Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
ROL_1/ROL27
Maurice ROLLINAT
Dans Les Brandes
Poèmes Et Rondels
1877
LES ARBRES
Arbres, grands végétaux, | martyrs des saisons fauves. 6+6 a
Sombres lyres des vents, | ces noirs musiciens, 6+6 b
Que vous soyez feuillus | ou que vous soyez chauves, 6+6 a
Le poète vous aime | et vos spleens sont les siens. 6+6 b
5 Quand le regard du peintre | a soif de pittoresque. 6+6 a
C'est à vous qu'il s'abreuve | avec avidité, 6+6 b
Car vous êtes l'immense | et formidable fresque 6+6 a
Dont la terre sans fin | pare sa nudité. 6+6 b
De vous un magnétisme | étrange se dégage. 6+6 a
10 Plein de poésie âpre | et d'amères saveurs ; 6+6 b
Et quand vous bruissez, | vous êtes le langage 6+6 a
Que la nature ébauche | avec les grands rêveurs. 6+6 b
Quand l'éclair et la foule | enflent rafale et grêle, 6+6 a
Les forêts sont des mers | dont chaque arbre est un flot. 6+6 b
15 Et tous, le chêne énorme | et le coudrier grêle, 6+6 a
Dans l'opaque fouillis | poussent un long sanglot. 6+6 b
Alors, vous qui parfois, | muets comme des marbres, 6+6 a
Vous endormez, pareils | à des cœurs sans remords, 6+6 b
Vous tordez vos grands bras, | vous hurlez, pauvres arbres, 6+6 a
20 Sous l'horrible galop | des éléments sans mors. 6+6 b
L'été, plein de langueurs, | l'oiseau clôt ses paupières 6+6 a
Et dort paisiblement | sur vos mouvants hamacs, 6+6 b
Vous êtes les écrans | des herbes et des pierres 6+6 a
Et vous mêlez votre ombre | à la fraîcheur des lacs. 6+6 b
25 Et quand la canicule, | aux vivants si funeste, 6+6 a
Pompe les étangs bruns, | miroirs des joncs fluets, 6+6 b
Dans l'atmosphère lourde | où fermente la peste, 6+6 a
Vous immobilisez | vos branchages muets. 6+6 b
Votre mélancolie, | à la fin de l'automne, 6+6 a
30 Est pénétrante, alors | que sans fleurs et sans nids, 6+6 b
Sous un ciel nébuleux | où d'heure en heure il tonne, 6+6 a
Vous semblez écrasés | par vos rameaux jaunis. 6+6 b
Les seules nuits de mai, | sous les rayons stellaires, 6+6 a
Aux parfums dont la terre | emplit ses encensoirs, 6+6 b
35 Vous oubliez parfois | vos douleurs séculaires 6+6 a
Dans un sommeil bercé | par le zéphyr des soirs. 6+6 b
Une brume odorante | autour de vous circule 6+6 a
Quand l'aube a dissipé | la nocturne stupeur, 6+6 b
Et, quand vous devenez | plus grands au crépuscule, 6+6 a
40 Le poète frémit | comme s'il avait peur. 6+6 b
Sachant qu'un drame étrange | est joué sous vos dômes, 6+6 a
Par les bêtes le jour, | par les spectres la nuit, 6+6 b
Pour voir rôder les loups | et glisser les fantômes, 6+6 a
Vos invisibles yeux | s'ouvrent au moindre bruit. 6+6 b
45 Et le soleil vous mord, | l'aquilon vous cravache, 6+6 a
L'hiver vous coud tout vifs | dans un froid linceul blanc, 6+6 b
Et vous souffrez toujours | jusqu'à ce que la hache 6+6 a
Taillade votre chair | et vous tranche en sifflant. 6+6 b
Partout où vous vivez, | chênes, peupliers, ormes, 6+6 a
50 Dans les cités, aux champs, | et sur les rocs déserts, 6+6 b
Je fraternise avec | les tristesses énormes 6+6 a
Que vos sombres rameaux | épandent par les airs. 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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