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QUI_1/QUI24
Pierre QUILLARD
La lyre héroïque et dolente
1897
LA GLOIRE DU VERBE
LES MYTHES
L'AVENTURIER
A Charles Andler.
Là-haut, temple ou palais dressé sur la colline, 6+6 a
Un amoncellement de blocs prodigieux 6+6 b
Monte : des chiens de bronze aux yeux de cornaline 6+6 a
Hurlent aux quatre vents, la gueule vers les cieux. 6+6 b
5 Les murs massifs, coupes de portes métalliques, 4+4+4 a
Sont écaillés de cuivre et peints de vermillon ; 6+6 b
Au faîte, le soleil frappe de feux obliques 6+6 a
Un étendard taillé dans la peau d'un lion. 6+6 b
Pacifiques, devant la demeure farouche, 6+6 a
10 Des rosiers rouges et des lys parent le bois 6+6 b
Où passe, inoffensive aux roses qu'elle touche, 6+6 a
L'enfant belle à dompter les héros et les rois. 6+6 b
Le calme lumineux du jour mourant caresse 6+6 a
L'enfant grave : elle glisse entre les nobles fleurs 6+6 b
15 Avec des gestes lents d'idole ou de prêtresse 6+6 a
Qui n'a jamais connu le rire ni les pleurs. 6+6 b
Elle va, contemplant de ses larges prunelles 6+6 a
Les vagues de forêts qui ferment l'horizon 6+6 b
Et le val où le soir vêt d'ombres solennelles 6+6 a
20 Le maître hérissé d'une horrible toison. 6+6 b
C'est son père, tueur de bœufs, ployeur de chênes ; 6+6 a
Embusqué tel qu'un fauve aux aguets, il attend 6+6 b
Les voyageurs qui vont vers les cités prochaines 6+6 a
Et fait craquer leurs os en ses doigts de Titan. 6+6 b
25 Puis il revient, tranquille, après chaque tuerie, 6+6 a
Courbé sous le butin comme un roi triomphant, 6+6 b
Et tandis que les morts saignent dans la prairie 6+6 a
Suspend de lourds colliers au cou de son enfant. 6+6 b
Maintenant une nuit de lune, froide et claire, 6+6 a
30 Découpe le profil des monts sur les chemins ; 6+6 b
Le meurtrier fatal, sans haine et sans colère, 6+6 a
Écoute s'approcher un bruit de pas humains. 6+6 b
Et voici qu'au détour de la route moussue 6+6 a
Apparaît, radieux sous l'armure qui luit, 6+6 b
35 Un guerrier casqué d'or qui porte une massue 6+6 a
Et dont le manteau rouge illumine la nuit. 6+6 b
Le Tueur, allon dans la broussaille, épie 6+6 a
Le Héros dédaigneux en marche vers la mort ; 6+6 b
Mais celui-ci, clamant vers la muraille impie, 6+6 a
40 Réveille les échos de la forêt qui dort : 6+6 b
«Je suis venu ; hors du repaire, ô vainqueur d'hommes ! 6−6 a
Si tu fuis devant moi je dirai que tu mens ; 6+6 b
Mais tu mériteras le nom dont tu te nommes 6+6 a
Si tu peux m'étouffer dans tes embrassements.» 6+6 b
45 —«Soit ! ta bouche saura la saveur de la terre 6+6 a
Et l'antique lutteur se dresse avec ennui 6+6 b
Pour écraser d'un coup de poing et faire taire 6+6 a
L'éphèbe injurieux qui parla devant lui. 6+6 b
Ils se prennent, poitrine unie et chair mêe, 6+6 a
50 Groupe tumultueux de râles et de cris : 6+6 b
L'enfant calme regarde, au fond de la vallée, 6+6 a
Le meurtre habituel du haut des monts fleuris. 6+6 b
Elle voit seulement se mouvoir dans la plaine 6+6 a
L'ombre du double corps et des torses jumeaux 6+6 b
55 Et sûre du vainqueur, s'enivre avec l'haleine 6+6 a
Des parfums langoureux épars sous les rameaux. 6+6 b
Mais tout à coup, après une clameur sauvage, 6+6 a
Ses impassibles yeux se ferment de terreur : 6+6 b
Comme un bœuf abattu dans le natal herbage, 6+6 a
60 L'invincible est couché sous le jeune lutteur. 6+6 b
Et le guerrier sanglant, par les pentes ardues, 6+6 a
Monte vers le jardin : «Vous serez apaisés, 6+6 b
O morts, je vengerai vos âmes éperdues 6+6 a
Et la victime est belle et vierge de baisers. 6+6 b
65 O morts, je vais tuer dans la Fille maudite 6+6 a
Les exécrables fils qui ntraient de ses flancs.» 6+6 b
Il dit et vient, hagard du meurtre qu'il médite 6+6 a
Et l'Enfant parle aux fleurs et tend ses bras tremblants : 6+6 b
«L'Homme vous briserait avec ses mains brutales, 6+6 a
70 Roses que je laissais fleurir et défleurir ; 6+6 b
Un arome puissant monte de vos pétales, 6+6 a
Vos parfums sont trop doux pour que j'aime à mourir. 6+6 b
Ma chair frissonne ; sauvez-moi, fleurs protectrices. 4+4+4 a
O lys, lys glorieux que je n'ai pas cueillis, 6+6 b
75 Je voudrais me cacher dans vos étroits calices 6+6 a
Et refermer sur nous le voile des taillis. 6+6 b
Au moins, versez en moi vos senteurs : que j'emporte 6+6 a
Dans le morne pays vos baumes précieux, 6+6 b
O fleurs qui rentrez lorsque je serai morte, 6+6 a
80 Fleurs, éternelles fleurs, fleurs égales aux dieux !» 6+6 b
Elle murmure encor des mots et des prières 6+6 a
Mais le vainqueur, surgi des âpres escaliers, 6+6 b
Traîne par les cheveux l'Enfant dans les clairières 6+6 a
Et fait boire son sang aux roses des halliers. 6+6 b
85 «J'ai tué le Brigand et la Magicienne, 6+6 a
L'œuvre est bonne : luisez sur ma route, astres purs !» 6+6 b
Et l'Éphèbe dra dans la pourpre ancienne, 6+6 a
Se hâte dans la nuit vers les monstres futurs. 6+6 b
mètre profil métrique : 6=6
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