Métrique en Ligne
NOU_1/NOU6
Germain NOUVEAU
Poésies d'Humilis
et Vers Inédits
1872-1881
POÉSIES D'HUMILIS
Aux Femmes
Et vous, l'ancienne esclave à la caresse amère, 6+6 a
Vous le bétail des temps antiques et charnels, 6+6 b
Vous, femmes, dont Jésus fit la Vierge et la Mère, 6+6 a
D'après Celle qui porte en ses yeux maternels 6+6 b
5 Le reflet le plus grand des rayons éternels, 6+6 b
Aimez ces grands enfants pendus à votre robe, 6+6 a
Les hommes, dont la lèvre est ivre encoreencor du lait 6+6 b
De vos mamelles d'or qu'un linge blanc dérobe ; 6+6 a
Aimez l'homme, il est bon ; aimez-le, s'il est laid. 6+6 b
10 S'il est déshérité, c'est ainsi qu'il vous plaît. 6+6 b
Les hommes sont vos fruits : partagez-leur votre âme 6+6 a
Votre âme est comme un lait qui ne doit pas tarir, 6+6 b
O femmes, pour ces fils douloureux de la femme 6+6 a
Que vous faites pour vivre, hélas ! et pour souffrir ; 6+6 b
15 Que seul, le Fils de l'homme empêche de mourir ! 6+6 b
L'enfant c'est le mystère avec lequel tu joues, 6+6 a
C'est l'inconnu sacré que tu portes neuf mois, 6+6 b
Pendant que la douleur te baise sur les joues, 6+6 a
Mère qui fais des gueux et toi qui fais des rois, 6+6 b
20 Vous qui tremblez toujours et mourez quelquefois. 6+6 b
Comme autrefois les flancs d'Ève en pleurs sous les branches, 6+6 a
Au jardin favorable où depuis l'amour dort, 6+6 b
Ton labeur est maudit ! Ceux sur qui tu te penches, 6+6 a
Vois, mère, le plus doux, le plus beau, le plus fort, 6+6 b
25 Il apprend l'amertume et connaîtra la mort. 6+6 b
C'est toi la source, ô femme, écoute, ô mère folle 6+6 a
D'Ésope qui boitait, de Caïn qui griffait, 6+6 b
Vois le fruit noir tombé de ton baiser frivole, 6+6 a
Savoure-le pourtant, comme un divin effet, 6+6 b
30 En noyant dans l'amour l'horreur de l'avoir fait. 6+6 b
Pour l'amour, tout s'enchante en sa clarté divine. 6+6 a
Aimez comme vos fils les hommes ténébreux ; 6+6 b
Leur cœur, si vous voulez, votre cœur le devine : 6+6 a
Le plus graves au fond sont des enfants peureux ; 6+6 b
35 Le plus digne d'amour, c'est le plus malheureux. 6+6 b
Éclairez ces savants, ô vous les clairvoyantes, 6+6 a
Ne les avez-vous pas bercés sur vos genoux, 6+6 b
Tout petits ? Vous savez leurs âmes défaillantes ; 6+6 a
Quand ils tombent, venez ; ils sont francs, ils sont doux ; 6+6 b
40 S'ils deviennent méchants, c'est à cause de vous. 6+6 b
C'est à cause de vous que la discorde allume 6+6 a
Leurs yeux, et c'est pour vous, pour vous plaire un moment 6+6 b
Qu'ils font couler une encre impure sous leur plume. 6+6 a
Cet homme si loyal, ce héros si charmant, 6+6 b
45 S'il vous adore, il tue, et sur un signe il ment. 6+6 b
L'heure sonne, écoutez, c'est l'heure de la femme ; 6+6 a
Car les temps sont venus, où, tout vêtu de noir, 6+6 b
L'homme, funèbre, a l'air d'être en deuil de son âme 6+6 a
Ah ! rendez-lui son âme, et, comme en un miroir, 6+6 b
50 Qu'il regarde en la vôtre et qu'il aime à s'y voir. 6+6 b
Au lieu de le tenter, comme un démon vous tente, 6+6 a
Au lieu de garrotter ses membres las, au lieu 6+6 b
De tondre sur son front sa toison éclatante, 6+6 a
Vous, qui foulez son cœur, et vous faites un jeu 6+6 b
55 De piétiner sa mère, et d'en dissiper Dieu, 6+6 b
Otez-lui le vin rouge où son orgueil se grise ; 6+6 a
Retirez-lui l'épée où se crispe sa main ; 6+6 b
Montrez-lui les sentiers qui mènent à l'église, 6+6 a
Parmi l'œillet, le lys, la rose et le jasmin ; 6+6 b
60 Faites-lui voir le vice un banal grand chemin. 6+6 b
Dites à ces enfants qu'il n'est pas raisonnable 6+6 a
De poursuivre le ciel ailleurs que dans les cieux, 6+6 b
De rêver d'un amour qui cesse d'être aimable, 6+6 a
De se rire du Maître en s'appelant des dieux, 6+6 b
65 Et de nier l'enter quand ils l'ont dans les yeux. 6+6 b
Cependant l'homme est roi ; s'il courbe son échine 6+6 a
Sur le sillon amer qu'il creuse avec ennui, 6+6 b
S'il traîne ses pieds lourds, le sceau de l'origine 6+6 a
Céleste à son front reste, où l'amour même a lui ; 6+6 b
70 Et comme il sort de Dieu, femme, tu sors de lui. 6+6 b
Cette paternité brille dans sa faiblesse 6+6 a
Autant que dans sa force ; il a l'autorité. 6+6 b
N'en faites pas un maître irrité qui vous blesse ; 6+6 a
Dans la sombre forêt de l'âpre humanité 6+6 b
75 L'homme est le chêne, et Dieu lui-même l'a planté. 6+6 b
Respectez ses rameaux, redoutez sa colère, 6+6 a
Car Dieu mit votre sort aux mains de ce proscrit. 6+6 b
Voyez d'abord ce blanc porteur de scapulaire, 6+6 a
Ce moine, votre père auprès de Jésus-Christ : 6+6 b
80 Il montre dans ses yeux le feu du Saint-Esprit. 6+6 b
En faisant de l'amour leur éternelle étude 6+6 a
Les moines sont heureux à l'ombre de la Croix ; 6+6 b
Ils peuplent avec Dieu leur claire solitude ; 6+6 a
L'étang bleu qui se mêle à la paix des grands bois, 6+6 b
85 Voilà leur cœur limpide où s'éveillent des voix. 6+6 b
Les apôtres menteurs et les faux capitaines 6+6 a
Qui soumettent les cœurs, mais que Satan soumet, 6+6 b
Vous les reconnaîtrez à des tares certaines : 6+6 a
La luxure a Luther ; l'orgueil tient Mahomet ; 6+6 b
90 Saint Jean, lui, marchait pur, aussi Jésus l'aimait. 6+6 b
Plus haut que les guerriers, plus haut que les poètes, 6+6 a
Peuple sur lequel souffle un vent mystérieux, 6+6 b
Dominant jusqu'au trône ébloui par les fêtes 6+6 a
Des empereurs blanchis aux regards soucieux, 6+6 b
95 Et par-dessus la mer des peuples furieux, 6+6 b
A l'ombre de sa belle et haute basilique, 6+6 a
Dans Rome, où vous vivez, cendres du souvenir, 6+6 b
Gouvernant avec fruit sa douce République, 6+6 a
Qu'il mène vers le seul, vers l'unique avenir, 6+6 b
100 Jaloux de ne lever la main que pour bénir, 6+6 b
Le prêtre luit, vêtu de blanc, comme les marbres, 6+6 a
Dédoublement sans lin du Christ mystérieux, 6+6 b
Berger, comme Abraham qui campe sous les arbres ; 6+6 a
Toute la vérité vieille au fond de ses yeux. 6+6 b
105 Et maintenant, paissez, long troupeau, sous les cieux. 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
forme globale type : suite périodique
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