Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
REN_3/REN179
Armand RENAUD
CAPRICES DE BOUDOIR
1864
ÉGAREMENTS
XIX
LA VIERGE PALE
TERZA RIMA
Que le vulgaire coure | où l'appelle le monde, 6+6 a
Qu'il se plaise aux splendeurs | des yeux, ou bien encor 6+6 b
Qu'il traîne dans le bruit | sa course vagabonde ; 6+6 a
Qu'il aime les chasseurs | qui vont sonnant du cor, 6+6 b
5 Les chiens et les chevaux | et le chant des orgies ; 6+6 c
Qu'il aille de la fête | admirer le décor ; 6+6 b
Qu'il suive du plaisir | les nombreuses magies ; 6+6 c
Qu'à tous les vents de joie | il ouvre ses poumons ; 6+6 a
Moi, j'aime mieux l'automne | avec les élégies ; 6+6 c
10 J'aime mieux le silence | au sommet des grands monts, 6+6 a
J'aime mieux le désert, | la nuit et les ruines, 6+6 b
J'aime mieux les tombeaux | où nous nous endormons ; 6+6 a
Feuille morte des bois | ou torrent des ravines, 6+6 b
Tout ce qui dans l'esprit | verse de quoi rêver, 6+6 c
15 Tout ce qui porte en soi | les tristesses divines. 6+6 b
Aussi jamais l'amour | n'a pu me captiver, 6+6 c
Et, chez la grande dame | et chez la courtisane, 6+6 a
J'ai cherché vainement | un cœur où m' abreuver. 6+6 c
Citadine élégante | et fraîche paysanne, 6+6 a
20 Hardiesse et candeur, | cou d'albâtre et teint brun, 6+6 b
Romaine à l'œil ardent | et dormante Persane, 6+6 a
Tout s'est mêlé pour moi | dans un mépris commun. 6+6 b
J'ai tenu ma jeunesse | en moi-même isolée. 6+6 c
J'ai fui tous les baisers, | sans regret pour aucun. 6+6 b
25 Mais hier quand parut, | âme presque envolée, 6+6 c
La vierge qui se meurt | et qui vient pour mourir, 6+6 a
Comme un tombeau plus doux, | choisir cette vallée ; 6+6 c
Lorsque je vis sa lèvre | impuissante à s'ouvrir, 6+6 a
Son visage plus blanc | que sa parure blanche, 6+6 b
30 Et ses yeux que demain | l'ombre viendra couvrir ; 6+6 a
Lorsque je vis ses traits | où la douleur s'épanche, 6+6 b
Ses veines que le sang | vient à peine animer 6+6 c
Et son corps amaigri, | si frêle qu'il se penche, 6+6 b
Et pourtant dans son cœur | un tel besoin d'aimer, 6+6 c
35 Et dans tous ses regards | tant d'élans vers la vie 6+6 a
Qu'un monde de désirs | semble s'y renfermer ; 6+6 c
Je sentis tout-à-coup, | dans mon âme ravie, 6+6 a
Naître pour ce fantôme | un invincible amour, 6+6 b
Et de combler son rêve | une invincible envie. 6+6 a
40 Oh ! ce n'est ni son front | au délicat contour, 6+6 b
Ni son cou de satin | pur des taches du hâle, 6+6 c
Ni sa main faite au moule | ou son pied pris en tour, 6+6 b
Qui me la font aimer. | Non ! c'est de la voir pâle, 6+6 c
S'incliner sous le mal | inconnu qui la mord, 6+6 a
45 D'épier dans ses yeux | la minute du râle, 6+6 c
De prendre sur sa lèvre | un baiser à la mort ! 6+6 a
mètre profil métrique : 6+6
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