Métrique en Ligne
NOU_2/NOU101
Germain NOUVEAU
Valentines
et Autres Vers
1922
L’AGONISANT
Ce doit être bon de mourir, 8 a
D’expirer, oui, de rendre l’âme, 8 b
De voir enfin les cieux s’ouvrir ; 8 a
Oui, bon de rejeter sa flamme 8 b
5 Hors d’un corps las qui va pourrir ; 8 a
Oui, ce doit être bon, Madame, 8 b
Ce doit être bon de mourir ! 8 a
Bon, comme de faire l’amour, 8 a
L’amour avec vous, ma Mignonne, 8 b
10 Oui, la nuit, au lever du jour, 8 a
Avec ton âme qui rayonne, 8 b
Ton corps royal comme une cour ; 8 a
Ce doit être bon, ma Mignonne, 8 b
Oui, comme de faire l’amour ; 8 a
15 Bon, comme alors que bat mon cœur, 8 a
Pareil au tambour qui défile, 8 b
Un tambour qui revient vainqueur, 8 a
D’arracher le voile inutile 8 b
Que retenait ton doigt moqueur, 8 a
20 De t’emporter comme une ville 8 b
Sous le feu roulant de mon cœur ; 8 a
De faire s’étendre ton corps, 8 a
Dont le soupirail s’entrebâille. 8 b
Dans de délicieux efforts, 8 a
25 Ainsi qu’une rose défaille 8 b
Et va se fondre en parfums forts, 8 a
Et doux, comme un beau feu de paille ; 8 b
De faire s’étendre ton corps ; 8 a
De faire ton âme jouir, 8 a
30 Ton âme aussi belle à connaître, 8 b
Que tout ton corps à découvrir ; 8 a
De regarder par la fenêtre 8 b
De tes yeux ton amour fleurir, 8 a
Fleurir dans le fond de ton être 8 b
35 De faire ton âme jouir ; 8 a
D’être à deux une seule fleur, 8 a
Fleur hermaphrodite, homme et femme, 8 b
De sentir le pistil en pleur, 8 a
Sous l’étamine toute en flamme, 8 b
40 Oui d’être à deux comme une fleur, 8 a
Une grande fleur qui se pâme, 8 b
Qui se pâme dans la chaleur. 8 a
Oui, bon, comme de voir tes yeux 8 a
Humides des pleurs de l’ivresse, 8 b
45 Quand le double jeu sérieux 8 a
Des langues que la bouche presse, 8 b
Fait se révulser jusqu’aux cieux, 8 a
Dans l’appétit de la caresse, 8 b
Les deux prunelles de tes yeux ; 8 a
50 De jouir des mots que ta voix 8 a
Me lance, comme des flammèches, 8 b
Qui, me brûlant comme tes doigts, 8 a
M’entrent au cœur comme des flèches, 8 b
Tandis que tu mêles ta voix 8 a
55 Dans mon oreille que tu lèches, 8 b
À ton souffle chaud que je bois ; 8 a
Comme de mordre tes cheveux, 8 a
Ta toison brune qui ruisselle, 8 b
Où s’étalent tes flancs nerveux, 8 a
60 Et d’empoigner les poils de celle 8 b
La plus secrète que je veux, 8 a
Avec les poils de ton aisselle, 8 b
Mordiller comme tes cheveux ; 8 a
D’étreindre délicatement 8 a
65 Tes flancs nus comme pour des luttes, 8 b
D’entendre ton gémissement 8 a
Rieur comme ce chant des flûtes, 8 b
Auquel un léger grincement 8 a
Des dents se mêle par minutes, 8 b
70 D’étreindre délicatement, 8 a
De presser ta croupe en fureur 8 a
Sous le désir qui la cravache 8 b
Comme une jument d’empereur, 8 a
Tes seins où ma tête se cache 8 b
75 Dans la délicieuse horreur 8 a
Des cris que je… que je t’arrache 8 b
Du fond de ta gorge en fureur ; 8 a
Ce doit être bon de mourir, 8 a
Puisque faire ce que l’on nomme 8 b
80 L’amour, impérieux plaisir 8 a
De la femme mêlée à l’homme, 8 b
C’est doux à l’instant de jouir, 8 a
C’est bon, dis-tu, c’est bon… oui… comme, 8 b
Comme si l’on allait mourir ? 8 a
mètre profil métrique : 8
forme globale type : suite périodique
schéma : 12(abababa)
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