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corpus Pamela Puntel
Albert PINARD
VOIX DES SILENCIEUX A LA PATRIE
1871
VOIX DES SILENCIEUX A LA PATRIE
Strophes dites par Mme Marie Laurent au Théâtre de la Porte Saint-Martin
Au citoyen Dorian Ministre de la République. An 1870.
I
Nous n'avons pas été les clairons de tes fêtes 6+6 a
Quand, avant le combat, ton peuple, ivre d'orgueuil, 6+6 b
Chantait ; et quand le poids des immenses défaites, 6+6 a
France, en courbant la tienne, est tombé sur nos têtes, 6+6 a
5 Nous n'avons pas été les chantres de ton deuil. 6+6 b
II
Quelle sourde douleur pour une âme française 6+6 a
Quand on a déclaré la guerre ceux du Rhin, 6+6 b
Et que tant de Français, « le cœur léger, » pleins d'aise, 6+6 a
Sur les grands boulevards criaient la Marseillaise, 6+6 a
10 Et hurlaient en riant « A Berlin ! à Berlin ! » 6+6 b
III
Car nous ne comprenions ni leur joie imprudente, 6+6 a
Ni leur fauve désir de voir le sang couler ; 6+6 b
Et nous restions pensifs et sombres, comme Dante, 6+6 a
Voyant dans l'avenir cette autre, triomphante, 6+6 a
15 Faire sous ses pas lourds ton sol pur s'écrouler ! 6+6 b
IV
Avec l'empereur lâche et ses généraux louches, 6+6 a
Les bataillons trahis et les drapeaux vendus, 6+6 b
Les bons canons béants sans pâture leurs bouches, 6+6 a
Et les soldats sans chefs, sons pain et sans cartouches, 6+6 a
20 Ce jour vint. — [il manque un mot] bruyants se jugèrent perdus. 15 b
V
— Deux Décembre chassé, sa meute était en fuite. 6+6 a
— Lors, pour ne signer pas ta honte, de son nom, 6+6 b
Quand il vit, sous ses murs, Guillaume — avec la suite. 6+6 a
Paris grossit sa voix de la voix du canon, 6+6 b
25 Et son premier obus à la Prusse dit « Non ! » 6+6 b
VI
Non, nous ne voulons pas la paix qui déshonore ; 6+6 a
Non, non, nous avons trop du repos acheté 6+6 b
Au prix du servilisme et de la lâcheté 6+6 b
O vainqueur insolent, regarde cette aurore, 6+6 a
30 Vois, c'est la République avec la Liberté ! 6+6 b
VII
La morte a soulevé la pierre de sa tombe, 6+6 a
Et la morte aujourd'hui revient pour secourir 6+6 b
Ceux qui confusément, sans elle, allaient mourir ! 6+6 b
O Prusse, elle est la foudre ; ô Prusse, elle est la trombe, 6+6 a
35 Et dans leur bain de sang tes aigles vont pourrir ! 6+6 b
VIII
Nous vaincrons. — L'échafaud que ta folie élève 6+6 a
Pour y faire monter les fortes nations, 6+6 b
O roi, s'écroulera comme la tour d'un rêve, 6+6 a
Quand nous ferons bouillir, chez ton peuple, la sève 6+6 a
40 Brûlant le tronc séché des dominations. 6+6 b
IX
l'échafaud. — Ah ! le sort est sans miséricorde ! 6+6 a
Quand le peuple a couvert un roi de son haro, 6+6 b
C'est le linceul de chaux après le sac de corde, 6+6 a
En l'an premier, Capet, place… de la Concorde ; 6+6 a
45 Sois pensif, roi Guillaume ; — hier, Queretaro ! 6+6 b
X
Nous vaincrons, et, vainqueurs : « C'est assez de souffrance, 6+6 a
« Nos frères, c'est assez d'hommes sacrifiés, 6+6 b
« De jougs, d'affronts subis, voici la délivrance, 6+6 a
« Voici la liberté marchant avec la France : 6+6 a
50 « Plus de rois ! Tyrannie et tyrans, à leurs piés ! 6+6 b
XI
Nous vaincrons. — C'est alors, ô grandeurs infléchies, 6+6 a
Qu'on verra, sous les feux de son large flambeau, 6+6 b
Comme une République, en sortant du tombeau, 6+6 b
Petit faire son réveil crouler deux monarchies. 13 a
55 Et plusieurs descendront du trône à l'escabeau. 6+6 b
XII
Nous vaincrons, et tous, tous, parole, enseigne, armées, 6+6 a
Diplomates, drapeaux, canons de bronze épais, 6+6 b
Porteront par le monde avec les Renommées, 6+6 a
O République, ô France, ô vous nos bien-aimées 6+6 a
60 Vos noms, dans le contrat d'une éternelle paix ! 6+6 b
XIII
Ah ! c'est que nous t'aimons, France, avec furie, 6+5 a
Depuis qu'on reconnait en toi le grand lion ; 6+6 b
Et qu'on a sur leur coup, leur trône et leur curie, 6+6 a
Fait passer, tel Hercule en l'antique écurie, 6+6 a
65 Le fleuve Révolution ! 8 b
XIV
C'est, que nous souffrions, more, de voir leur nombre 6+6 a
Conspirer leur richesse et ton abaissement ; 6+6 b
Acharnés, comme aux flancs d'un grand vaisseau qui sombre, 6+6 a
Des tarets, sans répit, creusent leurs trous dans l'ombre, 6+6 a
70 Pour avancer le jour de l'engloutissement. 6+6 b
XV
C'est que l'orgueil du lâche et la gloire du crime 6+6 a
Soulevaient notre cœur pour nous comme pour toi. 6+6 b
Les fiertés se courbaient sous la terreur intime, 6+6 a
L'honneur et l'équité descendaient de leur cime ; 6+6 a
75 Bonaparte étant prince, et le vice étant roi. 6+6 b
XVI
Les peuples nous trouvaient indignes de nos pères, 6+6 a
Chacals fils de lions, et nains fils de Titans. 6+6 b
Sur nos lâches torpeurs nous fermions nos paupières, 6+6 a
O France, et nous avions moins de cœur que tes pierres : 6+6 a
80 Français insoucieux de sortir de tes flancs. 6+6 b
XVII
C'est qu'ils t'aiment surtout, ces fils, de l'amour forte, 6+6 a
Du juge, sans pitié, muet et solennel, 6+6 b
Et qu'ils voudraient plutôt te voir morte, oui, toi, morte, 6+6 a
Que de voir le Prussien, ayant forcé ta porte, 6+6 a
85 Étaler ses carcans sur ton sein maternel. 6+6 b
XVIII
Mais ces fils, à l'horreur de la tombe qu'on creuse 6+6 a
Pour toi, qui t'es refait une virginité, 6+6 b
Reprenant dans leur deuil un courage irrité, 6+6 b
T'aiment bien mieux sanglante et t'aiment douloureuse, 6+6 a
90 Dans ta tristesse grave et ta virilité. 6+6 b
XIX
Quand ils ont mis le doigt dans tes larges blessures, 6+6 a
Sans implorer le ciel et pousser de grands cris, 6+6 b
Mère, ils ont tous juré de venger tes injures, 6+6 a
En faisant de leurs corps saignants comme des mûres 6+6 a
95 Un chemin triomphal tes pieds blancs meurtris. 6+5 b
XX
Ils ont fortifié leur âme dans l'épreuve. 6+6 a
Ils veulent, pour leur mort, qu'en un jour de courroux, 6+6 b
(De leur farouche amour impérissable preuve) 6+6 a
Ton coq républicain, comme un vautour, s'abreuve 6+6 a
100 Du sang et vermeil des Germains au poil roux. 5+6 b
XXI
Eux morts, si des vivants quelqu'un demandait compte 6+6 a
Du silence où restaient ces héros soucieux, 6+6 b
Montrant leurs corps raidis, la face vers les cieux, 6+6 b
Réponds, France, réponds à cet homme-là : « Compte, 6+6 a
105 « Vois comme ils m'ont prouvé leur amour, et fais mieux. » 6+6 b
mètre profils métriques : 6+6, 5=6, (8), (13)
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