Métrique en Ligne
PON_1/PON31
Raoul PONCHON
La muse au cabaret
1920
LA MUSE AU CABARET
VIVE L’EAU
Quand il pleut à propos sur la Vigne,
c’est du vin qui tombe.
Je t’ai maudite bien des fois, 8 a
Eau du ciel, en mon ignorance ; 8 b
N’ayant guère de déférence 8 b
Sinon pour le vin que je bois. 8 a
5 Ce soleil qui nous tyrannise, 8 a
Certes, fera du vin coté ; 8 b
Mais plus nombreux il eût été, 8 b
S’il eût plus plu, qu’on se le dise. 8 a
Hélas ! cette eau nous fait défaut 8 a
10 Depuis la saison printanière, 8 b
Et pourtant, de toute manière, 8 b
Il faut de l’eau, si trop n’en faut. 8 a
Sans eau, que deviendrait la Vigne ? 8 a
— Vive la Vigne ! mes amis. — 8 b
15 Rien que d’y penser, j’en blêmis, 8 b
Et du même coup je me signe. 8 a
Sans eau, l’on verrait avant peu 8 a
Ses gracieuses branches tortes, 8 b
Ainsi que des couleuvres mortes 8 b
20 Se vider sous un ciel de feu. 8 a
Sans eau, plus de rouges automnes ! 8 a
Partout en France, c’est la nuit. 8 b
Plus de vendanges ! tout est cuit. 8 b
Plus de vin chantant dans les tonnes ! 8 a
25 Adieu les fastueux coteaux, 8 a
Pourpre et or ainsi que des chapes ! 8 b
Autour des ceps non plus de grappes 8 b
Que sur des manches de couteau. 8 a
Plus de cabarets sous les treilles ! 8 a
30 Et que boiriez-vous, dites-moi, 8 b
Ivrognes de malheur ? Et quoi 8 b
Mettriez-vous dans les bouteilles ? 8 a
Crions donc en chœur : Vive l’eau ! 8 a
L’eau dont le bon Soleil lui-même 8 b
35 Consent à faire son carême, 8 b
Pour nous la rendre en picolo. 8 a
Vive l’eau courante des fleuves ! 8 a
L’eau qui sommeille au fond des puits, 8 b
La rosée intime des nuits, 8 b
40 La pluie animant les fleurs neuves ! 8 a
Vive l’eau des lacs, des ruisseaux ! 8 a
L’eau des fontaines, l’eau des sources, 8 b
Où, la nuit, vont boire les ourses, 8 b
Et, le jour, les petits oiseaux ! 8 a
45 Vive l’eau, là-bas, vers les saules, 8 a
Qui baigne avec amour les lis 8 b
Et les roses de nos Philis. 8 b
C’est même un de ses plus beaux rôles. 8 a
Oui, que l’eau vive à tout jamais ! 8 a
50 Je sais qu’elle se meurt de honte 8 b
D’être l’eau, mais au bout du compte, 8 b
La malheureuse n’en peut mais. 8 a
Il faudrait être plein de vice 8 a
Pour ne la point prendre en pitié. 8 b
55 Moi, qui ne l’aime qu’à moitié, 8 b
Comme elle rend quelque service, 8 a
Je jure sur mon lavabo, 8 a
Devant le Seigneur qui m’écoute, 8 b
D’en boire parfois une goutte, 8 b
60 Quand il pleuvra sur mon tombeau. 8 a
mètre profil métrique : 8
forme globale type : suite périodique
schéma : 15(abba)
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