Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
REN_4/REN191
Armand RENAUD
Drames du peuple
1885
AUTOUR DE NOUS
Les Fiancées de Cayenne
DANS la rade de Brest le navire est à l'ancre. 6+6 a
La nuit tombe ; le flot clapote, couleur d'encre ; 6+6 a
Les astres rarement percent un ciel couvert. 6+6 b
Courant en longs serpents sur l'onde qui vacille, 6+6 c
5 Deux fanaux, sur le flanc du navire immobile, 6+6 c
Luisent, l'un rouge, l'autre vert. 8 b
La rade est solitaire et la grève est muette. 6+6 a
Du bordage et des mâts on voit la silhouette 6+6 a
Qui, frêle, se détache en plus noir sur la nuit. 6+6 b
10 L'infini de la mer, l'infini de l'espace 6+6 c
Se mêlent ; un nuage après un autre passe ; 6+6 c
Un flot après un flot s'enfuit. 8 b
A bord, sous bonne escorte, on a, dans la journée, 6+6 a
Conduit quatre à cinq cents femmes, une fournée 6+6 a
15 De crimes assortis dont Cayenne aura soin. 6+6 b
La plupart ont volé ; plus d'une, dans le nombre, 6+6 c
A tué son enfant par un temps rempli d'ombre 6+6 c
Où ses pas glissaient sans témoin. 8 b
La plus belle, la plus jeune parmi ces femmes, 6+6 a
20 Brune, a des yeux d'azur baignés de douces flammes ; 6+6 a
Pourtant elle suivait, fraîche et le rire aux dents, 6+6 b
Des gens qui saccageaient les maisons éloignées. 6+6 c
Et veillait au dehors pendant que leurs cognées 6+6 c
Fendaient les crânes au dedans. 8 b
25 Une autre était servante, et, se voyant chassée 6+6 a
Pour s'être en la débauche et l'ivresse enfoncée. 6+6 a
Avait, dans son esprit imprégné d'alcool, 6+6 b
Résolu la vengeance et, s'embusquant farouche, 6+6 c
A ses maîtres jeté sur les yeux et la bouche 6+6 c
30 Un flacon plein de vitriol. 8 b
C'est hideux, n'est-ce pas ? — Recherchons leur enfance. 6+6 a
Contre le mal, combien ont grandi sans défense ! 6+6 a
Pour combien, pas d'école et pas même d'abri ! 6+6 b
A l'heure où le cerveau s'ouvre en fleur aux idées. 6+6 c
35 Combien furent en proie aux choses dégradées, 6+6 c
Sans avoir pu jeter un cri ! 8 b
Combien, noires de coups, ayant froid, affamées. 6+6 a
Et, non moins qu'en leur corps, en leur âme opprimées, 6+6 a
Contre leur droit, au nom d'un droit faux des parents, 6+6 b
40 Étouffèrent dans l'ombre épaisse ! Ah ! soyons justes 6+6 c
Nous leur devions de l'air, du jour, à ces arbustes, 6+6 c
Si nous les voulions beaux et grands ! 8 b
Triste écume du peuple où plus d'une âme vibre. 6+6 a
Troupeau surtout esclave et puni comme libre. 6+6 a
45 Êtres profondément monstrueux et flétris, 6+6 b
Femmes qui n'avez plus d'avenir dans la vie. 6+6 c
Allez, rebut ! Cayenne, en riant, vous convie ; 6+6 c
Ses forçats seront vos maris. 8 b
Aspirez sur le pont l'air qui souffle du large. 6+6 a
50 Il vous apporte, ô vous que la honte surcharge, 6+6 a
Les soupirs enflammés des bandits de là-bas. 6+6 b
Car l'on vous mariera ; vos sinistres pensées 6+6 c
De leurs mornes secrets seront les fiancées ; 6+6 c
Les crimes prendront leurs ébats. 8 b
55 Les hommes aux regards fauves, aux couteaux rouges. 6+6 a
Attendriront leurs yeux pour vous, filles des bouges ; 6+6 a
Et vous tendrez le sein à des enfants joyeux. 6+6 b
Vous dont l'oreille encor frémit, songeant au râle 6+6 c
De l'autre, que vos doigts rendirent froid et pâle 6+6 c
60 Au moment qu'il ouvrait les yeux. 8 b
Parmi vous, c'est dans Tordre, il est un groupe infâme. 6+6 a
Hébété, n'ayant pas conservé trace d'âme. 6+6 a
Subissant le seul joug des assouvissements. 6+6 b
Vivant au jour le jour, sans avoir d'autre envie 6+6 c
65 Que celle d'arroser son gosier d'eau-de-vie, 6+6 c
En poussant des ricanements. 8 b
Ces femmes sont trop bas pour pouvoir sur la route 6+6 a
Rien entendre des voix que la Nature écoute, 6+6 a
Tantôt montant du flot, tantôt tombant du ciel ; 6+6 b
70 Et, brutes appelant des brutes, n'auront guère 6+6 c
D'autre amour dans le sein qu'une fièvre vulgaire 6+6 c
Pour des gens de boue et de fiel. 8 b
Mais, dans la cargaison, peut-être quelques-unes 6+6 a
Ont fléchi sous le poids de grandes infortunes, 6+6 a
75 Sans que leur âme au gouffre ait suivi leur vertu ; 6+6 b
Et, s'isolant du bruit, peut-être songent-elles. 6+6 c
Tandis que par la vague aux pointes de dentelles 6+6 c
Le flanc du navire est battu. 8 b
Elles songent aux jours passés, au son des cloches. 6+6 a
80 Aux coups d'œil qu'on avait en montant sur les roches, 6+6 a
Le matin, aux parents plus tard cachés ou morts ; 6+6 b
Puis revient le tableau du crime ineffaçable. 6+6 c
Et, comme en un désert le vent chasse du sable. 6+6 c
Chaque idée apporte un remords. 8 b
85 Navire et passagers sont un point dans la brume. 6+6 a
La vaste mer pourtant contient moins d'amertume 6+6 a
Que les larmes tombant de ces cœurs inconnus. 6+6 b
Courage, cœurs plaintifs ! Vous qui pleurez, courage ! 6+6 c
Sur ce vaisseau maudit, par ce souffle d'orage. 6+6 c
90 Vos vrais jours d'honneur sont venus. 8 b
Votre front s'est courbé ; mais votre âme est plus haute 6+6 a
De tout ce qu'elle a mis de sanglots sur sa faute. 6+6 a
Vous regrettez le temps où vous étiez l'oiseau. 6+6 b
Sans soupçonner le mal, gazouillant l'espérance : 6+6 c
95 Certes, c'était plus doux, la candide ignorance. 6+6 c
Savoir et vaincre, c'est plus beau. 8 b
Dans la tranquillité de vos ailes sans tache. 6+6 a
Vous restiez sur la branche où la fleur se détache, 6+6 a
Sans avoir d'autre but que d'y puiser du miel. 6+6 b
100 Maintenant, dans l'horreur d'avoir touché la fange, 6+6 c
Vous ne trouvez jamais, pour fuir l'impur mélange, 6+6 c
Assez de profondeur au ciel. 8 b
Et tandis qu'au milieu des lumières de fête 6+6 a
Plus d'une femme, ornant de diamants sa tête, 6+6 a
105 Ayant tout pour l'aimer et pour lui faire accueil, 6+6 b
Ne cessant de passer du bien-être à la joie, 6+6 c
Dans les cœurs à ses pieds ne verra qu'une proie 6+6 c
Pour ses sens ou pour son orgueil ; 8 b
Vous, si vous rencontrez, sur la lointaine plage, 6+6 a
110 De ces êtres meurtris qu'une amitié soulage. 6+6 a
En mettant votre main dans la leur, vous ferez, 6+6 b
Par delà les mépris qui vivent d'apparence, 6+6 c
Luire sur votre amour imprégné de souffrance 6+6 c
Le plus pur des rayons sacrés. 8 b
115 Laissez, laissez passer les forces et les rires ! 6+6 a
Dans l'expiation, vos ailes de martyres 6+6 a
Vous portent sur la cime où cela compte peu. 6+6 b
Nul trouble humain ne peut monter jusqu'à vos larmes. 6+6 c
Au-dessous, c'est l'orage aux fulgurants vacarmes ; 6+6 c
120 Mais, au-dessus, c'est le ciel bleu 8 b
mètre profils métriques : 8, 6+6
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