Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
NOR_1/NOR9
corpus Pamela Puntel
Jacques NORMAND
TABLETTES D’UN MOBILE
1870-1871
1871
CAUSERIE
ET le vieux colonel, tirant sa tabatière, 6+6 a
Me dit : « Que voulez-vous, mon ami, c’est la guerre ! 6+6 a
— La guerre, cher monsieur ; mais je ne l’admets pas. 6+6 b
— Comment ! — A mon avis, la déesse Pallas 6+6 b
5 Devrait, au lieu de lance, et d’égide, et de casque, 6+6 a
Porter plumes, rubans, grelots, maillot et masque, 6+6 a
Et tenir à la main, comme feu Triboulet, 6+6 b
Une marotte. — Eh quoi ! riez-vous, s’il vous plaît ? — 6+6 b
Non, non, je ne ris pas. — Quoi ! Pallas une folle ? — 6+6 a
10 Oui, mon cher colonel.On croirait, ma parole, 6+6 a
Que pour vous le dieu Mars n’est qu’un bouffon de cour, 6+6 b
Un pitre, s’essoufflant au coin d’un carrefour, 6+6 b
Aux badauds ébahis débitant des sornettes, 6+6 a
Et dans un casque d’or recueillant ses recettes. 6+6 a
15 — Le portrait ci-dessus est exact en tout point. 6+6 b
— Voyons, vous vous moquez… —Je ne me moque point. 6+6 b
Comme disait Alceste, et je ne puis comprendre 6+6 a
Que votre opinion se puisse encor défendre. 6+6 a
Vous faites de la guerre une nécessité, 6+6 b
20 Un fléau qui jamais ne peut être évité, 6+6 b
Comme le choléra, la grêle ou le tonnerre ; 6+6 a
Puis vous vous inclinez en disant : C’est la guerre ! 6+6 a
Ce mot-là, parait-il, devra tout excuser ; 6+6 b
On ne doit s’insurger ni se scandaliser 6+6 b
25 En voyant le bon droit se donner une entorse, 6+6 a
La justice céder au règne de la force, 6+6 a
Et la matière enfin l’emporter sur l’esprit. 6+6 b
— Tout cela, mon ami, sont choses qu’on écrit ; 6+6 b
Ce sont raisonnements qui font bien dans un livre ; 6+6 a
30 Mais l’homme est toujours l’homme, et la gloire l’enivre, 6+6 a
Et de son sot orgueil telle est l’intensi 6+6 b
Qu’il le pousse souvent jusqu’à la cruauté. 6+6 b
La guerre, voyez-vous, est un mal incurable. 6+6 a
— Et pourquoi ? — Parce que… — Vous connaissez la fable 6+6 a
35 De Bertrand et Raton ? — Oui, les marrons du feu. 6+6 b
— Eh bien, mon colonel, réfléchissons un peu. 6+6 b
N’est-il pas évident que tous, tant que nous sommes, 6+6 a
Nous sommes les Ratons, et que ces quelques hommes 6+6 a
Que l’on nomme empereurs, ministres, généraux, 6+6 b
40 Sont… — Mon ami, la guerre enfante des héros, 6+6 b
Grandit les sentiments, dévoile les courages, 6+6 a
Fait des hommes enfin ! — Mais en perd davantage. 6+6 a
— Mourir pour son pays est un bienheureux sort. 6+6 b
— Hum ! hum ! Celui qui meurt jouit-il de sa mort ? 6+6 b
45 — Comment, vous, un Français ! — Mon Dieu, je dois le dire, 6+6 a
Je ne crois pas qu’il soit un homme qui désire 6+6 a
Mourir pour son pays, alors qu’à ses côtés 6+6 b
Éclatent les obus, et qu’il voit culbutés 6+6 b
Criant, saignant, geignant, sept ou huit camarades. 6+6 a
50 Alors les chants guerriers lui paraissent très-fades ; 6+6 a
Son devoir l’attachant, quoi qu’il doive affronter, 6+6 b
Il reste ; mais a-t-il grand plaisir à rester ? 6+6 b
Pense-t-il qu’il est beau de mourir pour la gloire ? 6+6 a
Le chant des Girondins lui vient-il en mémoire ? 6+6 a
55 Non. Dans ces moments-là le cœur pleure, et l’on sent 6+6 b
Qu'il est quelqu’un là-bas qui pense au fils absent… 6+6 b
S’il est beau de mourir, il est bien doux de vivre ; 6+6 a
On fera son devoir ; on suivra, s’il faut suivre, 6+6 a
Jusque sous les canons ceux qui vont de l’avant ; 6+6 b
60 Mais au fond de son être on sent vibrer souvent 6+6 b
Tout un monde chéri qui pour vous veille et prie, 6+6 a
Et l’on désire peu « mourir pour la patrie ». 6+6 a
Peut-être appelle-t-on cela la lâcheté ; 6+6 b
Je suis un lâche, alors. — Vous êtes entêté, 6+6 b
65 Voilà tout. » Et le vieux, tortillant sa moustache, 6+6 a
Allongea sur sa botte un bon coup de cravache, 6+6 a
Son geste habituel alors qu’il ne veut pas 6+6 b
Avouer qu’il a tort, et se croisa les bras. 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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