Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
REN_6/REN258
corpus Pamela Puntel
Armand RENAUD
AU BRUIT DU CANON
1871
L’INCENDIE DU PALAIS DE SAINT-CLOUD
Le palais de Saint-Cloudbrûlait au clair de lune. 6+6 a
La Seine, claire et clameainsi qu’une lagune, 6+6 a
Coulait, nappe d’argent,sous un ciel argenté ; 6+6 b
Et Paris, calme aussidans son immensité, 6+6 b
5 Noir, mais sous les lueursblanches baignant ses dômes, 6+6 a
Dormait comme un blesséqu’apaiseraient des baumes. 6+6 a
En face, le palaissinistre, tout en feu, 6+6 b
Se dressait, rouge, au fonddu pâle espace bleu. 6+6 b
La façade, gardanttrès-nettement sa forme, 6+6 a
10 Dans ses moindres détailsreluisait, braise énorme, 6+6 a
Tandis que la fumée,épaisse et sombre autour, 6+6 b
Semblait le deuil d’un peupleen un gala de cour. 6+6 b
Bien des millions prixaux sueurs populaires, 6+6 a
Bien du luxe payépar les pauvres salaires, 6+6 a
15 Bien des œuvres d’artiste,— hélas ! rêve sacré, 6+6 b
Que trop souvent les roisenchnent à leur gré, — 6+6 b
S’ensevelissaient là.Le long des galeries, 6+6 a
De glorieuses mainsavaient peint des féeries, 6+6 a
Pour amuser les yeuxdes mtres festoyant. 6+6 b
20 Et du bronze et de l’orfondaient en flamboyant, 6+6 b
le métal valaitmoins que les ciselures. 6+6 a
Pleurez, vous qui pleurezrichesses et moulures. 6+6 a
Mon âme a tressailli,mais de joie et d’orgueil ! 6+6 b
Je ne subissais pasla splendeur du coup d’œil. 6+6 b
25 Strasbourg incendiém’t navré ; dans sa flamme, 6+6 a
J’aurais maudit un gouffreengloutissant une âme, 6+6 a
Âme de cité sainte,en qui le genre humain 6+6 b
Puisa deux fois les grandsrayons du lendemain, 6+6 b
Tantôt imprimerieet tantôt Marseillaise. 6+6 a
Ici rien.
30 La matièreest riche en la fournaise. 6+6 a
Mais rien n’y meurt qui soitpour la pensée un deuil. 6+6 b
Jamais le dévmentn’en a franchi le seuil, 6+6 b
Ni l’idéal vibrésous l’armure égoïste 6+6 a
Qu’ici portait la joieau sein du monde triste. 6+6 a
35 Et les gardes, vainqueursdu peuple désarmé, 6+6 b
Les chambellans au dosen voute déprimé, 6+6 b
Tous les laquais vêtusd’or, de pourpre ou d’hermine, 6+6 a
Qui, les trônes étantcharniers, sont la vermine, 6+6 a
Étalaient, comme une autreaurait fait ses exploits, 6+6 b
40 Les noms pompeux donnésà leurs sales emplois. 6+6 b
O palais de Saint-Cloud,tu peux brûler, caverne 6+6 a
Bonaparte, ayantcompris comme on gouverne, 6+6 a
Jetant dehors le droitpour installer dedans 6+6 b
Son crime, l’ongle ouvert,la France entre les dents, 6+6 b
45 Flairait à l’horizons’il sentait la chair frche. 6+6 a
Le poëte, que riende s’indigner n’empêche, 6+6 a
Poussait vers le ciel sourdun cri de désespoir. 6+6 b
Mais les sabreurs disaient :“France, c’est ton devoir, 6+6 b
Obéis.” Et la Franceobéissait muette. 6+6 a
50 Un jour, — brûle, ô palais,brûle, et que la chouette 6+6 a
Habite ce qui futl’antre des empereurs, — 6+6 b
A force de frapper,au gré de ses fureurs, 6+6 b
Les nations avecnous pour massue, à force 6+6 a
De nous faire mouriren bataillant, le Corse 6+6 a
55 Nous livra, la poitrineouverte, à l’étranger, 6+6 b
Qui venait, innombrableet rude, se venger. 6+6 b
Et ce fut toi, palais, la flatteuse engeance 6+6 a
Pour César ne bornaitjamais sa complaisance, 6+6 a
Ce fut toi qui, toujoursimpudique, t’offrant 6+6 b
60 A qui chassait ton Dieu,vis Paris expirant 6+6 b
Capituler.
Depuis,— disparais dans la flamme, — 6+6 a
Après le tigre fier,tu vis le singe infâme, 6+6 a
L’empereur parodie !Il alla jusqu’au bout, 6+6 b
Jusqu’à l’invasion !L’autre, grand après tout, 6+6 b
65 Combattait pied à pied,par le mont et la plaine, 6+6 a
Le front dans les boulets…Puis c’était Sainte-Hélène ! 6+6 a
Celui-ci s’est rendulâchement, vilement, 6+6 b
En faisant honte mêmeau vainqueur allemand ; 6+6 b
Et l’étranger a purevenir dans tes salles, 6+6 a
70 Palais le fuyarda laissé ses draps sales ; 6+6 a
Mais cette fois, du moins,palais déshonorant, 6+6 b
Ne voulant pas te voirjeter le conquérant, 6+6 b
Nous t’avons mis le feu.
Soit, c’est bien. Brûle et tombe, 6+6 a
Et régénère-toi,si tu peux, par la tombe. 6+6 a
75 Ne verse pas de pleurssur ton marbre et ton or ; 6+6 b
Mais dans ta chute voisl’idée et prends l’essor. 6+6 b
Deux aspects sont en toi :l’un, la flamme qui monte, 6+6 a
L’autre, les murs croulants ;ici toute la honte 6+6 a
Des jours passés, mais làtout le clair avenir. 6+6 b
80 Oui ! dans ce jet de flamme,impossible à ternir, 6+6 b
Du triomphe du beauj’apeois le symbole. 6+6 a
Comme l’obus, l’espritdécrit sa parabole. 6+6 a
Les préjugés sont là,superbes, consacrés, 6+6 b
Pour base ayant l’erreur,les crimes pour degrés ; 6+6 b
85 Tous les vieux intérêtsqui pressurent la foule 6+6 a
Pour que de sa douleurl’or ou le pouvoir coule, 6+6 a
Toutes les impudeursde l’âme et de la chair, 6+6 b
Offertes à qui veutles payer le plus cher, 6+6 b
Sous les arceaux du grandpalais de l’injustice, 6+6 a
90 Se promènent, sachantsolide la bâtisse. 6+6 a
Ils ont pour eux les mœurs,l’habitude, la peur. 6+6 b
Ils distillent au peupleattroupé la torpeur 6+6 b
Et la corruption.Même ils font leurs victimes 6+6 a
Aveugles à ce pointde croire légitimes 6+6 a
95 Et de défendre leursbourreaux. Qu’un inspiré 6−6 b
S’avance de la nuitvers le seuil éclairé, 6+6 b
Ils n’ont qu’à laisse faire,et des hautes croisées, 6+6 a
Ils pourront voir saignerses chairs martyrisées. 6+6 a
Ils sont donc triomphants,sûrs d’eux-mêmes, narquois. 6+6 b
100 Parfois aux révoltés,aux mendiants parfois, 6+6 b
Ils jettent une grâceou jettent une obole. 6+6 a
Comme l’obus, l’espritdécrit sa parabole. 6+6 a
Rien encor, si ce n’estun vague sifflement 6+6 b
Dans l’espace. Et pourtant,si proche est le moment 6+6 b
105 De la destructionde l’édifice immense, 6+6 a
Que déjà la toitureà vaciller commence 6+6 a
Sous le vent précurseur.Et tous les ignorants 6+6 b
Verront clair, et les serfsn’auront plus de tyrans, 6+6 b
Et ceux dont aux bourreauxplaisaient les hécatombes, 6+6 a
110 Les martyrs qu’on croyaità jamais dans leurs tombes, 6+6 a
Se lèveront, le frontresplendissant d’amour, 6+6 b
Et leurs chants salûrontleur vieux rêve : le jour ! 6+6 b
Ainsi pensais-je à voir,œuvre saine et loyale, 6+6 a
Le feu purifierl’ordure impériale. 6+6 a
mètre profil métrique : 6−6
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