Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
PRU_1/PRU14
René-François SULLY PRUDHOMME
Les Vaines Tendresses
1875
UN RENDEZ-VOUS
Dans ce nid furtif nous sommes, 8 a
Ô ma chère âme, seuls tous deux, 8 b
Qu'il est bon d'oublier les hommes, 8 a
 Si près d'eux. 3 b
5 Pour ralentir l'heure fuyante, 8 a
Pour la gter, il ne faut pas 8 b
Une félicité bruyante, 8 a
 Parlons bas ; 3 b
Craignons de la hâter d'un geste, 8 a
10 D'un mot, d'un souffle seulement, 8 b
D'en perdre, tant elle est céleste, 8 a
 Un moment. 3 b
Afin de la sentir bien nôtre, 8 a
Afin de la bien ménager, 8 b
15 Serrons-nous tout près l'un de l'autre 8 a
 Sans bouger ; 3 b
Sans même lever la paupière : 8 a
Imitons le chaste repos 8 b
De ces vieux châtelains de pierre 8 a
20  Aux yeux clos, 3 b
Dont les corps sur les mausolées, 8 a
Immobiles et tout vêtus, 8 b
Loin de leurs âmes envolées 8 a
 Se sont tus ; 3 b
25 Dans une alliance plus haute 8 a
Que les terrestres unions, 8 b
Gravement comme eux, côte à côte, 8 a
 Sommeillons. 3 b
Car nous n'en sommes plus aux fièvres 8 a
30 D'un jeune amour qui peut finir ; 8 b
Nos cœurs n'ont plus besoin des lèvres 8 a
 Pour s'unir, 3 b
Ni des paroles solennelles 8 a
Pour changer leur culte en devoir, 8 b
35 Ni du mirage des prunelles 8 a
 Pour se voir. 3 b
Ne me fais plus jurer que j'aime, 8 a
Ne me fais plus dire comment ; 8 b
Gtons la félicité même 8 a
40  Sans serment. 3 b
Savourons, dans ce que nous disent 8 a
Silencieusement nos pleurs, 8 b
Les tendresses qui divinisent 8 a
 Les douleurs ! 3 b
45 Chère, en cette ineffable trêve 8 a
Le désir enchanté s'endort ; 8 b
On rêve à l'amour comme on rêve 8 a
 À la mort. 3 b
On croit sentir la fin du monde ; 8 a
50 L'univers semble chavirer 8 b
D'une chute douce et profonde, 8 a
 Et sombrer 3 b
L'âme de ses fardeaux s'allège 8 a
Par la fuite immense de tout ; 8 b
55 La mémoire comme une neige 8 a
 Se dissout. 3 b
Toute la vie ardente et triste, 8 a
Semble anéantie alentour, 8 b
Plus rien pour nous, plus rien n'existe 8 a
60  Que l'amour. 3 b
Aimons en paix : il fait nuit noire, 8 a
La lueur blême du flambeau 8 b
Expire… Nous pouvons nous croire 8 a
 Au tombeau. 3 b
65 Laissons-nous dans les mers funèbres, 8 a
Comme après le dernier soupir, 8 b
Abîmer, et par leurs ténèbres 8 a
 Assoupir… 3 b
Nous sommes sous la terre ensemble 8 a
70 Depuis très-longtemps, n'est-ce pas ? 8 b
Écoute en haut le sol qui tremble 8 a
 Sous les pas. 3 b
Regarde au loin comme un vol sombre 8 a
De corbeaux, vers le nord chassé, 8 b
75 Dispartre les nuits sans nombre 8 a
 Du passé, 3 b
Et comme une immense nuée 8 a
De cigognes (mais sans retours !) 8 b
Fuir la blancheur diminuée 8 a
80  Des vieux jours… 3 b
Hors de la sphère ensoleillée 8 a
Dont nous subîmes les rigueurs, 8 b
Quelle étrange et douce veillée 8 a
 Font nos cœurs ? 3 b
85 Je ne sais plus quelle aventure 8 a
Nous a jadis éteint les yeux, 8 b
Depuis quand notre extase dure, 8 a
 En quels cieux. 3 b
Les choses de la vie ancienne 8 a
90 Ont fui ma mémoire à jamais, 8 b
Mais du plus loin qu'il me souvienne 8 a
 Je t'aimais… 3 b
Par quel bienfaiteur fut dressée 8 a
Cette couche ? et par quel hymen 8 b
95 Fut pour toujours ta main laissée 8 a
 Dans ma main ? 3 b
Mais qu'importe ! Ô mon amoureuse, 8 a
Dormons dans nos légers linceuls, 8 b
Pour l'éternité bienheureuse 8 a
100  Enfin seuls ! 3 b
mètre profils métriques : 8, 3
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