Métrique en Ligne
REN_3/REN174
Armand RENAUD
CAPRICES DE BOUDOIR
1864
SCINTILLEMENTS
XIV
L'HEURE DU BERGER
S'il est une heure douce entre toutes les heures, 6+6 a
Une heure où rien d'amer en vous ne soit resté, 6+6 b
Où les choses qu'on aime apparaissent meilleures, 6+6 a
Où l'on arrive à Dieu par la félicité ; 6+6 b
5 C'est quand la bien-aimée, entre vos bras étreinte, 6+6 a
Ne voulant rien encor, mais près de tout vouloir, 6+6 b
Répondant au désir par une douce plainte, 6+6 a
Pensive, en s'en allant, a murmuré : ce soir ! 6+6 b
Tout le jour vous errez, cherchant les endroits calmes, 6+6 a
10 Bercé dans votre espoir comme dans un hamac, 6+6 b
Dédaignant l'homme avec ses haines ou ses palmes, 6+6 a
Mais ému par l'azur et charmé par le lac. 6+6 b
Enfin le jour décline et l'espérance augmente. 6+6 a
A chaque bruit léger de la rue ou des bois, 6+6 b
15 Vous écoulez si c'est le bruit de la charmante, 6+6 a
Et s'il chante un oiseau, vous dites : c'est sa voix. 6+6 b
Elle arrive, ô bonheur ! vous sourit, ô vertige ! 6+6 a
Et sans pouvoir parler se jette à votre cou. 6+6 b
Sur ses lèvres en feu la passion voltige ; 6+6 a
20 Vous sentez son cœur battre et trembl er son genou. 6+6 b
Alors, que vous soyez en juillet ou décembre, 6+6 a
Que l'âcre bise souffle ou le zéphir béni, 6+6 b
Que vous vous teniez clos dans le fond d'une chambre 6+6 a
Ou que vous respiriez libre sous l'infini, 6+6 b
25 Tout vous devient égal ; car vos yeux et votre âme 6+6 a
Ne connaissent plus rien que son âme et ses yeux. 6+6 b
Anéantissement où tout l'être se pâme, 6+6 a
C'est vous son paradis et c'est elle vos cieux. 6+6 b
Certe on a du plaisir à respirer les roses 6+6 a
30 Et, lorsqu'on un ciel bleu vient l'étoile du soir, 6+6 b
Il en tombe du calme aux fronts les plus moroses, 6+6 a
Comme il tombe des fleurs du haut d'un reposoir. 6+6 b
Mais qu'est-ce que la rose et qu'est-ce que l'étoile 6+6 a
A côté du bonheur d'aimer et d'être aimé ? 6+6 b
35 Que la rose s'effeuille et que le ciel se voile, 6+6 a
Que vous importe à vous dans ses bras enfermé ? 6+6 b
N'est-ce pas le meilleur parfum qu'une maîtresse 6+6 a
Dont la voix en tremblant égrène le mot oui ? 6+6 b
Donner et recevoir la première caresse, 6+6 a
40 N'est-ce pas le rayon dont tout est ébloui ? 6+6 b
O les ambitieux qui dominez la terre, 6+6 a
Artistes, inventeurs, prophètes, conquérants, 6+6 b
Hommes qui choisissez la route solitaire 6+6 a
Pour qu'après votre vie on vous proclame grands, 6+6 b
45 Répondez. Dans la nuit de la tombe profonde, 6+6 a
S'il vous souvient encor d'une joie ici-bas. 6+6 b
Si vous avez regret de quelque chose au monde, 6+6 a
C'est d'une heure semblable, ô grands morts, n'est-ce pas ? 6+6 b
Et vous qui, malheureux, avez vécu dans l'ombre, 6+6 a
50 En proie aux tourments vils : la faim avec le froid, 6+6 b
Et dont rien n'a fermé les blessures sans-nombre 6+6 a
Que l'éternel sommeil dans le cercueil étroit ; 6+6 b
S'il vous advint, le temps que dure une éphémère, 6+6 a
De presser une main dans la vôtre, d'avoir 6+6 b
55 La douceur d'un baiser à votre lèvre amère 6+6 a
Et J'éclair d'un amour à votre horizon noir ; 6+6 b
Oh ! vous consentiriez, n'est-ce pas, à revivre ? 6+6 a
A laisser'les douleurs torturer votre chairs, 6+6 b
A voir, de l'aube au soir,-tomber comme du givre 6+6 a
60 Tout ce que vous-rêviez, tout ce qui vous fut cher ? 6+6 b
Pour sentir de nouveau venir a votre lèvre 6+6 a
Ce baiser qui si haut vous fit voler un jour, 6+6 b
Pour avoir la superbe et l'invincible fièvre 6+6 a
Du premier rendez-vous dans le premier amour. 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
forme globale type : suite périodique
schéma : 16(abab)
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