Métrique en Ligne
QUI_1/QUI11
Pierre QUILLARD
La lyre héroïque et dolente
1897
DE SABLE ET D'OR
LES VAINES IMAGES
HYMNIS
Pour Bernard Lazare.
I
Face d'ombre, je viens à toi ; la nuit m'emporte. 6+6 a
Poussière évanouie aux plis blancs d'un linceul, 6+6 b
Pâle vierge oubliée et que j'honore seul 6+6 b
D'une fleur morte hélas ! moins que ta grâce morte, 6+6 a
5 Je viens à toi qui dors au fond des siècles lourds 6+6 a
Et dont le pur tombeau fait les lèvres fidèles : 6+6 b
Je n'ai pas entendu les mots qui naissaient d'elles 6+6 b
Ni goûté la douceur de tes tristes amours : 6+6 a
Mais je pleure ton corps et son charme équivoque 6+6 a
10 Et les baisers trop lents qui l'auraient effleuré, 6+6 b
Chair de jadis, désir dont je me suis leurré 6+6 b
Parce qu'un même appel de buccins nous évoque 6+6 a
Vers les mêmes cyprès noirs et silencieux 6+6 a
Vain appel, ombre vaine et menteuses fanfares : 6+6 b
15 Jamais je ne clorai de mes lèvres avares 6+6 b
Tes yeux désenchantés qui connurent les dieux. 6+6 a
Sommeille loin de moi près de la mer antique 6+6 a
Sous un ciel insulté par de confuses voix 6+6 b
Où la vague qui chante encor comme autrefois 6+6 b
20 Entrechoque les mâts du port aromatique : 6+6 a
Toujours l'âpre soleil et la foule et l'embrun, 6+6 a
Loin de moi, troubleront ta poussière ignorée 6+6 b
Et l'inutile fleur que je t'ai consacrée 6+6 b
Ne réjouira pas ta cendre d'un parfum. 6+6 a
II
25 Viens respirer l'odeur des vignes et des fruits. 6+6 a
Ce soir te sera doux comme tes longues nuits, 6+6 a
Hymnis, enfant qui dors depuis deux mille années, 6+6 b
Et par le souffle lent des sentes où je fuis 6+6 a
Les roses du tombeau ne seront point fanées. 6+6 b
30 Je te dédie, enfant, la mourante forêt. 6+6 a
Elle se pare encor malgré son mal secret : 6+6 a
Tu te reconnaîtras à sa noble agonie, 6+6 b
Vierge dont le front pâle et fiévreux se paraît 6+6 a
D'or royal attristé par la blême ancolie. 6+6 b
35 L'automne funéraire embaume les halliers. 6+6 a
Hymnis ! Hymnis ! Hymnis ! tes cheveux déliés 6+6 a
Libres du bandeau strict où tu les emprisonnes 6+6 b
Ont frôlé des santals et des girofliers 6+6 a
Et se sont enivrés de cruelles automnes. 6+6 b
40 De plus calmes parfums, ce soir, te charmeront. 6+6 a
Pour que ton corps sacré retourne sans affront 6+6 a
De la forêt qui meurt aux ténèbres divines 6+6 b
Je veux entrelacer à l'entour de ton front 6+6 a
Le thyrse noir du lierre aux suprêmes glycines. 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
forme globale type : suite de strophes
schéma : 6[abba] 4[aabab]
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