Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
NOR_1/NOR22
corpus Pamela Puntel
Jacques NORMAND
TABLETTES D’UN MOBILE
1870-1871
1871
LE DRAME
DE
LA RUE DES ROSIERS
DANS une rue étroite et tranquille, où l’on voit 6+6 a
Le soleil du printemps, tombant du haut d’un toit, 6+6 a
Se jouer sur le sol en lumineuses gerbes, 6+6 b
Dort un petit jardin peu cultivé, plein d'herbes, 6+6 b
5 Mais gai, frais, solitaire et fait pour y rêver. 6+6 a
Quelques arbres fruitiers, cherchant à s’élever 6+6 a
Le long d’un mur orné de feuillage vert-tendre ; 6+6 b
Des zigzags de gazon qui pousse et semble attendre 6+6 b
Les baisers du soleil ; cinq ou six pots de fleurs ; 6+6 a
10 Une maison très-simple, aux joyeuses couleurs, 6+6 a
Aux rideaux de percale, aux persiennes voyantes, 6+6 b
Où montent en festons quelques plantes grimpantes ; 6+6 b
Un banc où le poète aimerait à s’asseoir : 6+6 a
C’est tout. — Ici le sang aura coulé ce soir. 6+6 a
15 Que veut donc cette foule ardente, furieuse, 6+6 b
Trainant, poussant, portant, comme une mer houleuse, 6+6 b
Deux hommes, menacés par cent poings frémissants : 6+6 a
Un vieillard, —un soldat ? Des cris assourdissants 6+6 a
Partent de tous côtés, se croisent sur leurs têtes, 6+6 b
20 Qu’ombrage un triple rang de sombres baïonnettes. 6+6 b
« A mort ! à mort ! dit-on. — Il fait tirer sur nous ! 6+6 a
« Plus de traîtres ! — Vengeance ! » Et, comme le remous 6+6 a
Du flot qui sur le roc en déferlant se rue, 6+6 b
La foule en grossissant escalade la rue. 6+6 b
25 Voyez, ils sont entrés. Porte, escalier, cloison, 6+6 a
Tout est rompu : le peuple envahit la maison, 6+6 a
Se hisse sur les murs et veut voir. — Quoi ? « Sans doute, 6+6 b
Juger les deux captifs : il faut qu’on les écoute ; 6+6 b
Avant de les punir, qu’on connaisse leur tort… 6+6 a
30 Non ! ce n’est pas cela qu’ils veulent : c’est leur mort ! 6+6 a
Leur mort ! — Les loups-cerviers jugent-ils leurs victimes ? 6+6 b
Leur mort ! — Les assassins s’arrêtent-ils aux crimes ? 6+6 b
Leur mort ! — Car la terreur va toujours grandissant : 6+6 a
Après le vol, le meurtre ; après le vin, le sang ! 6+6 a
35 Ils sont là tous les deux, froids, calmes, tête nue ; 6+6 b
Ils attendent, fixant cette immonde cohue 6+6 b
D’un œil tranquille et sûr, qui connaît le danger. 6+6 a
Hélas ! ils savent bien qu’on ne peut les juger, 6+6 a
Et, les jugerait-on, que leur mort est certaine. 6+6 b
40 D’ailleurs ils sont soldats et leur âme est sereine : 6+6 b
L’un faisait son devoir quand on vint le saisir ; 6+6 a
L’autre l’a toujours fait : tous deux peuvent mourir. 6+6 a
Cependant les bandits, dans leur féroce joie, 6+6 b
Trouvant qu’on est bien long à leur livrer leur proie 6+6 b
45 Le spectacle est tout prêt ; on le leur a promis ; 6+6 a
Qu‘on se hâte, ou sinon !
Enfin on les a mis, 6+6 a
Jetés plutôt, au fond du jardin, côte à côte, 6+6 b
Sans chaînes, sans bandeaux, la tête libre et haute, 6+6 b
Debout contre le mur, à dix pas des bourreaux. 6+6 a
On charge les fusils.
50 Qu’ils sont grands, qu’ils sont beaux, 6+6 a
Calmes, froids, au milieu de ces hommes farouches ! 6+6 b
Pas un cri de terreur ne sortit de leur bouche ; 6+6 b
Pas une larme encor ne sortit de leurs yeux. 6+6 a
« En joue ! » a dit quelqu’un. — A ce mot, le moins vieux 6+6 a
55 Des deux martyrs, sentant qu’on va lui prendre l’âme, 6+6 b
Fait un pas : « Arrêtez, leur dit-il, j’ai ma femme, 6+6 b
J’ai cinq enfants ! Pitié ! »
Ces douloureux accents 6+6 a
Émeuvent quelques cœurs : des fusils menaçants 6+6 a
Se relèvent… Mais quoi ! Le peuple veut sa fête ; 6+6 b
60 Il lui faut ces deux morts pour qu’elle soit complète 6+6 b
Ils tomberont tous deux.
« Feu ! » dit la même voix. 6+6 a
Quinze coups de fusil éclatent à la fois. 6+6 a
Le plus jeune est tombé. Quant au vieillard, tranquille, 6+6 b
Calme, les bras croisés, sur cette foule vile 6+6 b
65 Il jette un long regard de honte et de dégoût. 6+6 a
Deux coups partent encore : il est toujours debout. 6+6 a
Un long filet de sang souille sa barbe blanche ; 6+6 b
Sa main gauche s’abaisse et vient presser sa hanche 6+6 b
Juste au-dessous du cœur ; puis, de son autre main 6+6 a
Menaçant les bourreaux : « Lâches ! » dit-il.
70 Soudain , 6+6 a
Sur un ordre nouveau, qu'on donne avec colère, 6+6 b
Le martyr tend les bras, trébuche et roule à terre. 6+6 b
Le spectacle est fini : qu’on change le décor ! 6+6 a
Assassins, grisez-vous : le sang est chaud encor ! 6+6 a
mètre profil métrique : 6+6
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