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PAR_1/PAR67
Évariste de PARNY
Œuvres complètes
tome I
1775-1806
LA JOURNÉE CHAMPÊTRE
On m'a conté qu'autrefois dans Palerme, 4+6 z
Ville où l'Amour eut toujours des autels, 4+6 a
L'Amitié sut d'un nœud durable et ferme 4+6 z
Unir entre eux quatre jeunes mortels. 4+6 a
5 Égalité de biens et de naissance, 4+6 b
Conformité d'humeur et de penchans, 4+6 c
Tout s'y trouvait ; l'habitude et le temps 4+6 c
De ces liens assuraient la puissance. 4+6 b
L'aîné d'entre eux ne comptait pas vingt ans ; 4+6 c
10 C'était Volmon, de qui l'air doux et sage 4+6 d
Montrait un cœur naïf et sans détour, 4+6 e
Et qui jamais des erreurs du bel âge 4+6 d
N'avait connu que celle de l'Amour. 4+6 e
Loin du fracas et d'un monde frivole, 4+6 f
15 Dans un réduit préparé de leurs mains, 4+6 g
Nos jeunes gens venaient tous les matins 4+6 g
De l'amitié tenir la douce école 4+6 f
Ovide un jour occupait leurs loisirs. 4+6 h
Florval lisait d'une voix attendrie 4+6 i
20 Ces vers touchans où l'amant de Julie 4+6 i
De l'âge d'or a chanté les plaisirs « 4+6 h
Cet âge heureux ne serait-il qu'un songe ? 4+6 j
Reprit Talcis, quand Florval eut fini. 4+6 k
N'en doutez point, lui répondit Volny ; 4+6 k
25 Tant de bonheur est toujours un mensonge. » 4+6 j
FLORVAL
« Et pourquoi donc ? toute l'antiquité, 4+6 l
Plus près que nous de cet âge vanté, 4+6 l
En a transmis et pleuré la mémoire. » 4+6 m
VOLNY
« L'antiquité ment un peu, comme on saie 4+6 l
30 Il faut plutôt l'admirer que la croire. 4+6 m
Ouvre les yeux, vois l'homme ; et ce qu'il est 4+6 a
De ce qu'il fut te donnera l'histoire. » 4+6 m
TALCIS
« L'enfant qui plut par ses jeunes attraits 4+6 a
A soixante ans conserve-t-il ses traits ? 4+6 a
35 L'homme a vieilli ; sans doute en son enfance. 4+6 b
Il ne fut point ce qu'il est aujourd'hui. 4+6 k
Si l'univers a jamais pris naissance, 4+6 b
Ces jours si beaux ont dû naître avec lui. » 4+6 k
VOLNY
« Rien ne viellit… » Volmon alors se lève : « 4+6 p
40 Mes chers amis, tous trois vous parlez d'or ; 4+6 q
Mais je prétends qu'il vaudrait mieux encor 4+6 q
Réaliser entre nous ce beau rêve. 4+6 p
Loin de Palerme à l'ombre dès vergers, 4+6 r
Pour un seul jour devenons tous bergers. 4+6 r
45 Mai* gardons-nous d'oublier nos bergères. 4+6 s
De l'innocence elles ont tous les goûts : 4+6 t
Parons leurs mains de houlettes légères ; 4+6 s
L'amour champêtre est, dit-on, le plus doux. » 4+6 t
Avec transports cette offre est écoutée ; 4+6 v
50 On la répète, et chacun d'applaudir : 4+6 w
Laure et Zulmis voudraient déjà partir 4+6 w
Églé sourit, Naïs est enchantée ; 4+6 v
On fixe un jour ; et ce jour attendu 4+6 x
Commence à peine, on part, on est rendu. 4+6 x
55 Sur le penchant d'une haute montagne 4+6 y
La main du Goût construisit un château', 4+6 z
D'où l'œil au loin se perd dans la campagne. 4+6 y
De ses côtés part un double coteau. 4+6 z
L'un est couvert d'un antique feuillage » 4+6 d
60 Que la cognée a toujours respecté ; 4+6 l
Du voyageur il est peu fréquenté, 4+6 l
Et n'offre aux yeux qu'une beauté sauvage. 4+6 d
L'autre présente un tableau plus riant : 4+6 a
L'épi jaunit ; Zéphyre, en s'égayant, 4+6 a
65 Aime à glisser sur la moisson dorée ; 4+6 v
Et tout auprès la grappe colorée 4+6 v
Fait succomber le rameau chancelant. 4+6 a
Ces deux coteaux, arrondis en ovale, 4+6 b
Forment au loin un vallon spacieux, 4+6 c
70 Dont la Nature, admirable en ces jeux, 4+6 c
A bigarré la surface inégale. 4+6 b
Ici s'élève un groupe d'orangers 4+6 r
Dont les fruits d'or pendent sur des fontaines ; 4+6 d
Plus loin fleurit, sous l'abri des vieux chênes, 4+6 d
75 Le noisetier si chéri des bergers ; 4+6 r
A quelques pas se forme une éminence, 4+6 b
D'où le pasteur appelle son troupeau ; 4+6 z
De là sou œil suit avec complaisance 4+6 b
Tous les détours d'un paisible ruisseau : 4+6 z
80 En serpentant, il baigne la prairie, 4+6 i
Il fuit, revient dans la plaine fleurie 4+6 i
Où tour à tour il murmure et se tait, 4+6 o
Se rétrécit et coule avec vitesse, 4+6 e
Puis s'élargit et reprend sa paresse, 4+6 e
85 Pour faire encor le chemin qu'il a fait : 4+6 o
Mais un rocher barre son onde pure ; 4+6 f
Triste, il parait étranger dans ces lieux ; 4+6 c
Son ombre au loin s'étend sur la verdure, 4+6 f
Et l'herbe croît sur son front sourcilleux. 4+6 c
90 L'onde, à ses pieds, revient sur elle-même, 4+6 g
Ouvre deux bras pour baigner ses contours, 4+6 h
S'unit encore, et dans ces champs qu'elle aime 4+6 g
Va sous les fleurs recommencer son cours. 4+6 h
Voilà l'asile où la troupe amoureuse 4+6 i
95 Vient accomplir le projet de Volmon. 4+6 j
Là n'entrent point l'Étiquette orgueilleuse, 4+6 i
Et les Ennuis attachés au bon ton. 4+6 j
La Liberté doit régner au village. 4+6 d
Un jupon court, parsemé de feuillage, 4+6 d
100 A remplacé l'enflure des paniers ; 4+6 r
Le pied mignon sort des riches souliers 4+6 r
Pour mieux fouler la verdure fleurie ; 4+6 i
La robe tombe, et la jambe arrondie 4+6 i
A l'œil charmé se découvre à moitié ; 4+6 l
105 De la toilette on renverse l'ouvrage ; 4+6 d
Dans sa longueur le chignon déployé 4+6 l
Flotte affranchi de son triste esclavage ; 4+6 d
La propreté succède aux ornemens ; 4+6 c
Du corps étroit on a brisé la chaîne ; 4+6 k
110 Le sein se gonfle et s'arrondit sans peine 4+6 k
Dans un corset noué par les amans ; 4+6 c
Le front, caché sous un chapeau de roses, 4+6 l
Ne soutient plus le poids des diamans ; 4+6 c
La beauté gagne à ces métamorphoses ; 4+6 l
115 Et nos amis, dans leur fidélité, 4+6 l
Du changement goûtent la volupté. 4+6 l
Dans la vallée on descend au plus vite, 4+6 m
Et des témoins on fuit l'œil indiscret ; 4+6 o
La Liberté, l'Amour, et le Secret, 4+6 o
120 De nos bergers forment toute la suite. 4+6 m
Déjà du ciel l'azur était voilé. 4+6 l
Déjà la Nuit de son char étoilé 4+6 l
Sur ces beaux lieux laissait tomber son ombre ; 4+6 n
D'un pied léger on franchit le coteau, 4+6 z
125 Et ces chansons vont réveiller l'Écho 4+6 z
Qui reposait dans la caverne sombre : 4+6 n
« Couvre le muet univers, 8 o
Parais, Nuit propice et tranquille, 8 p
Et fais tomber sur cet asile 8 p
130 La paix qui.règne dans les airs. 8 o
Ton sceptre impose à la nature 8 f
Un silence majestueux ; 8 c
On n'entend plus que le murmure 8 f
Du ruisseau qui coule en ces lieux. 8 c
135 Sois désormais moins diligente, 8 q
Belle avant-courière du jour ; 8 e
La Volupté douce et tremblante 8 q
Fuit et se cache à ton retour. 8 e
Tu viens dissiper les mensonges 8 r
140 Qui berçaient les tristes mortels : 8 a
Et la foule des jolis songes 8 r
S'enfuit devant les maux réels. 8 a
Pour nous, réveillons-nous sans cesse, 8 e
Et sacrifions à Vénus. 8 s
145 Il vient un temps, ô ma maîtresse, 8 e
Où l'on ne se réveille plus. » 8 s
Le long du bois quatre toits de feuillage 4+6 d
Sont élevés sur les bords du ruisseau ; 4+6 z
Et le Sommeil, qui se plaît au village, 4+6 d
150 N'oublia point cet asile nouveau. 4+6 z
L'ombre s'enfuit ; l'amante de Céphale 4+6 b
De la lumière annonçait le retour, 4+6 e
Et. s'appuyant sur les portes du jour, 4+6 e
Laissait tomber le rubis et l'opale. 4+6 b
155 Les habitans des paisibles hameaux 4+6 t
Se répandaient au loin dans la campagne 4+6 y
La cornemuse éveillait les troupeaux ; 4+6 t
En bondissant les folâtres agneaux 4+6 t
Allaient blanchir le flanc de la montagne ; 4+6 y
160 De mille oiseaux le ramage éclatant 4+6 a
De ce beau jour saluait la naissance. 4+6 b
Volmon se lève, et Zulmis le devance : 4+6 b
Leurs yeux charmés avec étonnement 4+6 a
A son réveil contemplent la nature. 4+6 f
165 Ce doux spectacle était nouveau pour eux ; 4+6 c
Et des cités habitons paresseux, 4+6 c
Ils s'étonnaient de fouler la verdure, 4+6 f
A l'instant même où tant d'êtres oisifs, 4+6 u
Pour échapper à l'ennui qui des presse 4+6 e
170 Sur des carreaux dressés par la Mollesse 4+6 e
Cherchent en vain quelques pavots tardifs. 4+6 u
Reine un moment, déjà la jeune Aurore 4+6 v
Abandonnait l'horizon moins vermeil ; 4+6 w
Volny soupire, et détourne sur Laure 4+6 v
175 Des yeux chargés d'amour et de sommeil. 4+6 w
A ses côtés la belle demi-nue 4+6 x
Dormait encore ; une jambe étendue 4+6 x
Semble chercher l'aisance et la fraîcheur, 4+6 y
Et laisse voir ces charmes dont la vue 4+6 x
180 Est pour l'amant la dernière faveur. 4+6 y
Sur une main sa tête se repose ; 4+6 z
L'autre s'allonge, et, pendant hors du lit, 4+6 a
A chaque doigt fait descendre une rose 4+6 z
Sa bouche encore et s'entr'ouvre et sourit. 4+6 a
185 Mais tout-à-coup son paisible visage 4+6 d
S'est coloré d'un vermillon brillant. 4+6 a
Sans doute alors un songe caressant 4+6 a
Des voluptés lui retraçait l'image. 4+6 d
Volny, qui voit son sourire naissant, 4+6 a
190 Parmi les fleurs qui parfument sa couche 4+6 b
Prend une rose, et, près d'elle à genoux, 4+6 u
Avec lenteur la passe sur sa bouche, 4+6 b
En y joignant le baiser le plus doux. 4+6 u
Pour consacrer la nouvelle journée, 4+6 v
195 On dut choisir un cantique à l'Amour ; 4+6 e
Il exauça l'oraison fortunée, 4+6 v
Et descendit dans ce riant séjour. 4+6 e
Voici les vers qu'on chantait tour à tour : 4+6 e
« Divinités que je regrette, 8 c
200 Hâtez-vous d'animer ces lieux. 8 c
Êtres charmans et fabuleux, 8 c
Sans vous la nature est muette. 8 c
Jeune épouse du vieux Tithon, 8 j
Pleure sur la rose naissante ; 8 q
205 Écho, redeviens une amante ; 8 q
Soleil, sois encore Apollon. 8 j
Tendre Io, paissez la verdure ; 8 f
Naïades, habitez ces eaux, 8 t
Et de ces modestes ruisseaux, 8 t
210 Ennoblissez la source pure. 8 f
Nymphes, courez au fond des bois, 8 d
Et craignez les feux du satyre ; 8 e
Que Philomèle une autre fois 8 d
A Progné conte son martyre. 8 e
215 Renaissez, Amours ingénus ; 8 s
Reviens, volage époux de Flore ; 8 v
Ressuscitez, Grâces, Vénus ; 8 s
Sur des païens régnez encore. 8 v
C'est aux champs que l'Amour naquit ; 8 a
220 L'Amour se déplaît à la ville. 8 p
Un bocage fut son asile, 8 p
Un gazon fut son premier lit ; 8 a
El les bergers et les bergères 8 s
Accoururent à son berceau ; 8 z
225 L'azur des cieux devint plus beau ; 8 z
Les vents de leurs ailes.légères 8 s
Osaient à peine raser l'eau ; 8 z
Tout se taisait jusqu'à Zéphyre ; 8 e
Et, dans ce moment enchanteur, 8 y
230 La Nature sembla sourire, 8 e
Et rendre hommage à son auteur. » 8 y
Zulmis alors ouvre la bergerie, 4+6 i
Et le troupeau qui s'échappe soudain 4+6 f
Court deux à deux sûr l'herbe rajeunie. 4+6 i
235 Volmon le suit, la houlette à la main. 4+6 f
Un peu plus loin Florval et son amante 4+6 q
Gardent aussi les dociles moutons. 4+6 j
Ils souriaient quand leur bouche ignorante 4+6 q
Sur le pipeau cherchait en vain des son*. 4+6 j
240 Dans un verger planté par la Nature, 4+6 f
Où tous les fruits mûrissent sans culture, 4+6 f
La jeune Églé porte déjà ses pas. 4+6 h
Quand les rameaux s'éloignent de ses bras, 4+6 h
L'heureux Talcis l'enlève avec mollesse : 4+6 e
245 Il la soutient, et ses doigts délicats 4+6 h
Vont dégarnir la branche qu'elle abaisse. 4+6 e
A d'autres soins Volny s'est arrêté. 4+6 l
Entre ses mains le lait coule et ruisselle ; 4+6 i
Et près de lui son amante fidèle. 4+6 i
250 Durcit ce lait en fromage apprêté. 4+6 l
Aimables soins ! travaux doux et faciles ! 4+6 j
Vous occupez en donnant le repos ; 4+6 t
Biens différens du tumulte des villes, 4+6 j
Où les plaisirs deviennent des travaux. 4+6 t
255 Le dieu du jour, poursuivant sa carrière, 4+6 l
Règne en tyran sur l'univers soumis. 4+6 u
Son char de feu brûle autant qu'il éclaire, 4+6 l
Et ses rayons, en faisceaux réunis, 4+6 u
D'un pôle à l'autre embrasent l'hémisphère. 4+6 l
260 Heureux alors, heureux le voyageur 4+6 y
Qui sur sa route aperçoit un bocage 4+6 d
Où le Zéphyr, soupirant la fraîcheur, 4+6 y
Fait tressaillir le mobile feuillage ! 4+6 d
Un bassin pur s'étendait sous l'ombrage ; 4+6 d
265 Je vois tomber les jaloux vêtemens, 4+6 c
Qui, dénoués par la main des amans, 4+6 c
Restent épars sur l'herbe du rivage. 4+6 d
Un voile seul s'étend sur les appas : 4+6 h
Mais il les couvre et ne les cache pas. 4+6 h
270 Des vêtemens tel fut jadis l'usage. 4+6 d
Laure et Talcis, en dépit des chaleurs, 4+6 m
A la prairie ont dérobé ses fleurs, 4+6 m
Et du bassin ils couvrent la surface. 4+6 n
L'onde gémit ; tous les bras dépouillés 4+6 r
275 Glissent déjà sur les flots émaillés, 4+6 r
Et le nageur laisse après lui sa trace. 4+6 n
En vain mes vers voudraient peindre leurs jeux. 4+6 c
Bientôt du corps la toile obéissante 4+6 q
Suit la rondeur et les contours moelleux 4+6 c
280 L'amant sourit et dévore des yeux 4+6 c
De mille attraits la forme séduisante, 4+6 q
Lorsque Zulmis s'élança hors du bain, 4+6 f
L'heureux Volmon l'essuya de sa main. 4+6 f
Qu'avec douceur cette main téméraire 4+6 l
285 Se promenait sur la jeune bergère, 4+6 l
Qui la laissa recommencer trois fois ! 4+6 d
Qu'avec transport il pressait sous ses doigts 4+6 d
Et la rondeur d'une cuisse d'ivoire, 4+6 m
Et ce beau sein dont le bouton naissant 4+6 a
290 Cherche à percer le voile transparent ! 4+6 a
Ce doux travail fut long, comme on peut croire ; 4+6 m
Mais il finit : bientôt de toutes parts 4+6 o
La Modestie élève des remparts 4+6 o
Entre l'amante et l'amant qui soupire. 4+6 e
295 Volmon les voit, et je l'entends maudire 4+6 e
Cet art heureux de cacher la laideur, 4+6 y
Qu'on décora du beau nom de pudeur. 4+6 y
Volny s'avance, et prenant la parole : » 4+6 f
Par la chaleur retenus dans ces lieux, 4+6 c
300 Trompons du moins le temps par quelques jeux, 4+6 c
Par des récits, par un conte frivole. 4+6 f
On sait qu'Hercule aima le jeune Hylas 4+6 h
Dans ses travaux, dans ses courses pénibles, 4+6 p
Ce bel enfant suivait toujours ses pas ; 4+6 h
305 Il le prenait dans ses mains invincibles ; 4+6 p
Ses yeux alors se montraient moins terribles ; 4+6 p
Le fer cruel ne couvrait plus son bras ; 4+6 d
Et l'univers, et Vénus, et la gloire, 4+6 m
Étaient déjà bien loin de sa mémoire. 4+6 m
310 Tous deux un jour arrivent dans un bois 4+6 d
Où la chaleur ne pouvait s'introduire, 4+6 e
En attendant le retour de Zéphyre, 4+6 e
Le voyageur y dormait quelquefois. 4+6 d
Notre héros sur l'herbe fleurissante 4+6 q
315 Laisse tomber son armure pesante, 4+6 q
Et puis s'allonge et respire le frais, 4+6 a
Tandis qu'Hylas, d'une main diligente, 4+6 q
D'un dîner simple ayant fait les apprêts, 4+6 a
Dans le vallon qui s'étendait auprès 4+6 a
320 S'en va puiser une eau rafraîchissante. 4+6 q
Il voit de loin un bosquet d'orangers, 4+6 r
Et d'une source il entend le murmure ; 4+6 f
Il court, il vole où cette source pure 4+6 f
Dans un bassin conduit ses flots légers. 4+6 r
325 De ce bassin les jeunes souveraines 4+6 d
Quittaient alors leurs grottes souterraines ; 4+6 d
Sur le cristal leurs membres déployés 4+6 r
S'entrelaçaient et jouaient avec grâce ; 4+6 n
Ils fendaient l'onde, et leurs jeux variés, 4+6 r
330 Sans la troubler agitaient sa surface. 4+6 n
Hylas arrive, une cruche à la main, 4+6 f
Ne songeant guère aux Nymphes qui l'admirent ; 4+6 q
Il s'agenouille, il la plonge, et soudain 4+6 f
Au fond des eaux les Naïades l'attirent. 4+6 q
335 Sous un beau ciel, lorsque la nuit parait, 4+6 o
Avez-vous vu l'étoile étincelante. 4+6 q
Se détacher de sa voûte brillante, 4+6 q
Et dans les flots s'élancer comme un trait ? 4+6 o
Dans un verger, sur la fin de l'automne, 4+6 r
340 Avez-vous vu le fruit, dès qu'il mûrit, 4+6 a
Quitter la branche où long-temps il pendit, 4+6 a
Pour se plonger dans l'onde qui bouillonne ? 4+6 r
Soudain il part, et l'œil en vain le suit. 4+6 a
Tel disparaît le favori d'Alcide. 4+6 s
345 Entre leurs bras les Nymphes l'ont reçu ; 4+6 x
Et, l'échauffant sur leur sein demi-nu, 4+6 x
L'ont fait entrer dans le palais humide. 4+6 s
Bientôt Hercule, inquiet et troublé, 4+6 l
Accuse Hylas dans son impatience, 4+6 b
350 Il craint, il tremble, et son cœur désolé 4+6 l
Connaît alors le chagrin de l'absence. 4+6 b
Il se relève, il appelle trois fois, 4+6 d
Et par trois fois, comme un souffle insensible, 4+6 t
Du sein des flots sort une faible voix. 4+6 d
355 Il rentre et court dans la forêt paisible, 4+6 t
Il cherche Hylas ; ô tourment du désir ! 4+6 w
Le jour déjà commençait à s'enfuir ; 4+6 w
Son âme alors s'ouvre toute à la rage ; 4+6 d
La terre au loin retentit sous ses pas ; 4+6 h
360 Des pleurs brûlans sillonnent son visage ; 4+6 d
Terrible, il crie : Hylas ! Hylas ! Hylas ! 4+6 h
Du fond des bois Écho répond : Hylas ! 4+6 h
Et cependant les folâtres déesses 4+6 v
Sur leurs genoux tenaient l'aimable enfant, 4+6 a
365 Lui prodiguaient les plus douces caresses, 4+6 v
Et rassuraient son cœur toujours tremblant. » 4+6 a
Volny se tut ; les naïves bergères 4+6 s
Écoutaient bien, mais ne comprenaient guères. 4+6 s
L'antiquité, si charmante d'ailleurs, 4+6 m
370 Dans ses plaisirs n'était pas scrupuleuse. 4+6 i
De ses amours la peinture odieuse 4+6 i
Dépare un peu ses écrits enchanteurs. 4+6 m
Lorsque, ennuyé des baisers de sa belle, 4+6 i
Anacréon, dans son égarement, 4+6 a
375 Porte à Bathyle un encens fait pour elle, 4+6 i
Sa voix afflige et n'a rien de touchant. 4+6 a
Combien de fois, vif et léger Catulle, 4+6 w
En vous lisant je rougissais pour vous ! 4+6 t
Combien de fois, voluptueux Tibulle ; 4+6 w
380 J'ai repoussé dans mes justes dégoûts 4+6 t
Ces vers heureux qui devenaient moins doux ! 4+6 t
Et vous encore, ô modeste Virgile ! 4+6 p
Votre âme simple, et naïve, et tranquille, 4+6 p
A donc connu là fureur de ces goûts ? 4+6 t
385 Pour Cupidon quand vous quittez les Grâces, 4+6 x
Cessez vos chants et rougissez du moins 4+6 y
On suit encor vos leçons efficaces ; 4+6 x
Mais, pour les suivre, on prend de justes soins, 4+6 y
Et l'on se cache en marchant sur vos traces. 4+6 x
390 Vous m'entendez, prêtresses de Lesbos, 4+6 k
Vous, de Sapho disciples renaissantes ? 4+6 z
Ah ! croyez-moi, retournez à Paphos, 4+6 k
Et choisissez des erreurs plus touchantes. 4+6 z
De votre cœur écoulez mieux la voix ; 4+6 d
395 Ne cherchez point des voluptés nouvelles. 4+6 a
Malgré vos vœux la Nature a ses lois, 4+6 d
Et c'est pour nous que sa main vous fit belles. 4+6 a
Mais revenons à nos premiers plaisirs, 4+6 h
Tournons les yeux sur la troupe amoureuse 4+6 i
400 Qui dans un bois, refuge des Zéphirs, 4+6 h
Et qu'arrosait une onde paresseuse, 4+6 i
Vient d'apprêter le. rustique repas. 4+6 h
La propreté veillait sur tous les plats. 4+6 h
La jeune Flore, avec ses doigts de rose, 4+6 z
405 Avait de fleur tapissé le gazon. 4+6 j
Le dieu du vin dans le ruisseau dépose 4+6 z
Ce doux nectar qui trouble la raison. 4+6 j
A son aspect l'appétit se réveille ; 4+6 b
Le fruit parait ; de feuilles couronné, 4+6 l
410 En pyramide il remplit la corbeille ; 4+6 b
Et dans l'osier le lait emprisonné 4+6 l
Blanchit auprès de la pêche vermeille. 4+6 b
De ce repas on bannit avec soin 4+6 c
Les froids bons mots toujours prévus de loin, 4+6 c
415 Les longs détails de l'intrigue nouvelle, 4+6 i
Les calembours si goûtés dans Paris, 4+6 u
Des complimens la routine éternelle, 4+6 i
Et les fadeurs et les demi-souris. 4+6 u
La Liberté n'y voulut introduire 4+6 e
420 Que les plaisirs en usage à Paphos ; 4+6 k
Le Sentiment dictait tous les propos, 4+6 k
Et l'on riait sans projeter de rire. 4+6 e
On termina le festin par des chants. 4+6 c
La voix d'Églé, molle et voluptueuse, 4+6 i
425 Fit retentir ses timides accens ; 4+6 c
El les soupirs de la flûte amoureuse, 4+6 i
Mêlés aux siens, paraissaient plus touchans. 4+6 c
L'eau qui fuyait, pour la voir et l'entendre, 4+6 d
Comme autrefois n'arrêta point son cours ; 4+6 h
430 Le chêne altier n'en devint pas plus tendre, 4+6 d
Et les rochers n'en étaient pas moins sourds ; 4+6 h
Rien ne changea : mais l'oreille attentive 4+6 e
Jusques au cœur transmettait tous ses sons ; 4+6 g
En les peignant, sa voix douce et naïve 4+6 e
435 Faisait germer les tendres passions. 4+6 g
L'heureux Volny, placé vis-à-vis d'elle, 4+6 i
Volny, charmé de sa grâce nouvelle, 4+6 i
Et de ses chants fidèle admirateur, 4+6 y
Applaudissait avec trop de chaleur. 4+6 y
440 Églé se tait, Volny l'écoute encore, 4+6 v
Et tient fixés ses regards attendris 4+6 u
Sur celte bouche où voltigent les Ris, 4+6 u
Et d'où sortait une voix si sonore. 4+6 v
Laure voit tout ; que ne voit point l'Amour ! 4+6 e
445 De cet oubli son âme est offensée ; 4+6 v
Et pour venger sa Vanité blessée, 4+6 v
Elle prétend l'imiter à son tour. 4+6 e
Au seul Talcis elle affecte de prendre 4+6 d
Un intérêt qu'elle ne prenait pas ; 4+6 h
450 Sa voix pour lui voulait devenir tendre ; 4+6 d
Ses yeux distraits voulaient suivre ses pas ; 4+6 h
Et Quand Volny revint à sa maîtresse, 4+6 e
Un froid accueil affligea sa tendresse. 4+6 e
Il nomme Laure, elle ne l'entend plus ; 4+6 s
455 Il veut parler, on lui répond à peine. 4+6 k
C'en est assez ; mille soupçons confus 4+6 s
Ont pénétré dans son âme incertaine. 4+6 k
Amans, amans, voilà votre portrait ! 4+6 o
Un sort malin vous promène sans cesse 4+6 e
460 Des pleurs aux ris, des ris à la tristesse ; 4+6 e
Un rien vous choque, un rien vous satisfait ; 4+6 o
Un rien détruit ce qu'un rien a fait naître ! 4+6 f
Tous vos plaisirs sont voisins d'un tourment, 4+6 a
Et vos tourmens sont des plaisirs peut-être. 4+6 f
465 Ah ! l'on dit vrai, l'Amour n'est qu'un enfant. 4+6 a
Volny rêvait, à sa douleur en proie ; 4+6 g
Et ses amis, égayés par le vin, 4+6 f
Remarquaient peu son trouble et son chagrin. 4+6 f
Pour modérer les excès de leur joie, 4+6 g
470 Zulmis s'assied, et leur fait ce récit, 4+6 a
Amour dictait, Amour me l'a redit. « 4+6 a
Dans ces. beaux lieux où paisible et fidèle 4+6 i
L'heureux Ladon coule parmi les fleurs, 4+6 m
Du dieu dé Gnide une jeune immortelle 4+6 i
475 Fuyait, dit-on, les trompeuses douceurs ; 4+6 m
C'était Syrinx. Pan soupira près d'elle, 4+6 i
Et pour ses soins n'obtint que des rigueurs. 4+6 m
Au bord du fleuve, un jour que l'inhumaine 4+6 k
Se promenait au milieu de ses sœurs, 4+6 m
480 Pan l'aperçoit, et vole dans la plaine, 4+6 k
Bien résolu d'arracher ses faveurs 4+6 m
Que l'Amour donne et ne veut pas qu'on prenne. 4+6 k
A cet aspect, tremblant pour ses appas, 4+6 h
La nymphe fuit, et ses pieds délicats 4+6 h
485 Sans la blesser glissent sur la verdure. 4+6 f
Déjà la fleur qui formait sa parure 4+6 f
Tombe du front qu'elle crut embellir ; 4+6 w
Et, balancés sur l'aile du Zéphyr, 4+6 w
Ses longs cheveux flottent à l'aventure. 4+6 f
490 Tremblez, Syrinx : vos charmes demi-nus 4+6 s
Vont se faner sous une main profane, 4+6 h
Et vous allez des autels de Diane 4+6 h
Passer enfin aux autels de Vénus. 4+6 s
Dieu de ces bords, sauve-moi d'un outrage ! 4+6 d
495 Elle avait dit ; sur l'humide rivage 4+6 d
Son pied léger s'arrête et ne fuit plus ; 4+6 s
Au fond des eaux l'un et l'autre se plongent ; 4+6 i
Sa voix expire ; et dans l'air étendus 4+6 s
Déjà ses bras en feuilles se prolongent ; 4+6 i
500 Son sein caché sous un voile nouveau 4+6 z
Palpite encore en changeant de nature ; 4+6 f
Ses cheveux noirs se couvrent de verdure ; 4+6 f
Et sur son corps qui s'effile en roseau 4+6 z
Les nœuds pareils, arrondis en anneau, 4+6 z
505 Des membres nus laissent voir la jointure. 4+6 f
Le dieu, saisi d'une soudaine horreur, 4+6 y
S'est arrêté ; sous la feuille tremblante 4+6 q
Ses yeux séduits et trompés par son cœur 4+6 y
Cherchent encoreencor sa fugitive amante. 4+6 q
510 Mais tout-à-coup le Zéphyre empressé 4+6 l
Vient se poser sur la tige naissante,' 4+6 q
Et par ses jeux le roseau balancé. 4+6 l
Forme dans l'air une plainte mourante. 4+6 q
Ah ! dit le dieu, ce soupir est pour moi ; 4+6 j
515 Trop tard, hélas ! son cœur, devient sensible. 4+6 t
Nymphe chérie et toujours inflexible 4+6 t
J'aurai du moins ce qui reste de toi. 4+6 j
Parlant ainsi, du roseau qu'il embrasse 4+6 n
Ses doigts tremblans détachent les tuyaux ; 4+6 t
520 Il les polit, et la cire tenace 4+6 n
Unit entre eux les dîfférens morceaux. 4+6 t
Bientôt sept trous de largeur inégale 4+6 b
Des tons divers ont fixé l'intervalle. 4+6 b
Sa bouche alors s'y colle avec ardeur. 4+6 y
525 Des sons nouveaux l'heureuse mélodie, 4+6 i
De ses soupirs imitant la douceur, 4+6 y
Retentissait dans son âme attendrie. 4+6 i
Reste adoré de ce que j'aimais tant, 4+6 a
S'écria-t-il, résonne dans ces plaines ; 4+6 d
530 Soir et matin tu rediras mes peines, 4+6 d
Et des amours tu seras l'instrument. » 4+6 a
« Je le vois trop, reprit la jeune Laure, 4+6 v
On ne saurait commander aux Amour . 4+6 e
Apollon même et tous ses beaux discours 4+6 e
535 Ne touchent point la Nymphe qu'il adore. 4+6 v
Non, dit Florval, et sur le Pinde encore 4+6 v
Ses nourrissons, de lauriers couronnés ; 4+6 r
Trouvent souvent de nouvelles Daphnés. 4+6 r
La Vanité sourit à leur hommage ; 4+6 d
540 On leur prodigue un éloge flatteur ; 4+6 y
Mais rarement de l'amour de l'ouvrage 4+6 d
La beauté passe à l'amour de l'auteur. 4+6 y
Lorsque Sapho prenait sa lyre, 8 e
Et lui confiait ses douleurs, 8 m
545 Tous les yeux répandaient des pleurs, 8 m
Tous les cœurs sentaient son martyre. 8 e
Mais ses chants aimés d'Apollon, 8 j
Ses chants heureux, pleins de sa flamme 8 k
Et du désordre de son âme, 8 k
550 Ne pouvaient attendrir Phaon. 8 j
Gallus, dont la muse touchante 8 q
Peignait si bien la volupté, 8 l
Gallus n'en fut pas moins quitté ; 8 l
Et sa Lycoris inconstante 8 q
555 Suivit, en dépit des hivers, 8 o
Un soldat robuste et sauvage 8 d
Qui faisait de moins jolis vers, 8 o
Et n'en plaisait que mieux, je gage. 8 d
Pétrarque ( à ce mot un soupir 8 w
560 Échappe à tous les cœurs sensibles ), 8 p
Pétrarque, dont les chants flexibles 8 p
Inspiraient partout le plaisir, 8 w
N'inspira jamais rien à Laure ; 8 v
Elle fut sourde à ses accens ; 8 c
565 Et Vaucluse répète encore 8 v
Sa plainte et ses gémissemens. 8 c
Waller soupira pour sa belle 8 i
Les sons les plus mélodieux ; 8 c
Il parlait la langue des dieux, 8 c
570 El Sacliarissa fut cruelle. 8 i
Ainsi ces peintres enchanteurs 8 m
Qui des Amours tiennent l'école 8 f
De l'Amour qui fut leur idole 8 f
N'éprouvèrent que les rigueurs. 8 m
575 Mais leur voix touchante et sonore 8 v
S'est fait entendre à l'univers ; 8 o
Les Grâces ont appris leurs vers, 8 o
Et Paphos les redit encore. 8 v
Leurs peines, leurs chagrins d'un jour 8 e
580 Laissent une longue mémoire ; 8 m
Et leur muse, en cherchant l'Amour, 8 e
A du moins rencontré la Gloire. » 8 m
Florval ainsi critique les erreurs 4+6 m
Dont il ne peut garantir sa jeunesse : 4+6 e
585 Car trop souvent aux rives du Permesse 4+6 e
Pour le laurier il néglige les fleurs. 4+6 m
De ces récits l'enchaînement paisible 4+6 t
Du triste amant redoublait le chagrin ; 4+6 f
Il observait un silence pénible. 4+6 t
590 De sa maîtresse il se rapproche enfin : « 4+6 f
Rassurez-vous je vais par mon absence 4+6 b
Favoriser vos innocens projets. 4+6 a
— Il n'est plus temps d'éviter ma présence ; 4+6 b
J'ai pénétré vos sentimens secrets. 4+6 a
595 — Un autre plaît, et Laure est infidèle. 4+6 i
— A vos regards une autre est la plus belle. 4+6 i
— En lui parlant vous avez soupiré. 4+6 l
— Vous l'écoutiez, et vous n'écoutiez qu'elle. 4+6 i
— Aimez en paix ce rival adoré. 4+6 l
600 — Soyez heureux dans votre amour nouvelle. 4+6 i
— Oubliez-moi. — Je vous imiterai.» 4+6 l
Volny s'éloigne, et pour cacher ses larmes 4+6 m
Du bois voisin il cherche l'épaisseur. 4+6 y
Laure en gémit ; les plus vives alarmes 4+6 m
605 Vont la punir d'un moment de rigueur. 4+6 y
La Vanité se trouvant satisfaite, 4+6 c
Bientôt l'amour parle en maître à son cœur : 4+6 y
Elle maudit sa colère indiscrète, 4+6 c
S'accuse seule, et cache de sa main 4+6 f
610 Les pleurs naissans qui mouillent son beau sein. 4+6 f
Le regard morne et fixé sur la terre, 4+6 l
Volny déjà, seul avec son ennui, 4+6 k
Était entré dans la même chaumière 4+6 l
Que sa maîtresse habitait avec lui. 4+6 k
615 Faible, il s'assied sur ce lit de feuillage 4+6 d
Si bien connu par un plus doux usage. 4+6 d
Là tout-à-coup, au milieu des sanglots, 4+6 k
Son cœur trop plein s'ouvre, et laisse un passage 4+6 d
A la douleur qui s'exhale en ces mots : « 4+6 k
620 Ah ! je lirais d'un œil sec et tranquille 4+6 p
De mon trépas l'arrêt inattendu ; 4+6 x
Mais je succombe à ce coup imprévu, 4+6 x
Et sous son poids je demeure immobile. 4+6 p
Oui, pour jamais je renonce aux Amours, 4+6 h
625 A l'Amitié cent fois plus criminelle, 4+6 i
Et dans un bois cachant mes tristes jours, 4+6 h
Je haïrai ; la haine est moins cruelle. » 4+6 i
Tousses amis entrent dans ce moment. 4+6 a
Le cœur rempli de crainte et d'espérance, 4+6 b
630 Laure suivait ; elle voit son amant, 4+6 a
Et dans ses bras soudain elle s'élance. 4+6 b
L'ingrat Volny, pressé de toutes parts, 4+6 o
Ne voulut point se retourner vers Laure ; 4+6 v
Il savait trop qu'un seul de ses regards 4+6 o
635 Eût obtenu ce pardon qu'elle implore. « 4+6 v
Ah ! dans tes yeux mets au moins tes refus. — 4+6 s
Je suis trahi, non, vous ne m'aimez plus. » 4+6 s
Sa main alors repousse cette amante 4+6 q
Qui d'un seul mot attendait son bonheur ; 4+6 y
640 Mais aussitôt condamnant sa rigueur, 4+6 y
Il se retourne et la voit expirante. 4+6 q
A cet aspect quelle fut sa douleur ! 4+6 y
Il la saisit, dans ses bras il la presse, 4+6 e
Étend ses doigts pour réchauffer son cœur, 4+6 y
645 Lui parle en vain, la nomme sa maîtresse, 4+6 e
Et de baisers la couvre avec ardeur. 4+6 y
De ces baisers l'amoureuse chaleur 4+6 y
Rappelle enfin la bergère à la vie ; 4+6 i
Elle renaît, et se voit dans ses bras. 4+6 h
650 Quel doux moment ! son âme trop ravie 4+6 i
Retourne encore aux portes du trépas ; 4+6 h
Mais son ami par de vives caresses 4+6 v
Lui rend encor l'usage de ses sens. 4+6 c
Qui peut compter leurs nouvelles promesses, 4+6 v
655 Leurs doux regrets, leurs transports renaissans ? 4+6 c
Chaque témoin en devint plus fidèle. 4+6 i
Églé surtout regardait son amant, 4+6 a
Et soupirait après une querelle, 4+6 i
Pour le plaisir du raccommodement. 4+6 a
660 La troupe sort, et chacun dans la plaine 4+6 k
S'en va tresser des guirlandes de. fleurs. 4+6 m
Avec plus d'art mariant les couleurs, 4+6 m
Déjà Talcis avait fini fa sienne ; 4+6 k
Quand sa maîtresse, épiant le moment, 4+6 a
665 D'entre ses doigts l'arrache adroitement. 4+6 a
La jette au loin, sourit, et prend la fuite ; 4+6 m
Puis en arrière elle tourne des yeux 4+6 c
Qui lui disaient : Viens donc à ma poursuite. 4+6 m
Il la comprit, et n'en courait que mieux. 4+6 c
670 Mais un faux pas fit tomber la bergère, 4+6 l
Et du zéphyr le souffle téméraire 4+6 l
Vint dévoiler ce qu'on voile si bien. 4+6 f
On vit, Églé !… mais non, l'on ne vit rien ; 4+6 f
Car ton amant, réparant toutes choses, 4+6 l
675 Jeta sur toi des fleurs à pleines mains, 4+6 g
Et dans l'instant tous ces charmes divins 4+6 g
Furent cachés sous un monceau de roses. 4+6 l
De ses deux bras le berger qui sourit 4+6 a
Entoure Églé pour mieux cacher sa honte ; 4+6 n
680 Et ce taux pas rappelle à son esprit 4+6 a
Ce récit court, et qui n'est point un conte. 4+6 n
« Symbole heureux de la candeur, 8 y
Jadis plus modeste et moins belle, 8 i
Du lis qui naissait auprès d'elle 8 i
685 La rose eut, dit-on, la blancheur. 8 y
Elle était alors sans épine, 8 o
C'est un fait. Écoutez comment 8 a
Lui vint la couleur purpurine : 8 o
J'aurai conté dans un moment. 8 a
690 Dans ce siècle de l'innocence 8 b
Où les dieux un peu. plus humains, 8 g
Regardaient avec complaisance 8 b
L'univers sortant de leurs mains, 8 g
Où l'homme sans aucune étude. 8 p
695 Savait tout ce qu'il faut savoir, 8 q
Où l'amour était un devoir, 8 q
Et le plaisir une habitude, 8 p
Au temps où Saturne régna, 8 r
Une belle au matin de l'âge, 8 d
700 Une seule, notez cela, 8 r
Fut cruelle malgré l'usage. 8 d
L'histoire ne dit pas pourquoi ; 8 j
Mais elle avait rêvé, je gage, 8 d
Et crut après de bonne foi, 8 j
705 Qu'être vierge c'est être sage. 8 d
Je ne veux point vous raconter 8 l
Par quel art l'enfant de Cythère 8 l
Conduisit la simple bergère 8 l
A ce pas si doux à sauter : 8 l
710 Dans une aventure amoureuse. 8 i
Pour le conteur et pour l'amant 8 a
Toute préface est ennuyeuse, 8 i
Venons bien vite au dénoûment. 8 a
Elle y vint donc, et la verdure 8 f
715 Reçut ses charmes faits au tour 8 e
Qu'avait arrondis la Nature 8 f
Exprès pour les doigts de l'Amour. 8 e
Alors une bouche brûlante 8 q
Effleure et rebaise à loisir 8 w
720 Ces appas voués au plaisir, 8 w
Mais qu'une volupté naissante 8 q
N'avait jamais fait tressaillir. 8 w
La pudeur voit, et prend la fuite ; 8 m
Le berger fait ce qu'il lui plaît ; 8 o
725 La bergère tout interdite. 8 m
Ne conçoit rien à ce qu'il fait : 8 o
Il saisit sa timide proie ; 8 g
Elle redoute son bonheur, 8 y
Et commence un cri de douleur 8 y
730 Qui se termine en cris de joie. 8 g
Cependant du gazon naissant 8 a
Que foulait le couple folâtre, 8 s
Une rose était l'ornement : 8 a
Une goutte du plus beau sang 8 a
735 Rougit tout-à-coup son albâtre. 8 s
Dans un coin le fripon d'Amour 8 e
S'applaudissait de sa victoire, 8 m
Et voulant de cet heureux jour 8 e
Laisser parmi nous la mémoire : « 8 m
740 Conserve à jamais ta couleur, 8 y
Dit-il à la rose nouvelle ; 8 i
De tes sœurs deviens la plus belle ; 8 i
D'Hébé sois désormais la fleur ; 8 y
Ne crois qu'au mois où la nature 8 f
745 Renaît au souffle du printemps, 8 c
Et d'une beauté de quinze ans 8 c
Sois le symbole et la peinture. 8 f
Ne te laisse donc plus cueillir 8 w
Sans faire éprouver ton épine ; 8 o
750 Et qu'en te voyant on devine 8 o
Qu'il faut acheter le plaisir. ». 8 w
Ce récit n'est point mon ouvrage, 8 d
Et mes yeux l'ont lu dans Paphos 8 k
A mon dernier pèlerinage. 8 d
755 En apostille étaient ces mots : 8 k
Tendres amans, si d'aventure. 8 f
Vous trouvez un bouton naissant, 8 a
Cueillez ; le bouton en s'ouvrant 8 a
Vous guérira de la piqûre. » 8 f
760 Florval alors s'assied contre un ormeau. 4+6 z
Sur ses genoux ses deux mains rapprochées 4+6 u
Tiennent d'Églé les paupières cachées, 4+6 u
Et de son front portent le doux fardeau. 4+6 z
Tous à la fois entourent la bergère 4+6 l
765 Qui leur présente une main faite au tour, 4+6 e
Et les invite à frapper tour-à-tour. 4+6 e
Naïs approche et frappe la première. 4+6 l
Pour mieux tromper, elle écarte les doigts, 4+6 d
Et sur le coup fortement elle appuie. 4+6 i
770 La main d'albâtre en fut un peu rougie. 4+6 i
Églé se tourne, examine trois fois, 4+6 d
Et sur Volmon laisse tomber son choix. 4+6 d
— Ce n'est pas lui ; replacez-vous encore. 4+6 v
Elle obéit, et soudain son amant 4+6 a
775 Avec deux doigts la touche obliquement. 4+6 a
— Oh ! pour le coup, j'ai bien reconnu Laure. 4+6 v
— Vous vous trompez, lui dit-on sur-le-champ, 4+6 a
Et l'on sourit de sa plainte naïve. 4+6 e
Déjà Zulmis lève une main furtive ; 4+6 e
780 Mais le joueur, moins juste que galant, 4+6 a
Ouvre ses doigts', et permet à la belle 4+6 i
De l'entrevoir du coin de la prunelle. 4+6 i
Cette fois donc Églé devine enfin. 4+6 f
L'autre à son tour prend la place, et soudain 4+6 f
785 Sur ses beaux doigts qui viennent de s'étendre 4+6 d
Est déposé le baiser le plus tendre. 4+6 d
Oh ! c'est Volmon, je le reconnais là. 4+6 r
Volmon se tut, mais son souris parla. 4+6 r
Sur le gazon la troupe dispersée 4+6 v
790 Goûtait le frais qui tombait des rameaux. 4+6 t
Volmon rêvait à des plaisirs nouveaux, 4+6 t
Et ce discours dévoila sa pensée : 4+6 v
« L'histoire dit qu'à la cour de Cypris 4+6 u
On célébrait une fête annuelle, 4+6 i
795 Où du baiser l'on disputait le prix. 4+6 u
On choisissait des belles la plus belle, 4+6 i
Jeune toujours, et n'ayant point d'amant. 4+6 a
Devant l'autel sa main prêtait serment ; 4+6 a
Puis sous un dais de myrte et de feuillage 4+6 d
800 Des combattans elle animait l'ardeur, 4+6 y
Et dans ses doigts elle tenait la fleur 4+6 y
Qui du succès devait être le gage. 4+6 d
Tous les rivaux inquiets et jaloux, 4+6 u
Formant des vœux, arrivaient à la file ; 4+6 p
805 Devant leur juge ils ployaient les genoux ; 4+6 u
Et chacun d'eux sur sa bouche docile 4+6 p
De ses baisers imprimait le plus doux. 4+6 u
Heureux celui dont la lèvre brûlante 4+6 q
Plus mollement avait su se poser ! 4+6 l
810 Heureux celui dont le simple baiser 4+6 l
Du tendre juge avait fait une amante ! 4+6 q
Soudain sur lui les regards se fixaient, 4+6 x
Et tous peignaient le désir et l'envie ; 4+6 i
A ses côtés les fleurs tombaient en pluie ; 4+6 i
815 Les cris joyeux qui dans l'air s'élançaient 4+6 x
Le faisaient roi de l'amoureux empire ; 4+6 e
Son nom chéri, mille fois répété, 4+6 l
De bouche en bouche était bientôt porté, 4+6 l
Et chaque belle aimait à le redire. 4+6 e
820 Le lendemain, les filles à leur tour 4+6 e
Recommençaient le combat de la veille. 4+6 b
Que de baisers prodigués en ce jour ! 4+6 e
L'heureux vainqueur sur sa bouche vermeille 4+6 b
De ses baisers comparait la douceur ; 4+6 y
825 Plusieurs d'entre eux surpassaient son attente ; 4+6 q
Ses yeux remplis d'une flamme mourante 4+6 q
Laissaient alors deviner son bonheur ; 4+6 y
Ses sens noyés dans une longue ivresse 4+6 e
Sous le plaisir languissaient abattus : 4+6 s
830 Aussi le soir sa bouche avec mollesse 4+6 e
S'ouvrait encore, et ne se fermait plus. 4+6 s
Renouvelons la fête de Cythère ; 4+6 l
De nos baisers essayons le pouvoir ; 4+6 q
Dans l'art heureux de jouir et de plaire 4+6 l
835 On a toujours quelque chose à savoir. » 4+6 q
« Non, dit Églé, ce galant badinage 4+6 d
Ne convient plus dès qu'on a fait un choix ; 4+6 d
Le tendre Amour ne veut point de partage ; 4+6 d
Et tout ou rien est une de ses lois. » 4+6 d
840 Zéphyre alors commençant à renaître, 4+6 f
Vient modérer les feux brûlans du jour ; 4+6 e
Chacun retourne à son travail champêtre ; 4+6 f
Disons plutôt à celui de l'amour. 4+6 e
Bois favorable, et qui jamais peut-être 4+6 f
845 N'avais prêté ton ombre à des heureux, 4+6 c
Tu fus alors consacré par leurs jeux. 4+6 c
Couché sur l'herbe entre les bras de Laure, 4+6 v
Volny mourait et renaissait encore ; 4+6 v
Et sous ses doigts la pointe du couteau 4+6 z
850 Grava ces vers sur le plus bel ormeau : « 4+6 z
Vous, qui venez dans ce bocage, 8 d
A mes rameaux qui vont fleurir 8 w
Gardez-vous bien de faire outrage, 8 d
Respectez mon jeune feuillage ; 8 d
855 Il a protégé le plaisir. » 8 w
Un lit de fleurs s'étendait sous l'ombrage ; 4+6 d
Ce peu de mots en expliquait l'usage : « 4+6 d
Confident de mon ardeur, 7 y
Bosquet, temple du bonheur, 7 y
860 Sois toujours tranquille et sombre : 7 n
Et puisse souvent ton ombre 7 n
Cacher aux yeux des jaloux 7 u
Une maîtresse aussi belle, 7 i
Un amant aussi fidèle, 7 i
865 Et des plaisirs aussi doux ! » 7 u
De ses rayons précipitant le reste, 4+6 y
Phébus touchait aux bornes de son cours, 4+6 h
Et s'en allait dans le sein des Amours 4+6 h
Se consoler de la grandeur céleste ; 4+6 y
870 Son disque d'or qui rougit l'horizon 4+6 j
Ne se voit plus qu'à travers le feuillage ; 4+6 d
Et du coteau s'éloignant davantage, 4+6 d
L'ombre s'allonge et court dans le vallon. 4+6 j
Enfin la troupe au château retournée 4+6 v
875 De la cité prend le chemin poudreux ; 4+6 c
Mais tous les ans elle vient dans ces lieux 4+6 c
Renouveler la champêtre journée. 4+6 v
ÉPILOGUE
C'était ainsi que ma muse autrefois, 4+6 d
Fuyant la ville et cherchant la nature, 4+6 f
880 De l'âge d'or retraçait la peinture, 4+6 f
Et s'égarait sous l'ombrage des bois. 4+6 d
Pour y chanter, je reprenais encore 4+6 v
Ce luth facile, oublié de nos jours, 4+6 h
Et qui jadis dans la main des Amours 4+6 h
885 Fit résonner le nom d'Éléonore. 4+6 v
Mon cœur naïf, mon cœur simple et trompé, 4+6 l
N'ayant alors que les goûts de l'enfance, 4+6 b
A tous les cœurs prêtait son innocence. 4+6 b
Ce rêve heureux s'est bientôt dissipé. 4+6 l
890 D'un doigt léger pour moi la Parque file 4+6 p
Depuis vingt ans de cinq autres suivis ; 4+6 u
La Raison vient, j'entrevois les Ennuis 4+6 u
Qui sur ses pas arrivent à la file. 4+6 p
Mes plus beaux jours sont donc évanouis ! 4+6 u
895 Illusions, qui trompez la jeunesse, 4+6 e
Amours naïfs, transports, première ivresse, 4+6 e
Ah ! revenez. Mais hélas ! je vous perds ; 4+6 o
Et sur le luth mes mains appesanties 4+6 z
Veulent enfin former de, nouveaux airs. 4+6 o
900 Il n'est qu'un temps pour les douces folies ; 4+6 z
Il n'est qu'un temps pour les aimables vers. 4+6 o
mètre profils métriques : 8, 7, 4+6
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