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| = césure
NOU_1/NOU13
Germain NOUVEAU
Poésies d'Humilis
et Vers Inédits
1872-1881
POÉSIES D'HUMILIS
Mors et Vita
Souvenez-vous | des humbles cimetières 4+6 a
Que voile aux villages voisins 8 b
Le pli d'un coteau pâle | où pendent les raisins, 6+6 b
Qu'éveille, au point du jour, | l'air du casseur de pierres. 6+6 a
5 Seuls, les vieux fossoyeurs | ont d'eux quelque souci. 6+6 a
Et c'est à peine si — 6 a
Comme des brebis étonnées, 8 a
Loin du troupeau fumant | des douces cheminées, 6+6 a
Loin du clocher, ce pâtre | amoureux d'horizons — 6+6 a
10 Quelques maisons 4 a
Abandonnées, 4 b
Toutes fanées 4 b
Par les saisons, 4 a
Du vide de leurs yeux | dans leur face hagarde, 6+6 a
15 Contemplent — par-dessus | l'enclos au portail veuf 6+6 b
Parfois de l'auvent qui le garde — 8 a
La chapelle en ruine | à la grande lézarde, 6+6 a
Les tertres anciens | et les croix de bois neuf. 6+6 b
Mais l'été que | l'ange envoie aux vallées, 4+6 a
20 Pour les églogues étoilées, 8 a
Aux grands blés roux buvant | ses haleines de feu, 6+6 a
Et vers les rivières vermeilles, 8 b
L'été, sur un signe de Dieu, 8 a
Fait, avec ses rayons, | de sauvages corbeilles 6+6 b
25 De ces asiles tout | en fleurs où les abeilles, 6+6 b
Dans l'herbe haute et drue | ainsi que des remords, 6+6 a
D'un long bourdonnement | ensommeillent les morts. 6+6 a
A midi, le soleil | silencieux qui tombe, 6+6 a
Grave, comme un chat d'or | s'allonge sur la tombe 6+6 a
30 Dont la blancheur brûle, éclatant 8 a
Parmi l'argile rose | ou les avoines folles, 6+6 b
Pendant que le lézard entend 8 a
Passer, dans les bruits vains | et les vagues paroles, 6+6 b
La robe, ayant l'odeur | de nos amours défunts, 6+6 a
35 De la Mort, mère | et reine des parfums. 4+6 a
Tramée avec les fils du rêve, 8 a
Voici s'assombrir l'heure | où la lune se lève, 6+6 a
Et le lourd laboureur | qui rentre réfléchit 6+6 a
Sur la route où l'air pur fraîchit, 8 a
40 Le long des murs sacrés, | et son cœur croit entendre 6+6 a
Une voix étouffée ou tendre, 8 a
Dans la nuit bleue et noire | ainsi que le corbeau… 6+6 a
La nuit donne la vie | aux choses du tombeau. 6+6 a
Cependant, là |-bas, dans les nécropoles, 4+6 a
45 Sur qui la nue ardente | ébauche des coupoles, 6+6 a
Et qu'endorment les cris | confus et les oiseaux 6+6 a
Des villes, dont le vaste | oubli pèse à ses os, 6+6 a
Une immobile multitude 8 a
Poursuit le même rêve | en la même attitude ; 6+6 a
50 Et depuis tant d'hivers | que les soleils lassés 6+6 a
Ne comptent plus les noms | par les vents effacés, 6+6 a
Malgré leur solitude | qui s'ennuie 6+4 a
Au cantique filtré | sur leur front par la pluie, 6+6 a
Elles peuvent goûter | encor des jours bénis, 6+6 a
55 Ces pauvres âmes désolées, 8 b
Vers la douce époque des nids, 8 a
Sous les funéraires feuillées, 8 b
Quand Mai, de sa main fine, | aux grilles des caveaux 6+6 a
Attache des bouquets | et des regrets nouveaux 6+6 a
60 Ou quand leur commune patronne, 8 a
Leur fête, fait éclore | une triste couronne : 6+6 a
Ce jour-là, plus d'un deuil | charmant qui vient errer 6+6 a
Dans les sombres jardins, | tressaille à rencontrer, 6+6 a
Sous les branches d'automne | à peine encore vertes, 6+6 a
65 L'impériale odeur | des tombes entrouvertes. 6+6 a
Et tous, ceux du village | et ceux de la cité, 6+6 a
Ceux qui sourient d'avoir été 8 a
De gais bouviers dans la campagne, 8 a
Et ceux dont la statue | en marbre est la compagne, 6+6 a
70 Ces morts que Dieu sema | comme on sème le blé, 6+6 a
Tous dorment d'un | sommeil si peu troublé, 4+6 a
Qu'il semble que la vie, 6 a
A ces mornes reclus 6 b
Lugubrement ravie, 6 a
75 Ne doive jamais plus 6 b
Monter ni redescendre 6 a
Des yeux pleins de nuit noire | au cœur tombant en cendre. 6+6 a
Aucun orchestre en floraison 8 a
Sous les bosquets royaux | dans la chaude saison, 6+6 a
80 Aucune orfèvrerie | amoncelant ses bagues, 6+6 a
Aucun océan soucieux 8 b
Des perles qu'il charrie | aux plis lourds de ses vagues, 6+6 a
Aucun Messidor sous les cieux 8 b
Qui couvrent la splendeur | des terres éventrées, 6+6 a
85 Ni le soleil de ces contrées 8 a
Où son regard luit si hautain, 8 a
Sur les monts que couronne | une âpre odeur de thym, 6+6 a
Qu'il semble à la stupeur physique 8 a
Que le rayon fait la musique ; 8 a
90 Ni lune en fleur d'aucun été, 8 a
Ni comètes semant | de diamants leur voie, 6+6 b
Ne roulent plus d'ivresse | en versant plus de joie, 6+6 b
Que la solennelle clarté 8 a
Qui, tenant de la rose | et de la primevère, 6+6 a
95 Jaillira par la fente | en rumeur des cercueils, 6+6 b
Comme un vin parfumé | des blessures du verre, 6+6 a
Quand, sonnant la fuite des deuils, 8 b
L'ange du Jugement, | sur le tombeau du Juste, 6+6 a
Soulèvera la pierre | avec un geste auguste ! 6+6 a
mètre profils métriques : 8, 6, 4, 4=6, 6+6
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