Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
REN_4/REN192
Armand RENAUD
Drames du peuple
1885
AUTOUR DE NOUS
L'Amphithéâtre
DÉCHARNÉS, saignants, lamentables, 8 a
Les voyez-vous ces pauvres morts, 8 b
Disséqués sur les longues tables 8 a
Par l'étudiant sans remords ? 8 b
5 Lui, la serviette à la poitrine, 8 a
Les bras nus, le scalpel en main. 8 b
Il cherche des points de doctrine 8 a
Dans ces débris de corps humain. 8 b
Par instants, laissant son cadavre, 8 a
10 Il fume et chante une chanson ; 8 b
Il rêve d'un voyage au Havre 8 a
Ou d'une fête à Robinson. 8 b
Eux, pitoyablement cyniques, 8 a
Montrent leurs maigres nudités ; 8 b
15 On lit les suprêmes panique» 8 a
Dans leurs yeux par l'ombre habités. 8 b
Tous sont laids, hormis une femme 8 a
Au teint rosé suavement, 8 b
Que nul fer encore n'entame, 8 a
20 Et qui semble rire en dormant. 8 b
Près d'elle, un enfant, tête blonde, 8 a
A déjà le crâne scié, 8 b
Condamné qu'attendait le monde. 8 a
Et qui soudain fut gracié. 8 b
25 Plus loin, c'est un vieux et sa vieille 8 a
Usés par le labeur brutal. 8 b
Après l'existence pareille, 8 a
Ayant eu le même hôpital. 8 b
C'est un homme à chaude cervelle, 8 a
30 Étouffé par la pauvreté ; 8 b
Un chercheur de terre nouvelle. 8 a
Dans les vagues précipité. 8 b
C'est un balayeur, dans la rue, 8 a
Sur lequel l'omnibus versa ; 8 b
35 Autour de lui la foule accrue 8 a
Fit un moment cercle, et passa. 8 b
O pauvres gens, je vous respecte, 8 a
Cadavres comptés pour zéro, 8 b
Vous qu'on mutile et qu'on injecte, 8 a
40 Puis qu'on emporte en tombereau. 8 b
Après les longs jours de fatigue, 8 a
Après le froid, après la faim, 8 b
La terre, envers vous peu prodigue, 8 a
Vous donna l'hôpital pour fin. 8 b
45 Vous avez fait tourner la roue 8 a
De la machine humanité ; 8 b
Votre place fut à la proue 8 a
De notre vaisseau ballotté. 8 b
Tandis que le riche inutile. 8 a
50 Après des jours de soie et d'or, 8 b
Dans une tombe d'un grand style 8 a
Va dormir, inutile encor. 8 b
Vous, utiles toute la vie. 8 a
Lorsque arrive le coup de vent, 8 b
55 L'amphithéâtre vous convie 8 a
A servir après comme avant. 8 b
Je ne veux pas ici vous plaindre : 8 a
L'âme est tout et la chair n'est rien. 8 b
Empêcher, ce serait éteindre ; 8 a
60 Disséquer pour guérir, c'est bien. 8 b
Il en est que ce coup d'œil blesse : 8 a
Mon regard n'en a point souci. 8 b
Mais je vous trouve une noblesse, 8 a
A vous que l'acier fouille ainsi. 8 b
65 Et puisque votre destinée 8 a
Est d'être taillés par lambeau, 8 b
Sans qu'une croix vous soit donnée, 8 a
Sans que vous ayez un tombeau ; 8 b
Êtres sans nom, pâle hécatombe, 8 a
70 Pâture des bistouris froids, 8 b
J'ai voulu vous faire une tombe, 8 a
J'ai voulu vous mettre une croix. 8 b
mètre profil métrique : 8
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