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NOU_1/NOU17
Germain NOUVEAU
Poésies d'Humilis
et Vers Inédits
1872-1881
POÉSIES D'HUMILIS
Humilité
I
L'esprit des sages te contemple, 8 a
Mystérieuse Humilité, 8 b
Porte étroite et basse du temple 8 a
Auguste de la vérité ! 8 b
5 Vertu que Dieu place à la tête 8 c
Des vertus que l'ange au ciel fête ; 8 c
Car elle est la perle parfaite 8 c
Dans l'abîme du siècle amer ; 8 d
Car elle rit sous l'eau profonde, 8 e
10 Loin du plongeur et de la sonde. 8 e
Préférant aux écrins du monde 8 e
Le cœur farouche de la mer. 8 d
C'est vers l'humanité fidèle 8 a
Que mes oiseaux s'envoleront ; 8 b
15 Vers les fils, vers les filles d'elle, 8 a
Pour sourire autour de leur front ; 8 b
Vers Jeanne d'Arc et Geneviève 8 c
Dont l'étoile au ciel noir se lève, 8 c
Dont le paisible troupeau rêve, 8 c
20 Oublieux du loup, qui s'enfuit ; 8 d
Douces porteuses de bannière, 8 e
Qui refoulaient, à leur manière, 8 e
L'impur Suffolk vers sa tanière, 8 e
L'aveugle Attila dans sa nuit. 8 d
25 Sur la lyre à la corde amère 8 a
Où le chant d'un dieu s'est voilé, 8 b
Ils iront saluer Homère 8 a
Sous son haillon tout étoilé. 8 b
Celui pour qui jadis les Iles 8 c
30 Et la Grèce étaient sans asiles, 8 c
Habite aujourd'hui dans nos villes 8 c
La colonne et le piédestal ; 8 d
Une fontaine à leur flanc jase, 8 e
Où l'enfant puise avec son vase, 8 e
35 Et la rêverie en extase, 8 e
Avec son urne de cristal. 8 d
Loin des palais sous les beaux arbres 8 a
Où les paons, compagnons des dieux, 8 b
Traînent dans la blancheur des marbres 8 a
40 Leurs manteaux d'azur, couverts d'yeux ; 8 b
Où, des bassins que son chant noie 8 c
L'onde s'échevèle et poudroie : 8 c
Laissant ce faste et cette joie, 8 c
Mes strophes abattront leur vol, 8 d
45 Pour entendre éclater, superbe, 8 e
La voix la plus proche du Verbe, 8 e
Dans la paix des grands bois pleins d'herbe 8 e
Où se cache le rossignol. 8 d
Lorsqu'au fond de la forêt brune 8 a
50 Pas une feuille ne bruit, 8 b
Et qu'en présence de la lune 8 a
Le silence s'épanouit, 8 b
Sous l'azur chaste qui s'allume, 8 c
Dans l'ombre où l'encens des fleurs fume, 8 c
55 Le rossignol qui se consume 8 c
Dans l'extatique oubli du jour, 8 d
Verse un immense épithalame 8 e
De son petit gosier de flamme, 8 e
Où s'embrasent l'accent et l'âme 8 e
60 De la nature et de l'amour ! 8 d
II
C'est Dieu qui conduisait à Rome, 8 a
Mettant un bourdon dans sa main, 8 b
Ce saint qui ne fut qu'un pauvre homme, 8 a
Hirondelle de grand chemin, 8 b
65 Qui laissa tout son coin de terre, 8 c
Sa cellule de solitaire. 8 c
Et la soupe du monastère, 8 c
Et son banc qui chauffe au soleil, 8 d
Sourd à son siècle, à ses oracles, 8 e
70 Accueilli des seuls tabernacles, 8 e
Mais vêtu du don des miracles 8 e
Et coiffé du nimbe vermeil. 8 d
Le vrai pauvre qui se délabre, 8 a
Lustre à lustre, été par été, 8 b
75 C'était ce règne, et non saint Labre, 8 a
Qui lui faisait la charité 8 b
De ses vertus spirituelles, 8 c
De ses bontés habituelles, 8 c
Léger guérisseur d'écrouelles, 8 c
80 Front penché sur chaque indigent, 8 d
Fière statue enchanteresse 8 e
De l'austérité, que Dieu dresse, 8 e
Au bout du siècle de l'ivresse, 8 e
Au seuil du siècle de l'argent. 8 d
85 Je sais que notre temps dédaigne 8 a
Les coquilles de son chapeau, 8 b
Et qu'un lâche étonnement règne 8 a
Devant les ombres de sa peau ; 8 b
L'âme en est-elle atténuée ? 8 c
90 Et qu'importe au ciel sa nuée, 8 c
Qu'importe au miroir sa buée, 8 c
Si Dieu splendide aime à s'y voir ! 8 d
La gangue au diamant s'allie ; 8 e
Toi, tu peins ta lèvre pâlie, 8 e
95 Luxure, et toi, vertu salie, 8 e
C'est là ton fard mystique et noir. 8 d
Qu'importe l'orgueil qui s'effare, 8 a
Ses pudeurs, ses rébellions ! 8 b
Vous, qu'une main superbe égare 8 a
100 Dans la crinière des lions, 8 b
Comme elle égare aux plis des voiles, 8 c
Où la nuit a tendu ses toiles, 8 c
Aldébaran et les étoiles, 8 c
Frères des astres, vous, les poux 8 d
105 Qu'il laissait paître sur sa tête, 8 e
Bon pour vous et dur pour sa bête, 8 e
Dites, par la voix du poète, 8 e
A quel point ce pauvre était doux ! 8 d
Ah ! quand le Juste est mort, tout change : 8 a
110 Rome au saint mur pend son haillon, 8 b
Et Dieu veut, par des mains d'Archange, 8 a
Vêtir son corps d'un grand rayon ; 8 b
Le soleil le prend sous son aile, 8 c
La lune rit dans sa prunelle, 8 c
115 La grâce comme une eau ruisselle 8 c
Sur son buste et ses bras nerveux ; 8 d
Et le saint, dans l'apothéose 8 e
Du ciel ouvert comme une rose, 8 e
Plane, et montre à l'enfer morose 8 e
120 Des étoiles dans ses cheveux ! 8 d
Beau paysan, ange d'Amette, 8 a
Ayant aujourd'hui pour trépieds 8 b
La lune au ciel, et la comète, 8 a
Et tous les soleils sous vos pieds ; 8 b
125 Couvert d'odeurs délicieuses, 8 c
Vous, qui dormiez sous les yeuses, 8 c
Vous, que l'Église aux mains pieuses 8 c
Peint sur l'autel et le guidon, 8 d
Priez pour nos âmes, ces gouges, 8 e
130 Et pour que nos cœurs, las des bouges, 8 e
Lavent leurs péchés noirs et rouges 8 e
Dans les piscines du pardon ! 8 d
III
Aimez l'humilité ! C'est elle 8 a
Que les mages de l'Orient, 8 b
135 Coiffés d'un turban de dentelle, 8 a
Et dont le Noir montre en riant 8 b
Un blanc croissant qui l'illumine, 8 c
Offrant sur les coussins d'hermine 8 c
Et l'or pur et la myrrhe fine, 8 c
140 Venaient, dans l'encens triomphant, 8 d
Grâce à l'étoile dans la nue, 8 e
Adorer, sur la paille nue, 8 e
Au fond d'une étable inconnue, 8 e
Dans la personne d'un enfant. 8 d
145 Ses mains, qui sont des fleurs écloses, 8 a
Aux doux parfums spirituels, 8 b
Portent de délicates roses, 8 a
A la place des clous cruels. 8 b
Écarlates comme les baies 8 c
150 Dont le printemps rougit les haies, 8 c
Les cinq blessures de ses plaies, 8 c
Dont l'ardeur ne peut s'apaiser, 8 d
Semblent ouvrir au vent des fièvres, 8 e
Sur sa chair pâle aux blancheurs mièvres, 8 e
155 La multitude de leurs lèvres 8 e
Pour l'infini de son baiser. 8 d
Au pied de la croix découpée 8 a
Sur le sombre azur de Sion, 8 b
Une figure enveloppée 8 a
160 De silence et de passion, 8 b
Immobile et de pleurs vêtue, 8 c
Va grandir comme une statue 8 c
Que la foi des temps perpétue, 8 c
Haute assez pour jeter sur nous, 8 d
165 Nos deuils, nos larmes et nos râles, 8 e
Son ombre aux ailes magistrales, 8 e
Comme l'ombre des cathédrales 8 e
Sur les collines à genoux. 8 d
Près de la blanche Madeleine, 8 a
170 Dont l'époux reste parfumé 8 b
Des odeurs de son urne pleine, 8 a
Près de Jean le disciple aimé, 8 b
C'est ainsi qu'entre deux infâmes, 8 c
Honni des hommes et des femmes, 8 c
175 Pour le ravissement des âmes, 8 c
Voulut éclore et se flétrir 8 d
Celui qui, d'un cri charitable, 8 e
Appelante pauvre à sa table, 8 e
Était bien le Dieu véritable 8 e
180 Puisque l'homme l'a fait mourir ! 8 d
Maintenant que Tibère écoute 8 a
Rire le flot, chanter le nid ! 8 b
Olympe, un cri monte à ta voûte, 8 a
Et c'est : Lamma Sabacthani ! 8 b
185 Les dieux voient s'écrouler leur nombre. 8 c
Le vieux monde plonge dans l'ombre, 8 c
Usé comme un vêtement sombre 8 c
Qui se détache par lambeaux. 8 d
Un empire inconnu se fonde, 8 e
190 Et Rome voit éclore un monde 8 e
Qui sort de la douleur profonde 8 e
Comme une rose du tombeau ! 8 d
Des bords du Rhône aux bords du Tigre 8 a
Que Néron fasse armer ses lois, 8 b
195 Qu'il sente les ongles du tigre 8 a
Pousser à chacun de ses doigts ; 8 b
Qu'il contemple, dans sa paresse, 8 c
Au son des flûtes de la Grèce, 8 c
Les chevilles de la négresse 8 c
200 Tourner sur un rythme énervant ; 8 d
Déjà, dans sa tête en délire, 8 e
S'allume la flamme où l'Empire 8 e
De Rome et des Césars expire 8 e
Dans la fumée et dans le vent ! 8 d
IV
205 Humilité ! loi naturelle, 8 a
Parfum du fort, fleur du petit ! 8 b
Antée a mis sa force en elle, 8 a
C'est sur elle que l'on bâtit. 8 b
Seule, elle rit dans les alarmes. 8 c
210 Celui qui ne prend pas ses armes, 8 c
Celui qui ne voit pas ses charmes 8 c
A la clarté de Jésus-Christ, 8 d
Celui là, sur le fleuve avide 8 e
Des ans profonds que Dieu dévide, 8 e
215 Aura fui comme un feuillet vide 8 e
Où le destin n'a rien écrit ! 8 d
mètre profil métrique : 8
forme globale type : suite périodique
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