Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
PRU_2/PRU87
René-François SULLY PRUDHOMME
Les Solitudes
1867
LES VIEILLES MAISONS
Je n'aime pas les maisons neuves : 8 a
Leur visage est indifférent ; 8 b
Les anciennes ont l'air de veuves 8 a
Qui se souviennent en pleurant. 8 b
5 Les lézardes de leur vieux plâtre 8 a
Semblent les rides d'un vieillard ; 8 b
Leurs vitres au reflet verdâtre 8 a
Ont comme un triste et bon regard ! 8 b
Leurs portes sont hospitalières, 8 a
10 Car ces barrières ont vieilli ; 8 b
Leurs murailles sont familières 8 a
À force d'avoir accueilli. 8 b
Les clés s'y rouillent aux serrures, 8 a
Car les cœurs n'ont plus de secrets ; 8 b
15 Le temps y ternit les dorures, 8 a
Mais fait ressembler les portraits. 8 b
Des voix chères dorment en elles, 8 a
Et dans les rideaux des grands lits 8 b
Un souffle d'âmes paternelles 8 a
20 Remue encor les anciens plis. 8 b
J'aime les âtres noirs de suie, 8 a
D'où l'on entend bruire en l'air 8 b
Les hirondelles ou la pluie 8 a
Avec le printemps ou l'hiver ; 8 b
25 Les escaliers que le pied monte 8 a
Par des degrés larges et bas 8 b
Dont il connaît si bien le compte, 8 a
Les ayant creusés de ses pas ; 8 b
Le toit dont fléchissent les pentes ; 8 a
30 Le grenier aux ais vermoulus, 8 b
Qui fait rêver sous ses charpentes 8 a
À des forêts qui ne sont plus. 8 b
J'aime surtout, dans la grand'salle 8 a
Où la famille a son foyer, 8 b
35 La poutre unique, transversale, 8 a
Portant le logis tout entier ; 8 b
Immobile et laborieuse, 8 a
Elle soutient comme autrefois 8 b
La race inquiète et rieuse 8 a
40 Qui se fie encore à son bois. 8 b
Elle ne rompt pas sous la charge, 8 a
Bien que déjà ses flancs ouverts 8 b
Sentent leur blessure plus large 8 a
Et soient tout criblés par les vers ; 8 b
45 Par une force qu'on ignore 8 a
Rassemblant ses derniers morceaux, 8 b
Le chêne au grand cœur tient encore 8 a
Sous la cadence des berceaux. 8 b
Mais les enfants croissent en âge, 8 a
50 Déjà la poutre plie un peu ; 8 b
Elle cédera davantage ; 8 a
Les ingrats la mettront au feu… 8 b
Et, quand ils l'auront consumée, 8 a
Le souvenir de son bienfait 8 b
55 S'envolera dans sa fumée. 8 a
Elle aura péri tout à fait, 8 b
Dans ses restes de toutes sortes 8 a
Éparses sous mille autres noms ; 8 b
Bien morte, car les choses mortes 8 a
60 Ne laissent pas de rejetons. 8 b
Comme les servantes usées 8 a
S'éteignent dans l'isolement, 8 b
Les choses tombent méprisées, 8 a
Et finissent entièrement. 8 b
65 C'est pourquoi, lorsqu'on livre aux flammes 8 a
Les débris des vieilles maisons, 8 b
Le rêveur sent brûler des âmes 8 a
Dans les bleus éclairs des tisons. 8 b
mètre profil métrique : 8
logo du CRISCO logo de l'université