Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
REN_4/REN188
Armand RENAUD
Drames du peuple
1885
AUTOUR DE NOUS
Bals publics
TOUT le soir, sur des airs | de Strauss et de Musard, 6+6 a
J'avais vu s'agiter | les filles de hasard, 6+6 a
Sortant du boudoir ou du bouge ; 8 b
Et je m'en retournais, | les yeux brûlés de gaz, 6+6 c
5 Gardant, des rayons faux | du clinquant et du strass, 6+6 c
Comme un éblouissement rouge. 8 b
A mon oreille encor | tout ce qui danse et rit, 6+6 a
Chante et siffle, vibrait ; | et j'avais dans l'esprit 6+6 a
Un sombre écho de cette joie. 8 b
10 Sachant trop à quel point | c'était du frelaté, 6+6 c
Du dégoût dans l'amour, | du deuil dans la gaîté. 6+6 c
Et des ulcères sous la soie. 8 b
Un beuglement, parti | d'un long bâtiment noir, 6+6 a
Vint soudain me frapper ; | je vis un abattoir. 6+6 a
15 Un lieu plein de bêtes vivantes, 8 b
Bœufs, moutons, veaux plaintifs, | par centaines couchés, 6+6 c
Et tous, en attendant | le couteau des bouchers, 6+6 c
Saisis de mornes épouvantes. 8 b
Les pauvres animaux ! | les doux et les rêveurs ! 6+6 a
20 On les avait conduits, | loin des vertes saveurs. 6+6 a
Pour les tuer selon la forme. 8 b
Adieu les champs baignés | par la brume du soir ! 6+6 c
A travers les barreaux, | ils pouvaient déjà voir 6+6 c
Paris ouvrant sa gueule énorme. 8 b
25 Tant de sang à verser ! | Pénible loi du mal ! 6+6 a
Et pourtant c'était moins | lugubre que le bal. 6+6 a
Car ici, du moins, nul mensonge. 8 b
C'est l'abattoir, l'endroit | rougeâtre et repoussant ; 6+6 c
Rien n'y danse, n'y fait | un sourire au passant 6+6 c
30 Pour le bercer d'un joyeux songe. 8 b
Là-bas, c'est l'abattoir | masqué ; là-bas, vertu, 6+6 a
Jeunesse, amour, tout un | bétail est abattu, 6−6 a
Mais les bourreaux sont des caresses. 8 b
Le râle d'agonie | est un rire sans freins. 6+6 c
35 Et le cadavre met | du velours à ses reins, 6+6 c
De la dentelle sur ses tresses. 8 b
De la chair ! de la chair | toujours ! Paris a faim ; 6+6 a
Il lui faut des repas | et des baisers sans fin ; 6+6 a
Il faut qu'il mange et qu'il embrasse. 8 b
40 Quand il est bien repu, | qu'il s'est refait du sang, 6+6 c
Que, le corps réchauffé | de viandes, il se sent 6+6 c
D'autres chairs un désir vorace, 8 b
Il chasse à la beauté | des vierges, il s'en va 6+6 a
Traquant le contour pur | que le marbre rêva, 6+6 a
45 Pour l'aimer ce qu'une nuit dure ; 8 b
Quand il aura sali | l'esprit, sali le corps, 6+6 c
Avec les os rongés, | il en mettra dehors 6+6 c
Les débris sur le tas d'ordure. 8 b
O les yeux clairs ! les teints | roses ! les longs cheveux ! 6+6 a
50 Les cœurs pleins de rosée | où pourraient tous les vœux 6+6 a
Baigner et reposer leur aile ! 8 b
Comme la ville immense | en a vite raison, 6+6 c
Et que vite elle met | la goutte de poison 6+6 c
Dans chaque fleur limpide et frêle ! 8 b
55 On dirait du plaisir. | Ce ne sont que baisers 6+6 a
Sur des seins éclatants | fiévreusement posés. 6+6 a
Qu'ivresse bruyamment ardente. 8 b
Meurtre d'âmes au fond ! | De même l'étalier 6+6 c
D'un dessin fantaisiste | orne, pour l'égayer, 6+6 c
60 La chair qui saigne aux crocs pendante. 8 b
mètre profils métriques : 8, 6−6
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