Métrique en Ligne
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C = clitique
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F = "e" féminin
| = césure
PON_1/PON18
Raoul PONCHON
La muse au cabaret
1920
LA MUSE AU CABARET
UN AMATEUR D’ALCOOL
À Gabriel Mourey.
Vous ne connaissez pas la salle Dupuytren ?… 6+6 a
Je vous en félicite, 6 b
Il faut avoir le cœur bardé d’un triple airain, 6+6 a
Pour lui faire visite. 6 b
5 Des mille objets hideux entassés en ce lieu, 6+6 a
Qu’il faut voir pour y croire, 6 b
Je ne veux retenir qu’une chose, pour le 6+6 a
Besoin de mon histoire : 6 b
Et ce sont des fœtus ignoblement bouffis, 6+6 a
10 Sans nulle forme humaine, 6 b
Mollissant dans l’alcool comme des fruits confits. 6+6 a
Eh bien, ces phénomènes, 6 b
Ces monstruosités que vous, gens délicats, 6+6 a
Trouveriez horrifiques, 6 b
15 Pour ceux du « bâtiment » sont simplement des « cas » 6+6 a
Rares et magnifiques ! 6 b
Or, un jour, le docteur que le Gouvernement 6+6 a
Prépose à ce musée, 6 b
Gomme il s’y promenait pour passer un moment, 6+6 a
20 Crut sa vue abusée, 6 b
Constatant ses fœtus à sec dans leurs bocaux… 6+6 a
Indicibles merveilles, 6 b
Acquises à quel prix d’efforts chirurgicaux ! 6+6 a
« Tu dors, ou si tu veilles ?… » 6 b
25 Se dit-il. — « Tant d’alcool que l’on m’a dérobé ! 6+6 a
Car je ne puis pas croire 6 b
Que jamais mes fœtus aient le tout absorbé. 6+6 a
Quelqu’un doit me le boire… » 6 b
En effet. Quelque temps après, le gardien 6+6 a
30 De salle, un vrai colosse, 6 b
Raconta qu’il buvait son verre quotidien 6+6 a
De cet alcool atroce. 6 b
Et le plus curieux, c’est que cet animal, 6+6 a
Loin de tomber en cendre, 6 b
35 Bien mieux, n’avait pas l’air de s’en porter plus mal. 6+6 a
C’était de quoi surprendre. 6 b
« Palsambleu ! songea le savant — ce gaillard-là 6−6 a
Doit avoir les entrailles 6 b
En furieux état. Il faudra voir cela, 6+6 a
40 Après ses funérailles. » 6 b
Il le fit venir et lui dit : « Vieux dégtant ! 6+6 a
Va, je connais ton vice. 6 b
Vends-moi ton corps (pour quand tu seras mort, s’entend) 6+6 a
Service pour service. » 6 b
45 Vous devez bien penser que notre saligaud 6+6 a
Accepta tout de suite. 6 b
Ayant de l’or, il but à tire-larigot 6+6 a
Un jus moins insolite. 6 b
Il se fut vite « bu ». Dame ! c’était fatal. 6+6 a
50 Mettez-vous à sa place… 6 b
Ce qui fait qu’il revint à son alcool fœtal, 6+6 a
Dont le nom seul nous glace. 6 b
Au surplus, le patron ses bocaux emplissait, 6+6 a
Au fur et à mesure 6 b
55 Que l’autre les vidait. Parfois il s’accusait 6+6 a
De sa manœuvre obscure : 6 b
« Mon Dieu — se disait-il — ce malheureux « Coupeau » 6+6 a
À coup sûr il me navre, 6 b
Mais, n’est-il pas heureux ? Et puis, combien plus beau 6+6 a
60 En sera son cadavre ! » 6 b
Hélas ! Dans son ardeur scientifique, il n’avait 6+6 a
Pas songé que peut-être 6 b
Il pouvait bien aussi dans le « champ de navets » 6+6 a
Avant lui disparaître. 6 b
65 C’est justement ce qu’il advint. Quant au gardien 6+6 a
Il bénit sa mémoire, 6 b
Et vécut fort longtemps, avec son air de rien, 6+6 a
Et sans cesser de boire. 6 b
C’est la Vie ! Et comme en définitive, son 6+6 a
70 Corps lui restait pour compte, 6 b
Et qu’il en connaissait la valeur, mon cochon 6+6 a
Alla de sorte prompte, 6 b
Chez un autre docteur, au courant de son cas, 6+6 a
Afin de le revendre. 6 b
75 Il en tira, dit-on, deux ou trois cents ducats. 6+6 a
C’est toujours bon à prendre. 6 b
Puis, de nouveau, laissant ses bocaux au rebut, 6+6 a
D’autant qu’ils étaient vuides, 6 b
Pour la seconde fois, notre ivrogne se « but » … 6+6 a
80 Ou du moins je le cuyde. 6 b
mètre profils métriques : 6, 6−6
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