Métrique en Ligne
PON_1/PON84
Raoul PONCHON
La muse au cabaret
1920
PROPOS DE TABLE
PLAIDOIRIE DE Me SARCEY
À Pierre Louys.
Le chien de notre oncle Sarcey ayant mordu
un marchand de tonneaux, celui-ci réclama
cinq cents francs d’indemnité.
Ma défense, messieurs les juges, sera brève. 6+6 a
Voici : jeudi dernier, je m’étais mis en grève, 6+6 a
Comme tous les jeudis, — habitude que jai 6+6 a
Je veux dire… j’avais pris ce jour-là congé. 6+6 a
5 Le jeudi, mes amis, je dépose mes manches 6+6 a
De lustrine, et j’en fais autant tous les dimanches. 6+6 a
Cinq jours de bon travail, c’est assez, Dieu merci ! 6+6 a
Par semaine. Et je vais, exempt de tout souci, 6+6 a
Rêver, loin de Paris, à quelques pas d’ici. 6+6 a
10 J’ai là, dans le pays des rosières, Nanterre, 6+6 a
Une en quelque façon sorte de coin de terre, 6+6 a
Un petit patelin… Ça n’est pas le Pérou. 6+6 a
À côté du Marly de Sardou c’est un trou. 6+6 a
Car vous supposez bien, n’est-ce pas ? qu’un critique 6+6 a
15 Ne gagne pas autant qu’un auteur dramatique. 6+6 a
Sur ce bout de terrain, j’ai fait construire un rien 6+6 a
De maison, grande assez pour un végétarien, 6+6 a
Un petit cafourniau, manière de cahute 6+6 a
Que disloque la pluie et que le vent chahute 6+6 a
20 Mais, quand ce ne serait qu’un gourbi de fourmis, 6+6 a
Qu’importe, est-il pas vrai, s’il y vient des amis ! 6+6 a
Du plus modeste toit le sage se contente. 6+6 a
Pour un rien, il irait coucher sous une tente. 6+6 a
Or, dimanche dernier — je veux dire jeudi, 6+6 a
25 J’étais donc à Nanterre, ainsi que je l’ai dit. 6+6 a
Le soir, après dîner, avec ma chère femme, 6+6 a
Je prenais mon café, pur moka, vrai dictame, 6+6 a
Je prenais mon café — dis-je — quand, dans la nuit, 6+6 a
Et, dans ma propre cour, il se fit un grand bruit. 6+6 a
30 On eût dit comme de quelqu’un que l’on étrangle. 6−6 a
J’étais un peu déboutonné, je me ressangle. 4+4+4 a
— Restez-la, restez — fis-je, à Madame Sarcey 6+6 a
Passez-moi le flambeau, je vais voir ce que c’est. 6+6 a
D’abord je ne vis rien qu’un horrible mélange 6+6 a
35 D’os et de chairs meurtris qui traînaient dans la fange, 6+6 a
Et que mon bon chien Trac se disputait tout seul. 6+6 a
Je devins aussitôt pâle comme un linceul, 6+6 a
Car un homme était là gisant — quelque escogriffe ! 6+6 a
Que Trac vous houspillait du croc et de la griffe. 6+6 a
40 J’eus une peine énorme à le faire lâcher ; 6+6 a
Tout de même, il finit par aller se coucher. 6+6 a
Quant à l’autre, je dis : « Qu’est-ce qu’à pareille heure, 6+6 a
Vous pouvez bien venir f…icher dans ma demeure ? » 6+6 a
Voilà qu’il me répond : « Avez-vous des tonneaux 6+6 a
45 À vendre ? » C’était donc un marchand de tonneaux. 6+6 a
Il ajouta qu’ayant trouvé la porte ouverte, 6+6 a
Il l’avait simplement poussée. Hé ! voilà, certe, 6+6 a
Qui ne me suffit pas. Sont-ce là des raisons, 6+6 a
Pour entrer… comme ça… la nuit, dans les maisons ? 6+6 a
50 Est-ce que vraiment, sous prétexte qu’une porte 6−6 a
Est ouverte, on me voit entrer ? Non, elle est forte !… 6+6 a
Et je le retiendrai ce marchand de tonneaux, 6+6 a
Que si je le revois, je lui dirai deux mots. 6+6 a
Et, d’ailleurs, vend-on des tonneaux à pareille heure ? 6−6 a
55 On n’en achète pas non plus, ou que je meure !… 6+6 a
Ensuite, on n’entre pas chez les gens sans frapper, 6+6 a
Voilà tout. Et mon chien a bien pu s’y tromper : 6+6 a
En voyant tout à coup, un étranger paraître, 6+6 a
Il a cru qu’on venait assassiner son maître. 6+6 a
60 (Hé, mon Dieu… ce n’est pas tellement insensé. 6+6 a
Des auteurs très souvent déjà m’ont menacé.) 6+6 a
Alors, que voulez-vous ?… mon Trac est chien de garde. 6+6 a
Par conséquent, garder son maître le regarde 6+6 a
Messieurs, je vous ai dit toute la vérité. 6+6 a
65 Je veux bien accorder cent francs d’indemnité 6+6 a
À cet affreux marchand de tonneaux mais, en somme, 6+6 a
Il exige vraiment une trop forte somme. 6+6 a
Cinq cents francs pour avoir été mordu ! Mais, pour 6+6 a
Moins que ça, je me ferais mordre tout un jour. 8+4 a
70 Cinq cents francs ! c’est beaucoup, d’autant, je vous assure, 6+6 a
Qu’il ne lui reste plus trace d’une blessure. 6+6 a
Cinq cents francs ! Sarpejeu ! Diable ! comme il y va ! 6+6 a
Il reviendrait me voir, je crois, à ce prix-là. 6+6 a
Je ne suis pas assez riche. Cependant, comme, 6+6 a
75 Ainsi que chacun sait, je suis un très brave homme, 6+6 a
Je veux bien lui donner vingt francs. Maintenant, si 6+6 a
Vous voulez vous payer ma tête — la voici. 6+6 a
mètre profil métrique : 6=6
forme globale type : suite de strophes
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