Métrique en Ligne
REG_1/REG71
Henri de RÉGNIER
La Cité des eaux
1902
INSCRIPTIONS LUES AU SOIR TOMBANT
LE JARDIN
Tu m'as vu bien souvent, de ton verger voisin 6+6 a
Où le pampre vineux annonce le raisin, 6+6 a
Bien souvent, tu m'as vu, par-dessus cette haie 6+6 b
Que l'épine hérisse et que rougit la baie, 6+6 b
5 Tout un jour, de l'aurore au soir, en mon enclos 6+6 a
Il est humble, petit, mélancolique et clos ; 6+6 a
Sa porte à claire-voie ouvre sur la grand'route ; 6+6 b
Une fontaine au fond s'épuise goutte à goutte 6+6 b
Et ne remplit jamais qu'à demi le bassin ; 6+6 a
10 La ruche, dans un coin, bourdonne d'un essaim 6+6 a
Qui rentre sous son toit dès que les fleurs sont closes. 6+6 b
Tout est calme. Un rosier balance quelques roses 6+6 b
Qui s'empourprent dans l'ombre auprès d'un vieux laurier. 6+6 a
Il fait beau. Sur la route, avec son chevrier, 6+6 a
15 Le troupeau qui piétine en la poussière chaude ; 6+6 b
Son bâton à la main, un mendiant qui rôde ; 6+6 b
Une femme qui rit et que l'on ne voit pas ; 6+6 a
Quelqu'un qui passe : rien, ni la voix, ni les pas 6+6 a
Ne te semblent pouvoir de lui-même distraire 6+6 b
20 Cet hôte, aux yeux baissés, du jardin solitaire. 6+6 b
Ai-je l'air de vouloir être ailleurs qu'où je suis ? 6+6 a
Le jour s'en va, rayon à rayon, bruit à bruit ; 6+6 a
Et la ruche incertaine et la rose indistincte 6+6 b
Sont l'une d'or pâli, l'autre de pourpre éteinte ; 6+6 b
25 Le crépuscule est à genoux devant le soir ; 6−6 a
Le laurier lentement se bronze et devient noir, 6+6 a
Et je reste debout dans l'ombre, et c'est à peine 6+6 b
Si l'on entend tout bas un peu plus la fontaine, 6+6 b
Et j'écoute à mon cœur en larmes dans mes yeux 6+6 a
30 L'éloquente rumeur de mon sang furieux. 6+6 a
mètre profil métrique : 6−6
forme globale type : suite de distiques
schéma : 15((aa))
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