Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
REN_2/REN160
Armand RENAUD
Poésies
1860-1880
Orient
(FRAGMENTS DE PREMIÈRES POÉSIES)
Le Palanquin
LE four jette au loin sa lueur vermeille ; 5+5 a
Le porcelainier, accroupi, surveille, 5+5 a
Pendant sa cuisson, l'œuvre sans pareille. 5+5 a
C'est un palanquin que cette œuvre-ci ; 5+5 a
5 L'argile en est rare et la forme aussi ; 5+5 a
Rien ne fut jamais si bien réussi. 5+5 a
Car lui, l'artisan que tout lettré vante, 5+5 a
Lui-même a pétri la pâte mouvante, 5+5 a
Puis l'a mise au four de sa main savante ; 5+5 a
10 Ayant par serment promis ce travail 5+5 a
A la fiancée au riche éventail, 5+5 a
Dont l'œil est un jais, la lèvre un corail : 5+5 a
La vierge Chinoise à la jaune épaule, 5+5 a
Qui courbe en marchant son corps comme un saule, 5+5 a
15 Et dont un parfum sort quand on la frôle ; 5+5 a
La belle au sourcil plus mince qu'un fil, 5+5 a
Aux obliques yeux, au flûte babil, 5+5 a
Qui trace des vers d'un pinceau subtil. 5+5 a
Le porcelainier à sa beauté songe ; 5+5 a
20 Et comme la mer sous l'oiseau qui plonge, 5+5 a
Sans cesse sous lui son rêve s'allonge. 5+5 a
Il la voit d'abord, dans son jardin frais, 5+5 a
De l'if tailla courant au cyprès, 5+5 a
Aux pêchers fleuris contant des secrets ; 5+5 a
25 Puis avec un chat jouant sur sa couche, 5+5 a
Puis, comme un lézard qui gobe une mouche, 5+5 a
Se lançant le riz par grain dans la bouche ; 5+5 a
Puis, à petits coups, savourant du thé 5+5 a
Dans le kiosque bleu dont le toit v 5+5 a
30 Se relève en corne à chaque côté. 5+5 a
Là-bas, sur la tour gigantesque et sainte, 5+5 a
En vain la clochette au vent des nuits tinte ; 5+5 a
Le rêveur profond n'entend pas la plainte. 5+5 a
Le Mogol sauvage, au galop passant, 5+5 a
35 En vain a poussé son cri glapissant ; 5+5 a
Rien n'ôte au rêveur ce qu'en l'âme il sent. 5+5 a
« Le ciel, pense-t-il, fit ma bien-aie 5+5 a
De cette vapeur, essence innommée, 5+5 a
Qui couvre les monts comme une fue. 5+5 a
40 « Plus fraîche est sa peau que l'aurore en pleurs ; 5+5 a
Dès qu'elle apparaît, le jaspe et les fleurs, 5+5 a
Vaincus en beauté, perdent leurs couleurs. 5+5 a
« Les petits cyprins sortent de la vase 5+5 a
Pour voir vers le bord son pied que l'eau rase 5+5 a
45 Et, quand ils l'ont vu, restent en extase. 5+5 a
« Mandarins du ciel, les faisans dorés, 5+5 a
Les perroquets verts, les paons chamarrés 5+5 a
Lui font un cortège à travers les prés. 5+5 a
« Et sur les mûriers chaque ver-à-soie, 5+5 a
50 Filant son cocon, se dit avec joie : 5+5 a
« Peut-être j'irai sur ce corps qui ploie. » 5+5 a
Il pensait encor quand résonne un bruit. 5+5 a
Le beau palanquin, ouvré jour et nuit, 5+5 a
En un seul instant, le feu l'a détruit. 5+5 a
55 Que va-t-il répondre à sa fiane, 5+5 a
Quand, le lendemain, la vierge offene 5+5 a
S'écriera : « Qui donc avait ta pene ? » 5+5 a
En vain dira-t-il : « Je pensais à vous. » 5+5 a
Elle a, pour le croire, un cœur trop jaloux, 5+5 a
60 Et ne viendra plus au bois des bambous. 5+5 a
De douleur, au four il se précipite ; 5+5 a
Et tout l'atelier, qui d'effroi palpite, 5+5 a
Le voit qui se tord, l'entend qui crépite. 5+5 a
Tout à coup le corps se change et grandit ; 5+5 a
65 Le buste se gonfle à l'œil interdit ; 5+5 a
Ceci se fait droit, cela s'arrondit. 5+5 a
Et l'amant, voi qu'il devient lui-même 5+5 a
Le beau palanquin, la chaise suprême 5+5 a
Qu'il voulait offrir à celle qu'il aime. 5+5 a
70 La vierge aussitôt, fidèle à l'amour, 5+5 a
Dans le palanquin fixa son séjour 5+5 a
Et seule y resta jusqu'au dernier jour ; 5+5 a
Puis, lorsque son âme alla vers l'autre âme, 5+5 a
Le magique asile où vivait la femme 5+5 a
75 Servit de cercueil pour le corps sans flamme. 5+5 a
Et, pour honorer l'amante et l'amant, 5+5 a
Tcheou, Fils du Ciel, voulut sagement 5+5 a
Qu'on gravât leurs noms sur un monument. 5+5 a
mètre profil métrique : 5+5
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