Métrique en Ligne
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F = "e" féminin
| = césure
PDE_1/PDE7
corpus Pamela Puntel
Joseph POISLE-DESGRANGES
PENDANT L’ORAGE
POÈMES NATIONAUX ET HISTORIQUES
1871
ÉPÎTRE À BISMARK
AUX MANES DES VICTIMES DE LA GUERRE
ET DU BOMBARDEMENT DE PARIS
Conseiller d’un roi fou, serviteur de Guillaume, 6+6 a
Toi que Mars favorise à son grand jeu de paume, 6+6 a
Bismark, toi qui t’es fait le valet d’un bourreau 6+6 b
Pour mieux tirer la corde où pend l’affreux couteau, 6+6 b
5 Je m’empresse en ce jour de t’offrir une épître ; 6+6 a
Car cet honneur t’est dû, Bismark, à plus d’un titre : 6+6 a
N’es-tu pas l’échanson de Guillaume ? Au festin, 6+6 b
Dans sa coupe tu sais mêler le sang au vin. 6+6 b
N’est-il pas l’écolier, toi le maître d’école ? 6+6 a
10 Professer à la cour fut de tout temps ton rôle, 6+6 a
Et j’aime à t’applaudir dans l’un ou l’autre emploi ; 6+6 b
Car tu grises Guillaume, et le bourreau c’est toi ! 6+6 b
Oui, c’est toi, vil serpent qui sus, par ton astuce, 6+6 a
Sur la France attirer la haine de la Prusse. 6+6 a
15 Tu peux être assuré, sans entrer à Paris, 6+6 b
Qu’on te rend dent pour dent et mépris pour mépris. 6+6 b
Du mépris, c’est trop peu pour l’homme sanguinaire 6+6 a
Qui veut de mon pays faire un vaste ossuaire, 6+6 a
Qui veut anéantir la cité des beaux-arts 6+6 b
20 En lançant des obus par-dessus nos remparts. 6+6 b
Voilà plus de six mois, misérable vampire, 6+6 a
Que le sang coule, hélas ! que ta bouche l’aspire. 6+6 a
Pour te complaire au crime et dormir sans remord, 6+6 b
Tu dus faire en secret un pacte avec la mort : 6+6 b
25 N’est-ce pas toi, Satan, qui transportas Guillaume 6+6 a
Sur un mont élevé, non loin de son royaume ? 6+6 a
Tu lui disais : « Vois-tu ce pays florissant ? 6+6 b
C’est la France !… Elle craint ton bras ferme et puissant. 6+6 b
Tu peux la ravager ; j’y puis lancer la flamme ; 6+6 a
30 A Satan livre-toi ! Livre ton corps, ton âme ! 6+6 a
Laisse pour guerroyer ta femme, ton château, 6+6 b
Et la France est à toi, je t’en fais le cadeau ! 6+6 b
Avec tes fils suis-moi vers les champs de la gloire ; 6+6 a
Qu’ils traversent le Rhin, qu’ils traversent la Loire ! 6+6 a
35 Tout ton peuple est armé, qu’il subisse les lois 6+6 b
De la guerre !… En avant ! les Saxons, les Badois, 6+6 b
Pour former une armée immense, colossale ! 6+6 a
Contemple donc Strasbourg !… Vois-tu sa cathédrale ? 6+6 a
— Strasbourg !… si je l’avais !… il me la faut, morbleu !… 6+6 b
40 — Guillaume, tu l’auras vivant ou bien en feu. 6+6 b
Je puis donner au roi la moitié de la terre ; 6+6 a
Aujourd’hui prends la France !… A demain l’Angleterre !…» 6+6 a
Et Guillaume suivit tous tes conseils, Satan. 6+6 b
Sur un cheval fougueux il partit à l’instant : 6+6 b
45 Son regard était fauve ; il avait la moustache 6+6 a
Épaisse comme un bois qui n’a point vu la hache. 6+6 a
Partout, à son approche, on reculait d’horreur ; 6+6 b
Car il portait partout le sabre et la terreur. 6+6 b
Les vierges à ses pieds tombaient échevelées, 6+6 a
50 Les vieillards chancelants, le mères désolées, 6+6 a
Nous subissaient l’outrage… Et toi, Bismark, et toi, 6+6 b
Joyeux tu laissais prendre un bain de sang au roi… 6+6 b
Un bain ne calme pas la fureur souveraine ; 6+6 a
Il prit des bains de sang en Alsace, en Lorraine, 6+6 a
55 Et plus il s’y plongea, plus le cœur lui brûlait ; 6+6 b
Ce n’était plus un cœur, non, c’était un boulet !… 6+6 b
Et ce boulet de fer, qu’un tison rouge allume, 6+6 a
C’est toi qui l’as forgé, Bismark, sur ton enclume. 6+6 a
Tu le verras faillir ; il touche à son déclin ; 6+6 b
60 Il n’est point de boulet roulant toujours sans fin. 6+6 b
Puisse-t-il rencontrer ta tête sur la route 6+6 a
Et la broyer d’un choc !… Mais pas encore !… Écoute, 6+6 a
Des soldats expirants ont proféré ton nom : 6+6 b
« Bismarck n’aura jamais les honneurs du canon. 6+6 b
65 S’il meurt, lui qui sema les horreurs de la guerre, 6+6 a
Que sa mort soit des plus horribles sur la terre ! 6+6 a
Le sol boit notre sang ; il entend nos clameurs ; 6+6 b
Nos mères ont versé jusqu’à leurs derniers pleurs ; 6+6 b
On a su les réduire, avec la violence, 6+6 a
70 A servir des Prussiens qui brandissent la lance ; 6+6 a
Et pas un seul de nous n’est là pour protéger 6+6 b
Celle qui crie : « A moi !… Mon fils, viens me venger !… » 6+6 b
« Moi, Prussien, on m’a dit : Le maître du royaume 6+6 a
T’ordonne de quitter ton toit couvert de chaume. 6+6 a
75 Il laissa sa famille, il faut en faire autant. 6+6 b
— Mon fils est au berceau. — Dieu veille sur l’enfant ! 6+6 b
— Mais ma femme m’étreint en me couvrant de larmes, 6+6 a
Comment l’abandonner ? — En saisissant tes armes. 6+6 a
Le roi veut des guerriers… Allons ! drôle, partons !… » 6+6 b
80 Et j’ai suivi Guillaume avec ses bataillons… 6+6 b
Je ressentis bientôt ce qu’un soldat endure, 6+6 a
La faim, hélas ! la faim sur une couche dure. 6+6 a
« Cherche ton pain ! m’a dit un vieux sergent rétif : 6+6 b
On n’a rien en dormant ; montre-toi plus actif. 6+6 b
85 Ce n’est pas au soleil qui naquit l’émeraude ; 6+6 a
Elle est au fond du sol. Va donc à la maraude ! 6+6 a
Le pillage est ton droit, le meurtre est un besoin ; 6+6 b
Bismarck a tout permis quand nous serions au loin… » 6+6 b
Le mal qu’on nous conseille, on l’apprend bien sans livre, 6+6 a
90 Je l’ai commis tout seul ; le crime m’a fait vivre. 6+6 a
J’ai même eu du plaisir à voir souffrir autrui, 6+6 b
En riant du fléau qui me frappe aujourd’hui. 6+6 b
Oh ! la guerre ! la guerre ! ignominie atroce ! 6+6 a
Elle fait l’assassin et la bête féroce. 6+6 a
95 La guerre m’enseigna les crimes les plus grands : 6+6 b
J’ai tué les vieillards ; j’ai tué les enfants ; 6+6 b
J’ai pillé les autels et, chose plus infâme, 6+6 a
J’ai !… Devinez le mot pour l’honneur de ma femme… 6+6 a
Enivrés par la poudre, et bravant le trépas, 6+6 b
100 Tous les Prussiens marchaient vers Paris à grands pas. 6+6 b
« Un héros ne meurt point ! disais-je en mon délire ! 6+6 a
Mais un scélérat tombe, on peut le lui prédire. » 6+6 a
Frappé par une balle, on me vit chanceler, 6+6 b
Me roidir sur la neige, et tout bas appeler… 6+6 b
105 Nul n’entendait ma voix… Passait une corneille : 6+6 a
Elle vint… et son bec me déchira l’oreille. 6+6 a
Resté seul, près de moi s’élevaient des tombeaux 6+6 b
Sur le tertre desquels planaient d’affreux corbeaux. 6+6 b
Et je les comparais, tous ces oiseaux voraces, 6+6 a
110 Aux monarques unis pour détruire les races… 6+6 a
Je vis un homme en deuil… un second et puis trois ; 6+6 b
Ils semblaient murmurer contre le jeu des rois. 6+6 b
C’étaient des gens âgés, d’assez forte encolure, 6+6 a
N’ayant pour tout habit qu’une robe de bure1. 6+6 a
115 Ils enterraient les morts avec un saint respect, 6+6 b
Et moi, vil criminel, tremblant à leur aspect, 6+6 b
J’évitais leurs regards… L’un d’eux me dit : « Mon frère, 6+6 a
Au péril nous venons doucement vous soustraire ; 6+6 a
Laissez-moi vous panser… » J’eus un moment d’émoi ; 6+6 b
120 Car j’étais étonné qu’on eut pitié de moi, 6+6 b
De moi qui, l’avant-veille et par un temps de bise, 6+6 a
Avais pris aux blessés tout, jusqu’à leur chemise… 6+6 a
Bismark, je te maudis ! Guillaume, je te hais ! 6+6 b
Vous avez diffa tous deux le cœur français. 6+6 b
125 Il est bon, généreux et rempli de clémence. 6+6 a
On ne fusille point les prisonniers en France. 6+6 a
J’ai vu les brancardiers, ils étaient plus d’un cent, 6+6 b
Ramasser les blessés sous un feu menaçant. 6+6 b
En Prusse, on est cruel ; du mal on est complice. 6+6 a
130 S’il faut prochainement que ma mort s’accomplisse 6+6 a
Au profit de Guillaume et du nouveau Tristan 6+6 b
Qu’on appelle Bismark, je lui dirai : « Satan, 6+6 b
Je veux par les deux pieds que le peuple te pende ! 6+6 a
Si tu pousses des cris, qu’un vautour les entende ! 6+6 a
135 Qu’il te crève chaque œil pour en chasser l’éclair ! 6+6 b
Qu’il t’arrache le foie et s’en repaisse en l’air ! 6+6 b
Qu’il revienne t’ôter les entrailles fumantes ! 6+6 a
Que tout ton corps, Bismark, soit de chairs palpitantes ! 6+6 a
Et pour les consumer, qu’un enfer dévorant 6+6 b
140 S’entr’ouvre avec fureur !… C’est le vœu d’un mourant… » 6+6 b
Les Frères de la doctrine chrétienne dont la conduite et le dévouement ont mérité les plus grands éloges.
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