Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
RIC_1/RIC99
Jean RICHEPIN
LA CHANSON DES GUEUX
1881
TROISIÈME PARTIE
NOUS AUTRES GUEUX
NOS TRISTESSES
VIII
MON PETIT TOUTOU
Pück, Buchon, Buchasson, Buchinier, dom Buchet, 6+6 a
Il me plaît d’évoquer ce soir dans un poème 6+6 b
Le temps où votre maître au sixième perchait, 6+6 a
Le temps où nous avons vécu notre bohême. 6+6 b
5 Nous avons passé là, mon petit Buchinier, 6+6 a
D’octobre à février cinq mois durs comme roche ; 6+6 b
Pour moi surtout, pour moi poète de grenier 6+6 a
Qui n’entendais sonner que du vent dans ma poche. 6+6 b
Vous, vous étiez heureux, toutou blanc au nez noir. 6+6 a
10 Vous avez toujours eu bon gîte et panse pleine. 6+6 b
Plus souvent qu’à mon tour je déjeunais d’espoir ; 6+6 a
Mais je vous achetais trois sous de madeleine. 6+6 b
Vous étiez tout petit, étant enfantelet, 6+6 a
Et, pour que vous n’eussiez pas trop froid dans les rues, 6+6 b
15 Je vous portais, mignon, au creux de mon gilet 6+6 a
Où vous fîtes parfois des choses incongrues. 6+6 b
Vous étiez tout frisé, tout soyeux et tout blanc, 6+6 a
Un peu café-au-lait derrière chaque oreille. 6+6 b
Vous aviez, vos cheveux aux brises s’envolant, 6+6 a
20 Un air ébouriffé de fille qui s’éveille. 6+6 b
Vous n’étiez pas gourmand, sinon d’un plat nouveau. 6+6 a
Ainsi je me souviens que vous fûtes malade 6+6 b
Pour avoir trop goûté de la tôle de veau. 6+6 a
Aussi, pourquoi manger de la viande en salade ? 6+6 b
25 Très brave, vous traitiez comme des épiciers 6+6 a
Les dogues les plus gros, les plus fauves cerbères. 6+6 b
Vous boitiez du derrière à gauche, et vous pissiez 6+6 a
Tout droit, la tête en bas, le long des réverbères. 6+6 b
Vous étiez curieux comme une femme, et quand, 6+6 a
30 Vous croyant endormi, je rimais quelques phrases, 6+6 b
Si je vous regardais, je vous trouvais braquant 6+6 a
Vos petits yeux malins pareils a doux topazes. 6+6 b
Vous aimiez voir, savoir. Vous n’étiez pas un chien, 6+6 a
Mais un petit quelqu’un pas comme tous les autres. 6+6 b
35 On comprenait que vous étiez Parisien, 6−6 a
Au courant de Paris, et presque l’un des nôtres. 6+6 b
Vous aviez ce qu’il faut pour vieillir avec nous. 6+6 a
Mais je rêvais pour vous plus douce destinée : 6+6 b
Mes parents vous berçant le soir sur leurs genoux, 6+6 a
40 Leur jardin, leur grand lit, leur large cheminée. 6+6 b
Ô province ? pays des gens trop bien nourris ! 6+6 a
Je me disais : « Dom Buche y vivra comme un prince. » 6+6 b
Et je vous emportai là-bas, loin de Paris… 6+6 a
Et vous en êtes mort, d’avoir vu la province. 6+6 b
45 Car vous n’étiez pas fait pour ces tranquillités. 6+6 a
Il vous fallait Paris, et ses bruits, et ses fièvres. 6+6 b
Vous êtes mort du mal des enfants trop gâtés 6+6 a
Qui sous trop de baisers sentent pâlir leurs lèvres. 6+6 b
Vous dormez maintenant dans un coin du jardin, 6+6 a
50 Au pied d’un rosier vert qui vous couvre de roses. 6+6 b
Et je n’ai pas reçu vos adieux, quand soudain 6+6 a
Sur vos yeux grands ouverts la mort mit ses mains closes 6+6 b
Votre regard humain dans l’ombre me cherchait. 6+6 a
Me voici, mon petit ami, dans un poème. 6+6 b
55 Pück, Buchon, Buchasson, Buchinier, dom Buchet, 6+6 a
Compagnon avec qui j’ai vécu ma bohême, 6+6 b
Je me souviens de vous, et je n’oublierai pas 6+6 a
Votre esprit, votre cœur, votre mine blanchette. 6+6 b
C’est pourquoi j’ai sauvé tous vos noms du trépas, 6+6 a
60 Pück, Buchon, Buchasson, Buchinier, dom Buchette. 6+6 b
mètre profil métrique : 6−6
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