Métrique en Ligne
QUI_1/QUI56
Pierre QUILLARD
La lyre héroïque et dolente
1897
LA GLOIRE DU VERBE
LA VANITÉ DU VERBE
I
Le Runoïa, le prince altier du Verbe d'or, 6+6 a
Est las de la nature et des formes antiques 6+6 b
Où l'ébauche du monde est imparfaite encor ; 6+6 a
Les bois noirs et leur chant de harpes prophétiques 6+6 b
5 Et les monts violets endormis sous le ciel, 6+6 c
Et les brumes d'argent sur les vagues baltiques, 6+6 b
Et les brises de fleurs et les parfums de miel, 6+6 c
Et tous les souvenirs alourdis de mystère 6+6 a
Gonflent son cœur amer de mépris et de fiel. 6+6 c
10 En son être, écrasé par l'ennui solitaire 6+6 a
Croît, avec le dégoût de sa virginité, 6+6 b
Le désir d'évoquer une nouvelle terre, 6+6 a
Un monde jeune, un paradis illimité, 4+4+4 b
Revêtu d'aubépine immortelle et d'yeuses 6+6 c
15 Sous les glaces d'hiver et les soleils d'été, 6+6 b
Où des créations de femmes radieuses 6+6 c
Se mêleraient d'amour à de mâles héros 6+6 a
En des lits de gazon semés de scabieuses. 6+6 c
Le Maître déploya l'art magique des Mots : 6+6 a
20 Un subit univers naissait de ses paroles 6+6 b
Comme la perle naît du bruit rhythmé des flots. 6+6 a
Une profusion sanglante de corolles 6+6 b
S'éveillait et germait du rêve des Avrils 6+6 c
Et l'azur flamboyait de fauves auréoles, 6+6 b
25 Tandis que les forêts et les guerriers virils, 6+6 c
Les femmes pâles et les belles chevelures 6+6 a
Jaillissaient de l'abîme au gré des chants subtils. 6+6 c
Alors, imaginant les caresses futures, 6+6 a
Le sublime ouvrier du Verbe éperdument 6+6 b
30 Songeait un songe blanc pétri de neiges pures. 6+6 a
Il disait son extase et son ravissement, 6+6 b
Et s'enivrait de la liqueur de la Pensée 6−6 c
Et sa voix enfantait l'ineffable Tourment ; 6+6 b
Elle faisait surgir au jour la fiancée 6+6 c
35 Surhumaine, et la Femme idéale venait 6+6 a
Divinement resplendissante et cadencée. 4+4+4 c
Elle marchait sur la bruyère et le genêt 6−6 a
Et des astres vivaient au fond de sa prunelle ; 6+6 b
Un silence d'hymen et de baisers planait. 6+6 a
40 Le Runoïa, joyeux de l'œuvre faite, en elle 6+6 b
Se plongeait comme dans un océan de lys 6−6 c
Et tombait ébloui de la Forme éternelle 6+6 b
Dans le gouffre effrayant des rêves accomplis. 6+6 c
mètre profil métrique : 6=6
forme globale type : terza rima classique
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