Métrique en Ligne
ROL_1/ROL17
Maurice ROLLINAT
Dans Les Brandes
Poèmes Et Rondels
1877
LE PACAGE
Couleuvre gigantesque il s'allonge et se tord, 6+6 a
Tatoué de marais, hérissé de viornes, 6+6 b
Entre deux grands taillis mystérieux et mornes 6+6 b
Qui semblent revêtus d'un feuillage de mort. 6+6 a
5 L'eau de source entretient dans ce pré sans rigole 6+6 a
Une herbe où les crapauds sont emparadisés. 6+6 b
Vert précipice, il a des abords malaisés 6+6 b
Tels, que l'on y descend moins qu'on n'y dégringole. 6+6 a
Ses buissons où rôde un éternel chuchoteur 6−6 a
10 Semblent faits pour les yeux des noirs visionnaires ; 6+6 b
Chaque marais croupit sous des joncs centenaires 6+6 b
Presque surnaturels à force de hauteur. 6+6 a
A gauche, tout en haut des rocs du voisinage, 6+6 a
Sous un ciel toujours bas et presque jamais bleu, 6+6 b
15 Au fond de l'horizon si voilé quand il pleut, 6+6 b
Gisent les vieux débris d'un château moyen âge. 6+6 a
Le donjon sépulcral est seul resté debout, 6+6 a
Et, comme enveloppé d'un réseau de bruines, 6+6 b
Sort fantastiquement de l'amas des ruines 6+6 b
20 Que hantent le corbeau, l'orfraie et le hibou. 6+6 a
A droite, çà et là, sur des rocs, sur des buttes, 6+6 a
Qui surplombent aussi le bois inquiétant, 6+6 b
Au diable, par delà les landes et l'étang, 6+6 b
S'éparpille un hameau de quinze ou vingt cahutes. 6+6 a
25 Et ce hameau hideux sur la cote isolé, 6+6 a
Les ténébreux taillis, la tour noire et farouche, 6+6 b
A toute heure et surtout quand le soleil se couche, 6+6 b
Font à ce pré sinistre un cadre désolé. 6+6 a
Aussi l'œil du poète halluciné sans trêve 6+6 a
30 En boit avidement l'austère étrangeté. 6+6 b
Pour ce pâle voyant ce pacage est brouté 6+6 b
Par un bétail magique et tout chargé de rêve. 6+6 a
Je ne sais quelle horreur se dégage pour eux 6+6 a
De l'herbe où çà et là leurs pelages font taches, 6+6 b
35 Mais tous, bœufs et taureaux, les juments et les vaches, 6+6 b
Ont un air effaré sous les saules affreux. 6+6 a
Tout enfant je rôdais sous la bise et l'averse 6+6 a
Aux jours de canicule et par les plus grands froids, 6+6 b
Et ce n'était jamais sans de vagues effrois 6+6 b
40 Que je m'engageais dans un chemin de traverse. 6−6 a
Loin de la cour de ferme où gambadaient les veaux. 6+6 a
Loin du petit hangar où séchaient des bourrées, 6+6 b
J'arpentais à grands pas les terres labourées, 6+6 b
Les vignes et les bois, seul, par monts et par vaux. 6+6 a
45 En automne surtout, à l'heure déjà froide, 6+6 a
Où l'horizon décroît sous le ciel assombri, 6+6 b
Alors qu'en voletant l'oiseau cherche un abri, 6+6 b
Et que les bœufs s'en vont l'œil fixe et le coup roide ; 6+6 a
J'aimais à me trouver dans ce grand pré, tout seul, 6+6 a
50 Fauve et mystérieux comme un loup dans son antre, 6+6 b
Et je marchais, ayant de l'herbe jusqu'au ventre, 6+6 b
Cependant que la nuit déroulait son linceul. 6+6 a
Alors au fatidique hou-hou-hou des chouettes, 6+6 a
Aux coax révélant d'invisibles marais, 6+6 b
55 La croissante pénombre où je m'aventurais 6+6 b
Fourmillait vaguement d'horribles silhouettes. 6+6 a
Puis aux lointains sanglots d'un sinistre aboyeur 6+6 a
Les taureaux se ruaient comme un troupeau de buffles, 6+6 b
Et parfois je frôlais des fanons, et des mufles 6+6 b
60 Dont le souffle brûlant me glaçait de frayeur. 6+6 a
Et le morne donjon s'en allait en ténèbres, 6+6 a
La haie obscurcissait encore son fouillis, 6+6 b
Et sur les coteaux noirs la cime des taillis 6+6 b
Craquait sous la rafale avec des bruits funèbres ! 6+6 a
mètre profil métrique : 6−6
forme globale type : suite périodique
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