Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
NOU_3/NOU135
Germain NOUVEAU
LE CALEPIN DU MENDIANT
1949
POÉSIES DIVERSES
(1873-1913)
LES HÔTESSES
Quand vous coulant au bas de vos lits d'accouchées 6+6 a
Après les affres du premier enfantement 6−6 b
Vous vous dressez enfin, vous sentant allégées 6+6 a
Comme un arbre où saignait un fruit mûr, lourdement ; 6+6 b
5 Que dans votre miroir, Mères, Èves maudites, 6+6 a
Votre ombre frêle et pâle encore du danger 6+6 b
Vous fait prendre en horreur nos enfances, proscrites 6+6 a
D'un geste, et s'effarant d'un sourire étranger ; 6+6 b
Tandis que vous traînez, mornes, vos cicatrices, 6+6 a
10 Dieu nous voit blancs d'un lait revomi par ruisseaux, 6+6 b
L'âme et le front navrés du baiser des nourrices, 6+6 a
Miaulant au roulis d'impassibles berceaux. 6+6 b
Or, grandis dans l'orgueil d'avoir des cœurs si tristes, 6+6 a
Plus tard, après l'avoir respirée en chemin, 6+6 b
15 O femme, dans le vent plein d'adorables pistes, 6+6 a
Tu n'as tendu qu'un doigt à toute notre main. 6+6 b
Car, ô mortelle, enfant belle comme la Terre, 6+6 a
Tu ne peux attirer dans ta nuit, sans que dans 6+6 b
L'entrelacement nu de ta caresse amère 6+6 a
20 Luise toute la bête en l'éclair de tes dents. 6+6 b
Mais comme une qui tue et qui n'est pas méchante, 6+6 a
Tu souriras toujours, ne pouvant écouter, 6+6 b
Pour tous les noirs baisers où notre âme déchante, 6+6 a
Dans le ciel qui s'enfuit nos anges sangloter. 6+6 b
25 Ah ! nous la demandons toujours, la bonne Hôtesse, 6+6 a
La vraie, et dont le geste est sûr, toute au passant 6+6 b
Qui marche en la stupeur de la forêt traîtresse, 6+6 a
Les cheveux en sueur et les doigts lourds de sang ; 6+6 b
Chez qui coulent des flots de bonté merveilleuse 6+6 a
30 Et les vins rares sur la nappe, où le sommeil 6−6 b
Blotti dans un parfum de lessive rieuse 6+6 a
Se berce d'une ivresse encor verte au réveil ; 6+6 b
Où tu ne pèses pas, ô main, ce que tu donnes ; 6+6 a
Où, sur des fruits charmants comme des fleurs, la faim 6+6 b
35 S'oublie en un verger aux trésors en couronnes 6+6 a
Et sous le soleil mûr d'un automne sans fin. 6+6 b
Mais, puisque c'est en vain, ô nos bouches, crieuses 6+6 a
D'infini, dont la voix, comme un oiseau de feu, 6+6 b
Emporte au ciel l'amour des foules furieuses, 6+6 a
40 Ah ! puisque Dieu sans doute existe, mais si peu ! 6+6 b
Viens, toi, la plus affreuse et pourtant la meilleure, 6+6 a
Trop méconnue au temps où l'on était petit ; 6+6 b
O Mort, dernière Hôtesse, est-ce pas qu'il est l'heure 6+6 a
Ta porte bâille comme en un morne appétit. 6+6 b
45 Dérobe-nous, tes fils sont las, surtout des roses, 6+6 a
Pas de tout, certe, et vieux d'aller et d'espérer ; 6+6 b
Donne, ô Mort, ton sommeil aux sombres amauroses 6+6 a
Et que l'aube et ses coqs ne sauraient déchirer. 6+6 b
mètre profil métrique : 6−6
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