Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
REN_1/REN32
Armand RENAUD
Recueil intime
1881
III
Invitation à l’Oubli
O lune, o belle nuit, | sérénité profonde, 6+6 a
Ruissellement du ciel | étoilé sur le monde, 6+6 a
Quiétude des champs | où flottent des pâleurs 6+6 a
Sur la verdure unie | et sur l’émail des fleurs, 6+6 a
5 Mystère des grands bois, | pleins d’ombres illusoires, 6+6 a
Avec leurs blancs rayons | coupés de branches noires, 6+6 a
Douceur dont l’univers | immobile est rempli, 6+6 a
Fous, solitude, et vous, | silence, urnes d’oubli, 6+6 a
Merci pour le repos | qui par vous me pénètre. 6+6 a
10 Dans ce calme d’une heure | et dans ce court bien-être, 6+6 a
L’oiseau qui fit son nid | dans mon cœur autrefois, 6+6 a
Et qui, de trop d’angoisse, | avait perdu la voix, 6+6 a
Lui qui ne demandait | plus rien à la fortune, 6+6 a
Voilà qu’il veut chanter, | l’œil levé vers la lune. 6+6 a
15 Oh ! dis, pourquoi chanter ? | Troubler la nuit, pourquoi ? 6+6 a
Que l’oubli te suffise, | oiseau triste, endors-toi ! 6+6 a
Sous le ciel dont la joie | au monde est prodiguée, 6+6 a
Ton chant ne saurait pas | trouver de note gaie. 6+6 a
Le présent s’en irait | rejoindre le passé, 6+6 a
20 Et tu ressouffrirais, | o toi qui fus blessé ! 6+6 a
En vain les astres sont | comme un groupe modèle 6+6 a
D’amis, au même but, | marchant d’un même accord. 6+6 b
A la tâche commune | en vain toujours fidèle, 6+6 a
Où la veille il brillait, | chacun d’eux brille encor. 6+6 b
25 Tu te rappellerais | les amitiés parties, 6+6 a
Le dur enseignement | voulant qu’on prenne soin, 6+6 b
Quand on sent dans son cœur | bondir les sympathies, 6+6 a
D’avoir l’espoir muet | et le deuil sans témoin. 6+6 b
En vain la lune, avec | ses rayons pour caresses, 6+6 a
30 Baise au front la forêt, | ouvre le cœur des fleurs, 6+6 b
Se mire au sein de l’eau | qui lui rend ses tendresses, 6+6 a
Jette un manteau d’amour | sur toutes les douleurs. 6+6 b
Tu te rappellerais | les amours écroulées, 6+6 a
Les serments qui mentaient, | les cœurs qui sonnaient faux ; 6+6 b
35 Et l’idéal prenant | de si hautes volées 6+6 a
Pour durer moins qu’une herbe | où va passer la faulx. 6+6 b
Belle immuablement, | la nature infinie 6+6 a
Baigne en vain l’univers | d’immortelle clarté. 6+6 b
En vain le ciel, avec | sa constante harmonie, 6+6 a
40 T’ouvre les horions | de son éternité. 6+6 b
Tu te rappellerais | les tombes refermées 6+6 a
Sur tant d’êtres restés | dans ton seul souvenir, 6+6 b
Qui passèrent la vie | à suivre des fumées, 6+6 a
Et qui sont devenus | poussière pour finir. 6+6 b
45 Sous le ciel dont la joie | au monde est prodiguée, 6+6 a
Ton chant ne saurait pas | trouver de note gaie ! 6+6 a
Oh ! dis, pourquoi chanter ? | troubler la nuit, pourquoi ? 6+6 a
Que l’oubli te suffise, | oiseau triste, endors-toi ! 6+6 a
mètre profil métrique : 6+6
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