Métrique en Ligne
POL_1/POL23
Jean POLONIUS
Poésies
1827
LES DEUX ASTRES
L’ÉTOILE
Où vas-tu, comète insensée, 8 a
À travers l’océan des airs ? 8 b
LA COMÈTE
Docile au dieu qui m’a lancée, 8 a
Visiter d’autres univers. 8 b
L’ÉTOILE
5 De cieux en cieux, de monde en monde 8 a
Veux-tu donc t’égarer toujours, 8 b
Sans loi qui règle de ton cours 8 b
La force aveugle et vagabonde ? 8 a
LA COMÈTE
Et que sais-tu, si, comme à toi, 8 a
10 Dieu ne m’a pas tracé de loi ? 8 a
Pour oser dire que ma sphère 8 a
Flotte inconstante, irrégulière 8 a
Au souffle orageux du Hasard, 8 a
Suis-tu mon vol dans l’étendue 8 b
15 De ces espaces dont la vue 8 b
Échappe à ton faible regard ? 8 a
L’ÉTOILE
Ta lueur sombre et menaçante 8 a
Sur leur troue effraye les rois. 8 b
LA COMÈTE
Le pèlerin, du fond des bois, 8 b
20 Bénit ma clarté bienfaisante. 8 a
L’ÉTOILE
Ta chaleur dessèche les grains. 8 a
LA COMÈTE
Et mûrit les fruits et les vins. 8 a
L’ÉTOILE
De ton choc l’atteinte mortelle 8 a
Va troublant les mondes brisés. 8 b
LA COMÈTE
25 Dis plutôt qu’il on renouvelle 8 a
Les éléments stérilisés. 8 b
L’ÉTOILE
Mais quel est le but de ta course ? 8 a
LA COMÈTE
Demande au dieu qui me créa, 8 b
Qu’il te dise d’où vient la source 8 a
30 De l’instinct dont il m’anima. 8 b
Pourquoi ma chaleur, ma vitesse, 8 a
Pourquoi m’aiguillonne et me presse 8 a
Cet irrésistible désir 8 a
De plonger d’extrême en extrême, 8 b
35 D’aller, de système en système, 8 b
Tout voir, tout braver, tout sentir. 8 a
L’ÉTOILE
Plus heureux est mon sort tranquille. 8 a
Le soleil, d'où me vient le jour, 8 b
Autour de lui me voit, docile, 8 a
40 Toujours décrire un même tour. 8 b
Sans vouloir briller par soi-même, 8 a
Des rayons de son diadème 8 a
Mon front réfléchit les splendeurs ; 8 a
Et pour moi son aimable empire 8 b
45 Tous les ans revient reproduire 8 b
Les fruits, la verdure et les fleurs. 8 a
LA COMÈTE
L’esclavage est doux, si l’esclave 8 a
N’en voit pas, n’en sent pas l’horreur ; 8 b
Mais à qui naît libre d’entrave 8 a
50 Suffit-il d’un pareil bonheur ? 8 b
Ce qui pour toi n’est qu’harmonie, 8 a
Pour moi froide monotonie, 8 a
Glacerait ma vie en son cours. 8 a
Roule en paix dans ton humble orbite ; 8 b
55 Vers ses profondeurs sans limite 8 b
L’infini m’appelle, et j’y cours. 8 a
L’ÉTOILE
L’infini ! — créature altière ! 8 a
Ah ! réponds, l’insecte éphémère 8 a
Qui d’un pas avance en un jour, 8 a
60 De ce terme qui fuit sans cesse 8 b
Est-il plus loin, dans sa faiblesse, 8 b
Que l’astre aux bornes de son tour ? 8 a
LA COMÈTE
Que m’importe ! — À travers le vide, 8 a
S’il échappe à mon vol rapide, 8 a
65 Sa poursuite est seule un plaisir. 8 a
Le tumulte est ma destinée ; 8 b
Par ma loi fatale entraînée, 8 b
Pour moi, s’arrêter c’est mourir. 8 a
L’ÉTOILE
Crains plutôt qu’une ardeur extrême, 8 a
70 Dans ton vol te précipitant, 8 b
N’accélère l’instant suprême 8 a
Marque d’en haut pour ton néant. 8 b
Après avoir, dans ta furie, 8 a
Porté le trouble et l’incendie 8 a
75 A quelque monde florissant, 8 a
Crains d’aller, victime imprudente, 8 b
T’engloutir dans la flamme ardente 8 b
D’un autre soleil plus puissant. 8 a
LA COMÈTE
Vaut-il donc mieux, dans l’esclavage 8 a
80 Usant les siècles à vieillir, 8 b
Jour après jour, âge après âge, 8 a
Pâlir, s’éteindre, dépérir. 8 b
Ah ! quand Dieu, de sa main puissante, 8 a
Me jette encor toute brillante 8 a
85 Dans les feux de l’astre du jour, 8 a
J’ai du moins rempli ma carrière ; 8 b
J’ai vécu libre, active et fière, 8 b
J’ai détruit, créé tour à tour. 8 a
mètre profil métrique : 8
forme globale type : suite de strophes
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