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PAR_1/PAR68
Évariste de PARNY
Œuvres complètes
tome I
1775-1806
LES FLEURS
Vous trompiez donc un amant empressé. 4+6 a
Et c'est en vain que vous m'aviez laissé 4+6 a
D'un prompt retour l'espérance flatteuse ? 4+6 b
De nouveaux soins vous fixent dans vos bois. 4+6 c
5 De cette absence, hélas ! trop douloureuse, 4+6 b
Vos écrits seuls me consolent parfois : 4+6 c
Je les relis, c'est ma plus douce étude. 4+6 d
N'en doutez point, dès les premiers beaux jours 4+6 e
Porté soudain sur l'aile des Amours, 4+6 e
10 Je paraîtrai dans votre solitude. 4+6 d
Seule et tranquille à l'ombre des berceaux, 4+6 f
Vous me vantez les charmes du repos, 4+6 f
Et les douceurs d'une sage mollesse ; 4+6 h
Vous les goûtez ; aussi votre paresse 4+6 h
15 Du soin des fleurs s'occupe uniquement. 4+6 i
Ce doux travail plairait à votre amant ; 4+6 i
Flore est si belle, et surtout au village ! 4+6 j
Fixez chez vous cette beauté volage. 4+6 j
Mais ses faveurs ne se donnent jamais ; 4+6 k
20 Achetez donc, et payez ses bienfaits. 4+6 k
Des Aquilons connaissez l'influence, 4+6 l
Et de Phœbé méprisez la puissance. 4+6 l
On vit jadis nos timides aïeux 4+6 m
L'interroger d'un regard curieux ; 4+6 m
25 Mais aujourd'hui la sage Expérience 4+6 l
A détrompé le crédule mortel. 4+6 n
Sur nos jardins Phœbé n'a plus d'empire. 4+6 o
De son rival l'empire est plus réel : 4+6 n
C'est par lui seul que tout vit et respire ; 4+6 o
30 El le parterre où vont naître vos fleurs 4+6 p
Doit recevoir ses rayons créateurs. 4+6 p
Du triste hiver Flore craint la présence ; 4+6 l
C'est au printemps que son règne commence. 4+6 l
Voyez-vous naître un jour calme et serein ? 4+6 q
35 Semez alors, et soyez attentive ; 4+6 r
Car du Zéphir le souffle à votre main 4+6 q
Peut dérober la graine fugitive. 4+6 r
De sa bonté l'eau doit vous assurer. 4+6 a
En la noyant, celle qui, trop légère, 4+6 s
40 Dans le cristal ne pourra pénétrer, 4+6 a
Sans y germer, vieillirait sous la terre. 4+6 s
L'ognon préfère un sol épais et gras ; 4+6 t
Un sol léger suffit à la semence ; 4+6 l
Confiez-lui votre douce espérance, 4+6 l
45 Et de vos fleurs les germes délicats. 4+6 t
Mais n'allez point sur la graine étouffée 4+6 u
Accumuler un trop pesant fardeau ; 4+6 v
Et, sans tarder, arrosez-la d'une eau 4+6 v
Par le soleil constamment échauffée. 4+6 u
50 Craignez surtout que l'onde en un moment 4+6 i
N'entraîne au loin la graine submergée. 4+6 u
Pour l'arrêter qu'une paille allongée 4+6 u
D'un nouveau toit la couvre également. 4+6 i
Par ce moyen vous pourrez aisément 4+6 i
55 Tromper l'effort des Aquilons rapides, 4+6 w
Et de l'oiseau les recherches avides. 4+6 w
N'osez jamais d'une indiscrète main 4+6 q
Toucher la fleur, ni profaner le sein 4+6 q
Que chaque aurore humecte de ses larmes : 4+6 x
60 Le doigt ternit la fraîcheur de ses charmes, 4+6 x
Et leur fait perdre un tendre velouté, 4+6 a
Signe chéri dé la virginité. 4+6 a
Au souffle heureux du jeune époux de Flore 4+6 y
Le bouton frais s'empressera d'éclore, 4+6 y
65 Et d'exhaler ses plus douces odeurs : 4+6 p
Zéphyre seul doit caresser les fleurs. 4+6 p
Le tendre amant embellit ce qu'il touche. 4+6 z
Témoin ce jour où le premier baiser 4+6 a
Fut tout-à-coup déposé sur ta bouche. 4+6 z
70 Un feu qu'en vain tu voulais apaiser 4+6 a
Te colora d'une rougeur nouvelle ; 4+6 a
Mes yeux jamais rie te virent si belle. 4+6 a
Mais qu'ai-je dit ? devrais-je à mes leçons 4+6 b
Des voluptés entremêler l'image ? 4+6 j
75 Réservons-la pour de simples chansons, 4+6 b
Et que mon vers désormais soit plus sage. 4+6 j
De chaque fleur connaissez les besoins. 4+6 c
Il est des plants dont la délicatesse 4+6 h
De jour en jour exige plus de soins. 4+6 c
80 Aux vents cruels dérobez leur faiblesse ; 4+6 h
Un froid léger leur donnerait la mort. 4+6 d
Qu'un mur épais les défende du nord ; 4+6 d
Et de terreau qu'une couche dressée 4+6 u
Sous cet abri soit pour eux engraissée. 4+6 u
85 Obtenez-leur les regards bienfaisans 4+6 f
Du dieu chéri qui verse la lumière. 4+6 s
J'aime surtout que ses rayons naissans 4+6 f
Tombent sur eux ; mais par un toit de verre 4+6 s
De ses rayons modérez la chaleur ; 4+6 g
90 Un seul suffit pour dessécher la fleur. 4+6 g
Dans ces prisons retenez son enfance, 4+6 l
Jusqu'au moment de son adolescence. 4+6 l
Quand vous verrez la tige s'élever, 4+6 a
Et se couvrir d'une feuille nouvelle ! 4+6 a
95 Permettez-lui quelquefois de braver 4+6 a
Les Aquilons moins à craindre pour elle. 4+6 a
Mais couvrez-la quand le soleil s'enfuit. 4+6 h
Craignez toujours le souffle de la nuit, 4+6 h
Et les vapeurs de la terre exhalées ; 4+6 i
100 Craignez le froid tout-à-coup reproduit, 4+6 h
Et du prinptemps les tardives gelées. 4+6 i
Malgré ces soins, parfois l'on voit jaunir 4+6 j
Des jeunes fleurs la tige languissante. 4+6 k
Un mal secret sans doute la tourmente ; 4+6 k
105 La mort va suivre, il faut la prévenir. 4+6 j
D'un doigt prudent découvrez la racine ; 4+6 l
De sa langueur recherchez l'origine ; 4+6 l
Et, sans pitié, coupez avec le fer 4+6 m
L'endroit malade ou blessé par le ver. 4+6 m
110 De cette fleur l'enfance passagère 4+6 s
De notre enfance est le vivant tableau. 4+6 v
J'y vois les soins qu'un fils coûte à sa mère, 4+6 s
Et les dangers qui souvent du berceau 4+6 v
Le font passer dans la nuit du tombeau. 4+6 v
115 Mais quelquefois la plus sage culture 4+6 n
Ne peut changer ce qu'a fait la Nature, 4+6 n
Ni triompher d'un vice enraciné. 4+6 a
Ce fils ingrat, en avançant en âge, 4+6 j
Trompe souvent l'espoir qu'il a donné ; 4+6 a
120 Ou, par la mort tout-à-coup moissonné, 4+6 a
Avant le temps il voit le noir rivage. 4+6 j
Souvent aussi l'objet de votre amour, 4+6 o
La tendre fleur se flétrit sans retour. 4+6 o
Parfois les flots versés pendant l'orage 4+6 j
125 Dans vos jardins porteront le ravage, 4+6 j
Et sans pitié l'Aquilon furieux 4+6 m
Renversera leur trésor à vos yeux. 4+6 m
Mais quand d'Iris l'écharpe colorée 4+6 u
S'arrondira sous la voûte des cieux, 4+6 m
130 Quand vous verrez près de Flore éplorée 4+6 u
Le papillon recommencer ses jeux, 4+6 m
Sur leurs besoins interrogez vos plantes, 4+6 p
Et réparez le ravage des eaux. 4+6 f
Avec un fil, sur de légers rameaux, 4+6 f
135 Vous soutiendrez leurs tiges chancelantes. 4+6 p
Ces nouveaux soins, partagés avec vous, 4+6 q
Amuseront mon oisive paresse. 4+6 h
Mais ces travaux, ô ma jeune maîtresse, 4+6 h
Seront mêlés à des travaux plus doux. 4+6 q
140 Vous m'entendez, et rougissez peut-être. 4+6 s
Le jour approche où nos jeux vont renaître. 4+6 s
Hâtez ce jour désiré si long-temps, 4+6 f
Dieu du repos, dieu des plaisirs tranquilles, 4+6 t
Dieu méconnu dans l'enceinte des villes ; 4+6 t
145 Fixez enfin mes désirs inconstans, 4+6 f
Et terminez ma recherche imprudente. 4+6 k
Pour être heureux, il ne faut qu'une amante, 4+6 k
L'ombre des bois, les fleurs et le printemps. 4+6 f
Printemps chéri, doux matin de l'année, 4+6 u
150 Console-nous de l'ennui des hivers ; 4+6 u
Reviens enfin, et Flore emprisonnée 4+6 u
Va de nouveau s'élever dans les airs. 4+6 u
Qu'avec plaisir je compte tes richesses ! 4+6 v
Que ta présence a de charmes pour moi ! 4+6 w
155 Puissent mes vers, aimables comme toi, 4+6 w
En les chantant te payer tes largesses ! 4+6 v
Déjà Zéphyre annonce ton retour. 4+6 o
De ce retour modeste avant-courière, 4+6 s
Sur le gazon la tendre primevère 4+6 s
160 S'ouvre, et jaunit dès le premier beau jour. 4+6 o
A ses côtés la blanche pâquerette 4+6 x
Fleurit sous l'herbe, et craint de s'élever. 4+6 a
Vous vous cachez, timide violette ; 4+6 x
Mais c'est en vain ; le doigt sait vous trouver ; 4+6 a
165 Il vous arrache à l'obscure retraite 4+6 x
Qui recelait vos appas inconnus ; 4+6 y
Et destinée aux boudoirs de Cythère, 4+6 s
Vous renaissez sur un trône de verre, 4+6 s
Ou vous mourez sur le sein de Vénus. 4+6 y
170 L'Inde autrefois nous donna l'anémone, 4+6 z
De nos jardins ornement printannier. 4+6 a
Que tous les ans, au retour de l'automne, 4+6 z
Un sol nouveau remplace le premier, 4+6 a
Et tous les ans la fleur reconnaissante 4+6 k
175 Reparaîtra plus belle et plus brillante. 4+6 k
Elle naquit des larmes que jadis 4+6 a
Sur un amant Vénus a répandues. 4+6 b
Larmes d'amour, vous n'êtes point perdues ; 4+6 b
Dans cette fleur je revois Adonis. 4+6 a
180 Dans la jacinthe un bel enfant respire ; 4+6 o
J'y reconnais le fils de Piérus : 4+6 y
Il cherche encor les regards de Phébus ; 4+6 y
Il craint encor le souffle de Zéphyre. 4+6 o
Des feux du jour évitant la chaleur, 4+6 g
185 Ici fleurit l'infortuné Narcisse. 4+6 c
Il a toujours conservé la pâleur 4+6 g
Que sur ses traits répandit la douleur : 4+6 g
Il aime l'ombre à ses ennuis propice ; 4+6 c
Mais il craint l'eau qui causa son malheur. 4+6 g
190 N'oubliez pas la brillante auricule ; 4+6 d
Soignez aussi la riche renoncule, 4+6 d
Et la tulipe, honneur de nos jardins : 4+6 e
Si leurs parfums répondaient à leurs charmes, 4+6 x
La rose alors, prévoyant nos dédains, 4+6 e
195 Pour son empire aurait quelques alarmes. 4+6 x
Que la houlette enlève leurs ognons 4+6 b
Vers le déclin de la troisième année ; 4+6 u
Puis détachez les nouveaux rejetons 4+6 b
Dont vous verrez la tige environnée ; 4+6 u
200 Ces rejetons fleuriront à leur tour ; 4+6 o
Donnez vos soins à leur timide enfance ; 4+6 l
De vos jardins elle fait l'espérance, 4+6 l
Et vos bienfaits seront payés un jour. 4+6 o
Voyez ici la jalouse Clytie 4+6 f
205 Durant la nuit se pencher tristement, 4+6 i
Puis relever sa tête appesantie 4+6 f
Pour regarder son infidèle amant. 4+6 i
Le lis, plus noble et plus brillant encore, 4+6 y
Lève sans crainte un front majestueux ; 4+6 m
210 Roi des jardins, ce favori de Flore 4+6 y
Charme à la fois l'odorat et les yeux. 4+6 m
Mais quelques fleurs chérissent l'esclavage, 4+6 j
L'humble genêt, le. jasmin plus aimé, 4+6 a
Le chèvre-feuille, et le pois parfumé, 4+6 a
215 Cherchent toujours à couvrir un treillage. 4+6 j
Le jonc pliant sur ces appuis nouveaux 4+6 f
Doit enchaîner leurs flexibles rameaux. 4+6 f
L'iris demande un abri solitaire ; 4+6 s
L'ombre entretient sa fraîcheur passagère. 4+6 s
220 Le tendre œillet est faible et délicat ; 4+6 g
Veillez sur lui ; que sa fleur élargie 4+6 f
Sur le carton soit en voûte arrondie. 4+6 f
Coupez les jets autour de lui pressés ; 4+6 h
N'en laissez qu'un ; la tige en est plus belle. 4+6 a
225 Ces autres brins, dans la terre enfoncés, 4+6 h
Vous donneront une lige nouvelle ; 4+6 a
Et quelque jour ces rejetons naissans 4+6 f
Remplaceront leurs pères vieillissans. 4+6 f
Aimables fruits des larmes de l'Aurore, 4+6 y
230 De votre nom j'embellirais mes vers ; 4+6 m
Mais quels parfums s'exhalent dans les air ? 4+6 m
Disparaissez, les roses vont éclore. 4+6 y
Lorsque Vénus, sortant du sein des mers, 4+6 u
Sourit aux dieux charmés de sa présence, 4+6 l
235 Un nouveau jour éclaira l'univers : 4+6 u
Dans ce moment la rose prît naissance. 4+6 l
D'un jeune lis elle avait la blancheur ; 4+6 g
Mais aussitôt le père de la treille 4+6 i
De ce nectar dont il fut l'inventeur 4+6 g
240 Laissa tomber une goutte vermeille, 4+6 i
Et pour toujours il changea sa couleur : 4+6 g
De Cythérée elle est la fleur Chérie, 4+6 f
Et de Paphos elle orne les bosquets ; 4+6 k
Sa douce odeur, aux célestes banquets, 4+6 k
245 Fait oublier celle de l'ambroisie ; 4+6 f
Son vermillon doit parer la Beauté ; 4+6 a
C'est le seul fard que met la Volupté ; 4+6 a
A cette bouche où le sourire joue 4+6 j
Son coloris prête un charme divin ; 4+6 q
250 Elle se mêle aux lis d'un joli sein ; 4+6 q
De la Pudeur elle couvre la joue ; 4+6 j
Et de l'Aurore elle rougit la main. 4+6 q
Cultivez-la cette rose si belle ; 4+6 a
Vos plus doux soins doivent être pour elle. 4+6 a
255 Que le ciseau dirigé par vos doigts 4+6 c
Légèrement la blesse quelquefois. 4+6 c
Noyez souvent ses racines dans l'onde. 4+6 k
Des plants divers faisant un heureux choix, 4+6 c
Préférez ceux dont la tige féconde 4+6 k
260 Renaît sans cesse, et fleurit tous les mois. 4+6 c
Songez surtout à ce bosquet tranquille 4+6 m
Où notre amour fuyait les importuns ; 4+6 n
Conservez-lui son ombre et ses parfums : 4+6 n
A mes desseins il est encore utile. 4+6 m
265 Ce doux espoir, dans mon cœur attristé, 4+6 a
Vient se mêler aux chagrins de l'absence. 4+6 l
Ah ! mes ennuis sont en réalité, 4+6 a
Et mon bonheur est tout en espérance ! 4+6 l
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