Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
PRU_1/PRU22
René-François SULLY PRUDHOMME
Les Vaines Tendresses
1875
LA BEAUTÉ
Splendeur excessive, implacable, 8 a
Ô Beauté, que tu me fais mal ! 8 b
Ton essence incommunicable, 8 a
Au lieu de m'assouvir, m'accable : 8 a
5 On n'absorbe pas l'idéal. 8 b
L'Éternel féminin m'attire, 8 a
Mais je ne sais comment l'aimer. 8 b
Beauté, te voir n'est qu'un martyre, 8 a
Te désirer n'est qu'un délire, 8 a
10 Tu n'offres que pour affamer ! 8 b
Je porte envie au statuaire 8 a
Qui t'admire sans âcre amour, 8 b
Comme sur le lit mortuaire 8 a
Un corps de vierge, où le suaire 8 a
15 Sanctifie un parfait contour. 8 b
Il voit, comme de blanches ailes 8 a
S'abattant sur un colombier, 8 b
Les formes des vivants modèles, 8 a
À l'appel du ciseau fidèles, 8 a
20 Couvrir le marbre familier ; 8 b
Il les choisit, il les assemble, 8 a
Tel qu'un lutteur, toujours debout, 8 b
Et quand l'ébauche te ressemble, 8 a
D'aucun désir sa main ne tremble, 8 a
25 Car il est ton prêtre avant tout. 8 b
Calme, la prunelle épurée 8 a
Au soleil austère de l'art, 8 b
Dans la pierre transfigurée 8 a
Il juge l'œuvre et sa durée, 8 a
30 D'un incorruptible regard ; 8 b
Mais, quand malgré soi l'on regarde 8 a
Une femme en ce spectre blanc, 8 b
À lui parler l'on se hasarde, 8 a
Et bientôt, sans y prendre garde, 8 a
35 Dans la pierre on coule du sang ! 8 b
On appuie, en rêve, sur elle 8 a
Les lèvres pour les apaiser, 8 b
Mais, amante surnaturelle, 8 a
Tu dédaignes cet amant frêle, 8 a
40 Tu ne lui rends pas son baiser. 8 b
Et vainement, pour fuir ta face, 8 a
On veut faire en ses yeux la nuit : 8 b
Les yeux t'aiment et, quoi qu'on fasse, 8 a
Nulle obscurité n'en efface 8 a
45 L'éblouissement qui les suit. 8 b
En vain le cœur frustré s'attache 8 a
À des visages plus cléments : 8 b
Comme une lumineuse tache, 8 a
Ta vive image les lui cache, 8 a
50 Dressée entre les deux amants. 8 b
Tu règnes sur qui t'a comprise, 8 a
Seule et hors de comparaison ; 8 b
Pour l'âme de ton joug éprise 8 a
Tout autre amour n'est que méprise 8 a
55 Qui dégénère en trahison. 8 b
Celles qu'on aime, on les désole, 8 a
Car, mentant même à leurs genoux, 8 b
Sans le vouloir on les immole 8 a
À toi, la souveraine idole 8 a
60 Invisible à leurs yeux jaloux. 8 b
Seul il sent, l'homme qui te crée, 8 a
Tes maléfices s'amortir ; 8 b
Sa compagne au foyer t'agrée 8 a
Comme une étrangère sacrée 8 a
65 Qui ne l'en fera point sortir ; 8 b
L'artiste impose pour hôtesse, 8 a
Dans son cœur comme dans ses yeux, 8 b
L'humble mortelle à la déesse, 8 a
Vouant à l'une sa tendresse, 8 a
70 À l'autre un culte glorieux ! 8 b
Jamais ton éclat ne l'embrase : 8 a
T'enveloppant, pour te saisir, 8 b
D'une rigide et froide gaze, 8 a
Il n'a de l'amour que l'extase, 8 a
75 Amoureux sauvé du désir ! 8 b
mètre profil métrique : 8
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