Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
REN_1/REN26
Armand RENAUD
Recueil intime
1881
II
Avenir
Je suis jeune, et pourtant je n’ai pas cette joie, 6+6 a
Ce rire épanoui du monde qui tournoie, 6+6 a
Ardent à tout festin. 6 b
Sans couronne est mon front, mon cœur sans espérance. 6+6 c
5 Avec incertitude, avec indifférence, 6+6 c
J’accomplis mon destin. 6 b
Un moment, j’ai rê de ces salles superbes 6+6 a
D’où montent pour l’artiste, en colossales gerbes, 6+6 a
Les bravos éclatants ; 6 b
10 Mais j’ai vu que chacun songeait à ses affaires, 6+6 c
Et qu’on n’écoutait plus la musique des sphères, 6+6 c
N’en ayant pas le temps ; 6 b
Que, loin de tous les miels que la terre distille, 6+6 a
Dans l’ombre, je devais m’exiler, inutile 6+6 a
15 Adorateur du beau, 6 b
Et que, si quelque fleur de pâle renommée 6+6 c
M’arrivait, cette fleur trop lentement formée 6+6 c
Serait pour mon tombeau. 6 b
Parfois des yeux d’ami, parfois des yeux de femme 6+6 a
20 Ont curieusement regardé dans mon âme ; 6+6 a
D’autres s’y pencheront. 6 b
Mais, parmi tous ces cœurs lancés dans le tumulte, 6+6 c
Lequel m’apercevrait terrassé par l’insulte, 6+6 c
Sans détourner le front ? 6 b
25 Oh ! je connais quelqu’un de fidèle et de tendre 6+6 a
Qui toujours m’a tendu, toujours viendra me tendre 6+6 a
Ses bras pour m’y presser, 6 b
Qui m’aime également glorieux ou sans palme, 6+6 c
Dont l’austère caresse, odeur pure, eau qui calme, 6+6 c
30 Pénètre sans blesser ; 6 b
Celle à qui mon honneur est plus cher que ma vie, 6+6 a
Qui de tout noble orgueil, de toute sainte envie 6+6 a
Sur mon cœur mit le sceau ; 6 b
La femme qui veilla sur mon enfance frêle, 6+6 c
35 Qui riva tout pour moi sans vouloir rien pour elle, 6+6 c
L’ange de mon berceau. 6 b
Mais nous ne mourrons pas au même instant ; peut-être 6+6 a
Me faudra-t-il, après les paroles du prêtre, 6+6 a
La vêtir du linceul, 6 b
40 Puis, lorsque j’aurai vu sa fosse qui s’éboule, 6+6 c
Rentrer, vêtu de noir, où s’agite la foule. 6+6 c
Alors je serai seul. 6 b
Alors je n’aurai plus une raison de vivre, 6+6 a
Je briserai ma plume et jetterai mon livre, 6+6 a
45 Des bourreaux tous les deux. 6 b
Alors, si je retrouve au fond d’un dernier songe, 6+6 c
La gloire, cet abîme, et l’amour, ce mensonge, 6+6 c
Je ne voudrai plus d’eux. 6 b
Alors, par une nuit odieusement douce, 6+6 a
50 Vers un abri charmant, plein de fleurs et de mousse, 6+6 a
Je porterai mes pas ; 6 b
Je lèverai les yeux vers le ciel implacable 6+6 c
Qui de désirs d’amour et de beauté m’accable, 6+6 c
Ne les exauçant pas ; 6 b
55 Puis, sûr de ne cter à personne une larme, 6+6 a
Si, dans ma lâcheté, je n’ai pas peur d’une arme, 6+6 a
Je m’ouvrirai le cœur ; 6 b
Et, quand je serai mort, la nuit, toujours plus douce, 6+6 c
Versera sur les fleurs, versera sur la mousse 6+6 c
60 Son silence vainqueur. 6 b
mètre profils métriques : 6, 6+6
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