Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
PON_1/PON47
Raoul PONCHON
La muse au cabaret
1920
LA MUSE AU CABARET
LE GIGOT
À Jean Loup Richepin.
Quand le gigot paraît au milieu de la table, 6+6 a
Fleurant l’ail, et couché sur un lit respectable 6+6 a
De joyeux haricots, 6 b
L’on se sent beaucoup mieux, un charme vous pénètre, 6+6 c
5 Tout un chacun voyant son appétit renaître, 6+6 c
Aiguise ses chicots. 6 b
On avait bien mangé mille riens-d’œuvre et autre 6+6 a
Mais… quel sera le rôt ?… songeait le bon apôtre 6+6 a
De convive anxieux. 6 b
10 Bravo ! c’est un gigot ! Une servante brave 6+6 c
Vient d’entrer, dans ses bras portant, robuste et grave, 6+6 c
Ce fardeau précieux. 6 b
Alors, l’amphitryon, le père de famille 6+6 a
Se demande, tandis que son œil le fusille : 6+6 a
15 Sera-t-il cuit à point ? 6 b
Il l’est — n’en doutez pas, et chacun le proclame, 6+6 c
Dès qu’il a vu plonger une invincible lame 6+6 c
Dans son doré pourpoint. 6 b
Son sang de tous côtés ruisselle en filets roses. 6+6 a
20 Sa chair est admirable, et ferait honte aux roses. 6+6 a
Le plus indifférent 6 b
Des convives, muet tout à l’heure et morose, 6+6 c
S’épanouit, du coup, débite mainte prose, 6+6 c
Devient même encombrant. 6 b
25 Il ne faut bien souvent qu’une soupe ratée, 6+6 a
Pour que, dès le début, soit la verve arrêtée 6+6 a
Chez les plus beaux esprits ; 6 b
Le gigot vient, voici que la gaîté s’échappe. 6+6 c
On rit, on cause… l’un demande l’ « œil du pape » 6+6 c
30 Et l’autre, la « souris ». 6 b
L’un voudrait du « saignant », l’autre du « cuit », problème 6+6 a
Qui n’est pas difficile à résoudre. Un troisième 6+6 a
Hésite entre les deux… 6 b
Le propre d’un gigot, cuit selon le principe, 6+6 c
35 Étant de satisfaire au goût de chaque type, 6+6 c
Serait-il hasardeux. 6 b
Quelquefois on cause Art, Science, Politique. 6+6 a
La conversation prend un tour emphatique, 6+6 a
Qui n’est pas sans danger… 6 b
40 Arrive le gigot… adieu les grandes phrases ! 6+6 c
Chacun à son voisin dit : assez… tu me rases ! 6+6 c
Parlons donc de manger. 6 b
***
Vous êtes, ô gigot ! le plat de résistance, 6+6 a
Le morceau de haut goût, la viande d’importance, 6+6 a
45 Sur quoi rien ne prévaut. 6 b
Une côte de bœuf n’est pas pour me déplaire, 6+6 c
Tout de même c’est encor vous que je préfère, 8+4 c
Et je le dis bien haut. 6 b
Votre chair est savante. En la verte prairie, 6+6 a
50 Vous ne deviez brouter que des fleurs, je parie, 6+6 a
Dédaigneux des chiendents ; 6 b
Vous êtes tendres plus qu’une jeune épousée, 6+6 c
Gigots d’agneaux ! argile idéale, et rosée 6+6 c
Qui fondez sous nos dents. 6 b
55 Lorsque vous gambadiez aux profondes vallées, 6+6 a
Sur les montagnes ou dans les plaines salées, 6+6 a
Ignorant les bouchers, 6 b
Vous étiez des « Jésus » que la grâce décore ; 6+6 c
Mais vous êtes bien plus attendrissants encore 6+6 c
60 Sur des « fayots » couchés. 6 b
Aussi, vous mange-t-on par pure gourmandise, 6+6 a
Et machinalement, comme une friandise, 6+6 a
Sans mesure, sans fin, 6 b
Car, ainsi que Fa dit un docteur en Sorbonne : 6+6 c
65 Vit-on jamais gigot faire mal à personne ? 6+6 c
Il se mange sans faim. 6 b
mètre profils métriques : 6, 6=6
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