL99
Maurice ROLLINAT
Dans Les Brandes
Poèmes Et Rondels
1877
OÙ VAIS-JE ?
Sur les petits chênes trapus 8 a
Voici qu'enfin las et repus 8 a
Les piverts sont interrompus 8 a
Par les orfraies. 4 b
5 A cette heure, visqueux troupeaux, 8 c
Les limaces et les crapauds 8 c
Rampent allègres et dispos 8 c
Le long des haies ! 4 b
Enfin l'ombre ! le jour a fui. 8 a
10 Je vais promener mon ennui 8 a
Dans la profondeur de la nuit 8 a
Veuves d'étoiles ! 4 b
Un vent noir se met à souffler, 8 c
Serpent de l'air, il va siffler, 8 c
15 Et mes poumons vont se gonfler 8 c
Comme des voiles. 4 b
Au fond des grands chemins herbeux, 8 a
Çà et là troués et bourbeux, 8 a
J'entends les taureaux et les bœufs 8 a
20 Qui se lamentent, 4 b
Et je vais, savourant l'horreur 8 c
De ces beuglements de terreur, 8 c
Sous les rafales en fureur 8 c
Qui me tourmentent ! 4 b
25 Sur des sols mobiles et mous, 8 a
Espèces de fangueux remous, 8 a
Je marche avec les gestes fous 8 a
Des maniaques ! 4 b
Où sont les arbres ? je ne vois 8 c
30 Que les yeux rouges des convois 8 c
Dont les sifflements sont des voix 8 c
Démoniaques. 4 b
Hélas ! mon pas de forcené 8 a
Aura sans doute assassiné 8 a
35 Plus d'un crapaud pelotonné 8 a
Sur sa femelle ! 4 b
Oh ! oui, j'ai dû marcher sur eux, 8 c
Car dans ce marais ténébreux 8 c
J'ai sentis des frissons affreux 8 c
40 Sous ma semelle. 4 b
Et je marche ! Or, sans qu'il ait plu, 8 a
Tout ce terrain n'est qu'une glu ; 8 a
Mais le vertige a toujours plu 8 a
Au cœur qui souffre ! 4 b
45 Et je m'empêtre dans les joncs. 8 c
Me cramponnant aux sauvageons 8 c
Et labourant de mes plongeons 8 c
L'ignoble gouffre ! 4 b
Sous le ciel noir comme un cachot, 8 a
50 Crinière humide et crâne chaud, 8 a
Je m'avance en parlant si haut 8 a
Que je m'enroue. 4 b
Suis-je entré dans un cul-de-sac ? 8 c
Mais non ! après de longs flic-flac 8 c
55 Je finis par franchir ce lac 8 c
D'herbe et de boue 4 b
Les chiens ont comme les taureaux 8 a
Des ululements gutturaux ! 8 a
Pas une lueur aux carreaux 8 a
60 Des maisons proches ! 4 b
N'importe ! je vais m'enfournant 8 c
Dans la nuit d'un chemin tournant 8 c
Et je clopine maintenant 8 c
Parmi des roches. 4 b
65 Où vais-je ? comment le savoir ? 8 a
Car c'est en vain que pour y voir 8 a
Je ferme et j'ouvre dans le noir 8 a
Mes deux paupières ! 4 b
Terre et Cieux, coteau, plaine et bois 8 c
70 Sont ensevelis dans la poix, 8 c
Et je heurte de tout mon poids 8 c
De grandes pierres ! 4 b
Les buissons sont si rapprochés 8 a
Qu'à chaque pas sur les rochers 8 a
75 Mes vêtements sont accrochés 8 a
Par une ronce. 4 b
Derrière, devant, de travers, 8 c
Le vent me cravache ! oh ! quels vers 8 c
J'ébauche dans ces trous pervers, 8 c
80 Où je m'enfonce ! 4 b
La rocaille devient verglas, 8 a
Tenaille, scie, et coutelas ! 8 a
Je glisse, et le mince échalas 8 a
Que j'ai pour canne 4 b
85 Craque et va se casser en deux… 8 c
Mais toujours mon pied hasardeux 8 c
Rampe, et je dois être hideux 8 c
Tant je ricane ! 4 b
Et je tombe, et je retombe ! oh ! 8 a
90 Ce chemin sera mon tombeau ! 8 a
Un abominable corbeau 8 a
Me le croasse ! 4 b
Sur mon épaule, ce coup sec 8 c
Vient-il d'une branche ou d'un bec ? 8 c
95 Et dois-je aussi lutter avec 8 c
L'oiseau vorace ? 4 b
Bah ! je marche toujours ! bravant 8 a
Les pierres, la nuit et le vent ! 8 a
J'affrontais bien auparavant 8 a
100 La vase infecte ! 4 b
Où que j'aventure mon pied 8 c
Je trébuche à m'estropier… 8 c
Mais dans ce rocailleux guêpier 8 c
Je me délecte ! 4 b
105 Rafales, ruez-vous sans mors ! 8 a
Ronce, égratigne ; caillou, mords ! 8 a
Nuit noire comme un drap des morts, 8 a
Sois plus épaisse ! 4 b
Je ris de votre acharnement, 8 c
110 Car l'horreur est un aliment 8 c
Dont il faut qu'effroyablement 8 c
Je me repaisse !… 4 b
mètre profils métriques : 8, 4
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