Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
RIC_1/RIC84
Jean RICHEPIN
LA CHANSON DES GUEUX
1881
TROISIÈME PARTIE
NOUS AUTRES GUEUX
NOS GAIETÉS
V
FRÈRE, IL FAUT VIVRE
À MAURICE BOUCHOR
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Oui, je pleurais hier | et j’en voulais mourir. 6+6 a
Frère, étais-je assez bête ! | Ah ! j’aime mieux être ivre ! 6+6 b
Et tout de suite ! mieux | vaut tenir que courir. 6+6 a
Verse-moi du vieux vin, | beaucoup. Frère, il faut vivre ! 6+6 b
5 Verse ! J’ai le gosier | meurtri par les sanglots, 6+6 a
J’ai la luette sèche | et j’ai la langue rêche. 6+6 b
Verse ! verse du vin ! | Encore ! Et que ses flots 6+6 a
Au ruisseau de mon cou | chantent leur chanson fraîche ! 6+6 b
Et fais-nous apporter | des viandes, du jambon 6+6 a
10 Rose comme une joue | en fleur de miss anglaise, 6+6 b
Et du roastbeef saignant. | Frère, le sang est bon. 6+6 a
Et déboutonnons nos | gilets tout à notre aise ! 6−6 b
Le saucisson non plus, | frère, n’est pas mauvais. 6+6 a
C’est l’éperon à boire. | Ohé ! qu’on nous l’amène ! 6+6 b
15 Nous lutterons avec | la ripaille, et je vais 6+6 a
Enterrer son armée | au creux de ma bedaine. 6+6 b
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Frère, veux-tu dormir | sur ce bon matelas ? 6+6 a
Jusqu’à l’heure où le ciel | est bleu comme du soufre 6+6 b
Qui flambe, nous ferons | un long somme, étant las. 6+6 a
20 Nous ne rêverons point, | car en rêvant on souffre. 6+6 b
Et demain, au réveil, | nous serons frais et gais, 6+6 a
Nous aurons ce beau teint | fleuri que l’on révère. 6+6 b
Nous chanterons ; et quand | nous serons fatigués, 6+6 a
Nous recommencerons | à vider notre verre. 6+6 b
25 Et nous irons ainsi | demain, après-demain, 6+6 a
Toujours. Si quelqu’un dit | que l’on se déshonore 6+6 b
À ce jeu, nous ferons, | en nous tenant la main, 6+6 a
Au nez de sa vertu | ronfler un rot sonore. 6+6 b
L’honneur, c’est de bien vivre | et d’être très heureux. 6+6 a
30 Ventre libre, pieds chauds, | cœur vide et tête froide. 6+6 b
Au diable les prêcheurs | rigides ! Bren pour eux ! 6+6 a
C’est l’affaire d’un mort | de se montrer si roide. 6+6 b
Nous, nous sommes vivants, | et très vivants, morbleu ! 6+6 a
Nous trouvons le vin bon | et les femmes bien faites, 6+6 b
35 Et nous ne voulons pas | mettre un crêpe au ciel bleu. 6+6 a
Ni penser qu’il y a | des lendemains aux fêtes. 6+6 b
Quels lendemains, d’ailleurs ? | La mort n’en est pas un. 6+6 a
Ce n’est pas un coucher | qui promette une aurore ; 6+6 b
C’est le retour d’un peu | de rien au tout commun ; 6+6 a
40 Sous un aspect nouveau | c’est de la vie encore. 6+6 b
Mais voilà ! Quelle vie ? | Est-ce ma vie à moi ? 6+6 a
Non. Quand je serai mort | j’aurai fini ma vie. 6+6 b
Tu ris ? Tu me crois soûl, | n’est-ce pas ! Et pourquoi ? 6+6 a
Ma phrase à La Palice | aurait pu faire envie, 6+6 b
45 Soit ! Mais ce La Palice | était un incompris. 6+6 a
On a dit un grand mot | en disant qu’un quart d’heure 6+6 b
Avant sa mort… Tu sais | le reste ; il a son prix, 6+6 a
Et dit qu’il fait bon vivre | avant que l’on ne meure. 6+6 b
Donc, frère, encore un coup, | mangeons, buvons, baisons, 6+6 a
50 Vivons, pleins d’une faim | de vivre inassouvie ! 6+6 b
Et quand la mort clora | nos mâchoires, faisons 6+6 a
Du hoquet de la mort | un salut à la vie ! 6+6 b
mètre profil métrique : 6−6
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