Métrique en Ligne
QUI_1/QUI45
Pierre QUILLARD
La lyre héroïque et dolente
1897
LA GLOIRE DU VERBE
MAYA
L'ÂME SEULE
A A.-Ferdinand Herold.
La bienfaisante nuit couvre la ville immense 6+6 a
D'où montaient vers le ciel des sanglots et des chants 6+6 b
Et la grande cité semble un lac de silence 6+6 a
Frôlé par la rumeur pacifique des champs. 6+6 b
5 Mer des vivants, mer furieuse qui te rues 4+4+4 a
Emportant dans tes plis les deuils et les baisers, 6+6 b
Tu roules tout le jour sur le pavé des rues, 6+6 a
Mais le soir calme endort tes râles apaisés ; 6+6 b
Et les rêveurs amis des nécropoles saintes, 6+6 a
10 Délivrés de la joie, affranchis du remords, 6+6 b
Errent par les soirs clairs et fleuris d'hyacinthes 6+6 a
Comme des immortels dans la maison des morts. 6+6 b
Hommes, laissez passer dans la nuit solitaire 6+6 a
Ceux qui foulent toujours des chemins non frayés : 6+6 b
15 Les exilés divins ont repeuplé la terre 6+6 a
Et je me sens plus seul quand vous vous réveillez. 6+6 b
Quels démons ont pétri de leur mains ironiques 6+6 a
Vos faces de mensonge et de stupidité, 6+6 b
Je ne sais, mais le mal suinte de vos tuniques 6+6 a
20 Et votre rire impur attente à la beauté. 6+6 b
Le matin revenu, soyez tels que vous êtes. 6+6 a
Moi cuirassé d'orgueil et de mépris serein 6+6 b
Entre mon cœur farouche et vos clameurs de bêtes 6+6 a
Je laisserai tomber une herse d'airain. 6+6 b
25 Je m'en irai là-bas vers la forêt clémente : 6+6 a
Les arbres fraternels m'appellent doucement ; 6+6 b
L'herbe bruit, l'eau des fontaines se lamente 6−6 a
Et rit comme une nymphe avec son jeune amant. 6+6 b
La forêt a gardé pour mon oreille seule 6+6 a
30 Les chants anciens et les fleurs nobles d'autrefois 6−6 b
Parfument à jamais sa mémoire d'aïeule 6+6 a
Et tous les rhythmes morts revivent dans sa voix. 6+6 b
Les chênes musculeux portent de verts portiques, 6+6 a
Où pareils à des rois mes rêves passeront 6+6 b
35 Et près des dieux nouveaux, fils des taillis antiques, 6+6 a
Je plierai les genoux et courberai le front. 6+6 b
Mais retrouveras-tu la jeunesse première, 6+6 a
O parleur orgueilleux, ivre d'un vin mauvais ? 6+6 b
Et si dans la splendeur de la pure lumière 6+6 a
40 Ton rêve était moins beau que tu ne le rêvais ? 6+6 b
Ainsi qu'un porteur las délivre ses épaules 6+6 a
Tu voudrais rejeter les souvenirs humains 6+6 b
Et suivre le ruisseau qui court entre les saules 6+6 a
Et marcher tout le jour au hasard des chemins. 6+6 b
45 Va ! tu n'entendrais plus les voix surnaturelles 6+6 a
Qui t'invitent la nuit, vers les magiques bois ; 6+6 b
Dans les halliers saignant de mûres et d'airelles 6+6 a
Tu serais poursuivi par les mauvaises voix. 6+6 b
Reste jusqu'à la mort baigné de crépuscule 6+6 a
50 Avec l'âpre regret des astres radieux : 6+6 b
Tu n'es pas assez grand pour le manteau d'Hercule 6+6 a
Et pour te revêtir de la pourpre des dieux. 6+6 b
mètre profil métrique : 6=6
forme globale type : suite périodique
schéma : 13(abab)
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